Khadija Sharife: «Les lanceurs d’alerte ne sont pas obligés de sacrifier leur vie»

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La coordonnatrice de la Pplaaf, journaliste, chercheure et auteure, était à Dakar il y a quelques semaines pour le lancement de la première plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique. Interview.

Le lancement de la première plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique a eu lieu au Sénégal. Pourquoi ?   

La Plateforme de protection des lanceurs d’alerte (Pplaaf) est une communauté d’avocats et de journalistes qui utilisent les technologies pour s’assurer que les Africains lanceurs d’alerte sont en sécurité afin de pouvoir convenablement informer sur certains aspects jadis cachés sur la gestion du bien public. En Europe, on sait que les lanceurs d’alerte utilisent les technologies à leur avantage pour préserver leur anonymat. Ils savent comment faire pour avoir un maximum de confidentialité alors qu’en Afrique, on est toujours dans la phase d’apprentissage d’une parfaite maîtrise des technologies afin de pouvoir les utiliser efficacement dans la quête d’un soutien juridique. Nous devons en arriver à ce que les lanceurs d’alerte puissent utiliser les médias pour informer sur les mauvaises pratiques sans être obligés de sacrifier leur vie. Ainsi, nous œuvrons à rassembler tous ces différents éléments afin de s’assurer de la sécurité des lanceurs d’alerte pour qu’ils puissent choisir de faire des choses énormes, qu’ils aient la possibilité d’aller de l’avant, tout en protégeant leur intégrité.

Qui peut être membre de cette plateforme ?    

La plateforme est ouverte à tous ceux qui souhaitent apporter des informations confidentielles ou cachées. La définition de lanceur d’alerte peut s’appliquer à un médecin, un comptable, un soldat ou même un directeur général d’une entreprise publique, bref à tous ceux qui aspirent à faire jaillir la vérité sur et autour de choses cachées. Pour y parvenir, on peut utiliser des canaux privés ou les médias.

Comment se prémunir du bidonnage dont certains peuvent être capables à des fins inavouées ? 

C’est vrai que cela peut arriver. Par exemple, en Afrique, on peut tomber sur des gens qui prétendent être des lanceurs d’alerte sans l’être réellement, ou bien d’autres qui peuvent exposer des faits. Mais dans un contexte où ces faits peuvent être manipulables, cela biaise tout le travail. Chaque être humain vise un certain objectif qu’il cherchera toujours à atteindre. Et ce que nous faisons, c’est de vérifier la substance de l’information à travers une procédure à laquelle le lanceur d’alerte sera confronté. Des techniques de vérification seront mises en œuvre pour s’assurer de la protection du média partenaire, mais également pour veiller à ce que les avocats aient tous les éléments de la fiabilité des faits lorsqu’ils doivent apporter leurs conseils au lanceur d’alerte.

Un lanceur d’alerte veut préserver son intégrité en restant dans l’anonymat. Vous feriez comment ? 

Même si le lanceur d’alerte décide de préserver son anonymat devant les médias, il ne peut en être autant devant les avocats, cela va de soi. Ils le connaîtront bien, ils sauront tout sur son identité, sa personnalité, ce qu’il veut divulguer et pourquoi il veut le divulguer. Les réponses à ces interrogations serviront à établir des unités de mesures de l’intégrité autant pour l’informateur que pour l’information elle-même. Le fait que le lanceur d’alerte puisse souhaiter garder son anonymat n’empêche pas au média de chercher à le rencontrer pour l’interviewer. Cela veut dire tout simplement que son anonymat ne sera jamais défloré dans les articles de presse. Le média peut donc poursuivre ses investigations sans aucune interférence.

Dans un pays comme le Sénégal, croyez-vous que la tâche soit facile si on sait que le lanceur d’alerte peut être un fonctionnaire non membre du régime en place ?

C’est vrai que le lanceur d’alerte peut bien être un membre du régime qui veut faire éclabousser une information sans sortir de l’anonymat pour protéger son intégrité physique, celle de sa famille et de ses proches. Dans ce cas, le lanceur d’alerte n’a qu’à se rendre à la plateforme pour exposer les informations dont il dispose et les laisser à notre libre appréciation. S’il veut également qu’on l’assiste au plan juridique, on le fait. S’il veut en parler dans la presse, on essaie de voir avec les instruments de préservation de son intégrité dont nous disposons, pour lui offrir un plateau. Pour le cas du Sénégal, les fonctionnaires engagés ne font pas l’exception à la plateforme. Toute personne, à travers le continent et d’où qu’elle vienne, ayant par devers lui des informations confidentielles ou secrètes concernant l’Afrique, peut être accueillie à la plateforme.

Sur quel niveau de sécurité comptez-vous eu égard à la capacité des hackers à infiltrer les technologies les plus sophistiquées ? 

Nous avons une plateforme d’essai dénommée Global Leaks. Lorsque vous téléchargez le navigateur, vous pouvez accéder à l’Url du module de Global Leaks. Puis vous tapez le lien sur le navigateur pour accéder à la sphère cryptée du site web où la transmission de l’information est hautement sécurisée. Certes il n’existe pas une sécurité informatique à 100% contre les hackers, mais Global Leaks est l’un des systèmes les plus sûrs qui peuvent être utilisés.

Interview Réalisée par Mamar DIENG

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