L’état de santé du secteur minier, son apport à l’économie nationale, les grèves des employés de certaines sociétés minières et les accords signés entre le Mali et le Maroc en faveur du développement du secteur minier des pays, tels sont entre autres sujets abordés dans cette interview que le directeur national de la géologie et des mines, Lassana Guindo, a bien voulu nous accordé. Lisez plutôt !
Le Tjikan : Mr le directeur national de la géologie et des mines en deux mots pouvez-vous nous énumérer les missions de la DNGM ?
Lassana Guindo : La direction nationale de la géologie et des mines (DNGM) est un service central du ministère de l’industrie et des mines. Et à cet effet, notre mission fondamentale consiste à mettre en œuvre une politique minière adéquate pour le Mali. Aussi, nous sommes chargés de suivre les activités de recherches et d’exploitations minières ainsi que les réglementations qui cadrent toutes ces activités.
Le Maroc vient de signer plusieurs accords avec le Mali, dans cette nouvelle dynamique de la coopération entre les deux pays qu’elle sera la place du secteur minier ?
Nous dirons que le secteur minier n’est pas resté en marge de cette coopération Maroco- Malienne. Pour cause, nous avons signé deux protocoles concernant le domaine des mines avec le Maroc. Le premier est un protocole spécifique axé entre autres, sur la recherche minière, la formation, l’échange d’expériences entre nos deux pays (Mali Maroc ndlr) afin de mieux développer davantage le secteur minier. Quant au second protocole, il est relatif à l’implantation d’une unité de broyage de clinquai. Autrement dit, ce protocole permettra à une unité marocaine de ciment de venir s’implanter au Mali afin de produire du ciment. Mais dans un premier temps les produits seront d’abord importés du Maroc et avec le temps surviendra la transformation des matériaux locaux sur place, c’est à dire au Mali.
M. le directeur pendant la transition il était question de l’application d’un code minier, qu’en est-il de ce code aujourd’hui ?
En fait, le code minier actuel est rentré en vigueur bien avant la transition par ce qu’il a été signé par le président Amadou Toumani Touré en 2012. Mais ce sont les documents tels que, les décrets d’application et la convention type qui ont vu le jour avec le premier gouvernement de la transition.
Depuis quelques semaines des travailleurs de certaines sociétés minières sont à couteaux tirés avec leurs employeurs, quelles sont les dispositions prises au sein de votre structure face à cette situation ?
En réalité, nous sommes un service de tutelle des mines, mais la gestion des problèmes entre employés et employeurs relève de la compétence de la direction du travail ou du ministère du Travail. Effectivement il y a eu des cas de grèves dans certaines mines.
Il ya deux ou trois semaines de cela, dans les mines de Sadiola et Yatela les travailleurs ont observé une grève de 48heures suite à des désaccords entre les employeurs et leurs employés. De notre coté nous avons tenté sans succès de concilier les deux parties. Mais cela n’empêche, nous y œuvrons toujours pour trouver un terrain d’entente entre les parties.
Comment se porte le secteur minier au Mali aujourd’hui ?
Avec tout ce que le Mali vient de connaitre comme crise nous pouvons affirmer que le secteur minier se porte bien comparativement aux autres secteurs de l’économie nationale. Au Mali l’industrie minière est essentiellement focalisée sur la production d’or. Et à cet effet la production de 2013 a été meilleur avec une augmentation de plus d’une tonne par rapport à l’année 2012. Par ailleurs la crise n’a que légèrement affecté le secteur minier, notamment le domaine de l’exploitation. Mais par contre, dans le domaine des recherches, les activités ont été un peu timides, tout simplement par ce que les investisseurs ne parvenaient plus à lever les fonds de financement au niveau des bourses, à cause entre autres, de l’insécurité et de l’instabilité politique qui prévalaient au Mali en son temps.
Est-ce que de nouvelles dispositions sont prises pour que l’or brille davantage pour tous les Maliens ?
Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, à mon avis l’or brille déjà pour tous les Maliens. Pendant la crise c’est ce secteur qui a permis à l’Etat, notamment de payer le salaire des fonctionnaires. Et en 2012 si j’ai bonne mémoire, le secteur a contribué au budget d’Etat à hauteur de 250 milliards en termes d’impôts, de taxes ou de recettes, sans compter les salaires qui sont versés aux travailleurs et le développement communautaire. Donc, il brille pour tous les maliens.
Par ailleurs, l’or n’est qu’une des composantes de l’économie et il vient en complément aux autres secteurs de l’économie tels que celui de l’agriculture qui est du secteur primaire et le commerce qui est du secteur tertiaire. Et si l’on fait la comparaison on se rend compte que les gens portent trop d’espoir sur le secteur minier en termes de revenus. Car le secteur minier ne représente qu’environ 7% du PIB au Mali tant dis que l’Agriculture représente plus de 50%. Donc, la seule production d’or ne peut résoudre tous les problèmes économiques du Mali contrairement à ce que beaucoup de personnes pensent. Mais cependant, l’or peut être un moteur de croissance et de diversification de l’économie. Autrement dit les recettes provenant de la production d’or peuvent contribuer au développement d’autres secteurs.
De plus en plus les jeunes abandonnent les champs de culture au profit des sites d’orpaillage traditionnel, cela a des répercussions négatives sur l’économie malienne en général et sur le secteur minier en particulier. Quelle lecture personnelle faites-vous de cette situation ?
Effectivement, l’orpaillage traditionnel constitue aujourd’hui un véritable problème pour nous administrateurs et autres professionnels du secteur minier. Car chaque jour nous assistons à des scènes d’envahissement des titres d’exploitation légalement obtenus par les sociétés minières. Et je tiens à dire que le contrôle de cette activité à quelque peu échappé à l’Etat qui s’est intéressé exclusivement aux grandes mines à un moment donné. Pourtant la gestion de l’orpaillage avait été transférée ou confiée aux maires sous la supervision technique de l’administration minière. Mais ils ne se sont jamais intéressés à ce domaine. Donc, aujourd’hui nous assistons tristement à ce grand désordre. Et il ne se passe pas un seul jour sans que la DNGM ne reçoive une plainte d’une société ayant légalement obtenu son titre minier.
Votre mot de la fin
Aujourd’hui le Mali a, à peu près deux décennies d’activités minières, mais malgré tout ce secteur n’est pas bien compris par nos nationaux. Car, notre vision était de faire en sorte d’avoir des opérateurs miniers maliens afin que le Mali puisse en tirer le maximum possible de profit. Mais malheureusement beaucoup de nos compatriotes qui travaillent dans ce domaine, préfèrent s’adonner plutôt à la spéculation. Et tristement nous avons aujourd’hui des détenteurs de titre minier qui n’ont aucune capacité financière pour mener quelques activités que se soit. Toute chose qui ne favorise pas l’administration minière. Or, à travers la politique minière l’Etat a accordé une place importante au secteur privé, donc ce sont les acteurs du secteur privé qui doivent aller sur le terrain pour faire les recherches et nous remettre les informations géologiques. Nous, notre rôle sera ainsi d’actualiser les cartes qui sont à notre disposition. Mais ce travail de terrain n’est pas fait par ceux qui doivent le faire, nous avons des données obsolètes et le financement n’est pas à hauteur de souhait. Or si nous analysons les investissements qui ont été faits dans les années passées, sur chaque 100 dollars l’Etat en tire d’environ 300 dollars de profit. Pour cela, je demande à l’Etat de financer davantage ce secteur afin que nous puissions atteindre nos objectifs.
Propos recueillis par Lassina NIANGALY et Aoua Traoré