M’ma Camara, jeune femme journaliste, dynamique et influente. Jeune femme influente, M’ma Camara est déjà une bibliothèque et un exemple de réussite dans le microcosme de la presse ivoirienne. Dans cette interview, elle nous retrace son parcours, partage son expérience et dévoile le secret de sa réussite. Un vrai régal, mais également tout un enseignement pour la jeune génération en général et pour la femme en particulier.
Ivoirematin.com : Vous êtes connue en tant qu’une journaliste très dynamique. Un dynamisme matérialisé par votre présence à la tête de plusieurs structures. Peut-on néanmoins en savoir davantage sur vous ?
M’ma Camara : Je suis M’ma Camara, journaliste reporter d’images. Depuis 2013, j’occupe le poste de Responsable adjointe du Bureau d’Abidjan d’Apanews. Ce, après avoir été correspondante de cette structure depuis 2007 à Abidjan avec l’actuel Responsable Sermé Lassina, que j’assistais déjà à Africa No 1. En réalité, je suis une passionnée de la radio. C’est un support de diffusion génial où, par votre voix, vous vous faites entendre, voir, lire, écouter, contempler, admirer un évènement audio. C’est trop merveilleux la radio ! Je suis également présidente de l’Association de la Presse Étrangère en Côte d’Ivoire (Apeci), une organisation qui regroupe tous les journalistes, correspondants et assimilés de la presse internationale dûment accrédités en Côte d’Ivoire, avec plus d’une quarantaine d’organes de presse. Je suis aussi présidente d’une Fondation ‘’Mafondation’’ dont les activités seront lancées début 2018. Elle regroupe 4 sous-organisations non gouvernementales. Il y a ‘’Mahmédias’’ qui prône l’égalité professionnelle, un vecteur de performance et de croissance, stimule la responsabilité et la qualité du journalisme et encourage les pratiques professionnelles. Elle met gratuitement à la disposition des jeunes, et surtout des femmes, qui ont des projets novateurs pour le développement de l’Afrique, les supports de communication de ses partenaires. Elle prône également le journalisme de développement en encouragent les femmes et les hommes des médias à l’entrepreneuriat, à privilégier l’égalité des chances, à favoriser les jeunes, à découvrir la culture et le langage des médias. Nous avons également ‘’Souveraineté santé’’ qui, quant à elle, fait de la prévention contre les maladies liées à la profession, permet à tout un chacun de bénéficier de soins dit trop chers et pas accessibles. Aussi ‘’Se nourrir’’ qui, pour sa part, est un instrument de lutte contre la pauvreté et le gaspillage alimentaire. Elle est une solution complète aux démarches de réduction du gaspillage alimentaire et de revalorisation des surplus et produits invendus ou inutilisés. Elle stimule également la responsabilité citoyenne, encourage les pratiques responsables et apporte son soutien aux personnes qui éprouvent des difficultés à se nourrir. Enfin, nous avons ‘’Rayonne lumière’’ qui est un espace de communauté en développement personnel. Elle vise à aider le maximum de femmes, et même d’hommes à avoir confiance en eux et pouvoir s’assumer. C’est la clé de la réussite. Savoir émettre, se faire confiance, oser et assumer quel que soit le résultat.
Apanews, Apeci, Mafondation et certainement bien d’autres structures et organisations que vous dirigez et gérez au quotidien. Cela fait beaucoup pour une jeune femme. Comment faites-vous pour consacrer du temps à votre famille ?
La réponse, c’est savoir planifier et concilier tout cela. Aucune responsabilité n’est énorme ou lourde si vous vous donnez les moyens, et si vous savez planifier vos journées, vous pouvez vous en sortir.
Concernant le journalisme, d’où est partie votre passion ?
Je vais vous étonner ! Moi M’ma Camara, je n’ai pas eu de modèle. J’ai aimé le métier de journaliste, j’ai aimé la passion de certains devanciers de la presse qui, avec des salaires insignifiants, continuaient de travailler. Pour la petite histoire, quand j’étais au primaire, je rêvais d’être militaire. Malheureusement, les femmes n’étaient pas autorisées au concours de l’EMPT. J’ai informé mon père et il m’a dit : «M’ma, il n’y a pas de femme garçon, va à l’école seulement. Tu ne veux plus être journaliste ?»
Pour être brève, ceci explique ma passion dans cette spécialité sur les questions militaires, les crises …. J’ai continué mon petit chemin scolaire et je suis cette journaliste que j’ai toujours voulu être et qui travaille sur tous les supports (Journaliste Radio, Journaliste télé, Journaliste papier, journaliste web, vidéaste camerawomen, Photographe, réalisatrice, producteur…). Mais quand vous êtes née pour quelque chose, le destin même vous guide vers et c’est mon cas. Nous étions en classe quand mon professeur de français Al Seny Dembélé, actuellement Chef de cabinet du ministre de la culture (Maurice Bandama), qui faisait partie des premiers journalistes après le printemps de la presse en Côte d’Ivoire, a été arrêté et mis en prison pour ses écrits. J’ai fait le compte-rendu dans mon journal personnel et je me suis dit qu’il faut que j’arrive à ce métier pour lui donner un autre regard. J’ai eu très mal. Il y a eu plusieurs motivations et celui-là en fait partie. J’attendais que le destin me mène vers la porte de la presse. Et j’y suis et je fais comme je peux. Je profite pour rendre hommage à un monsieur que j’appelle mon Papa. Lui, c’est Konaté Moumouni et il est encore au service social de la mairie de Koumassi. Il était mon confident et un jour il m’a dit : «Je te mets en contact avec Sidibé Demaferé de radio Canada. Lui, il sait comment te coacher». «Le secret de réussite dans ce métier, il faut donner la place qu’il faut aux anciens. Ils vous ouvrent leurs bibliothèques et, pif, on s’envole.»
Vos premières expériences professionnelles, comment les avez-vous vécues ?
J’ai eu beaucoup de chance et je rends grâce à Dieu. J’ai tout de suite commencé par la presse internationale grâce à Sidibé Demaferé et par la radio qui me passionnait tant. Toute jeune, je me disais que la radio, c’est de l’art. Comment restez scotchée sur quelque chose que tu ne vois pas mais la vivre comme si vous y étiez ? Ça c’est la radio et Dieu merci, je suis tombée sur quelqu’un de passionné comme moi. Sidibé Demaferé, en plus de cette passion, m’a piqué avec son venin radio et là, je réalise mes premières productions avec Tam Tam d’Afrique. Très vite il me met dans son équipe de formation des animateurs radio communautaire sur la technique de réalisation des productions. Et je me souviens encore du premier cours que j’ai donné : ‘’de l’idéalisation à la réalisation des productions radio’’. Nous avons parcouru plusieurs villes du pays. Mes parents n’étaient pas trop d’accord avec cette idée de journaliste parce que, vous savez, quand on dit journaliste femme, on pense déjà à des femmes faciles à la portée des personnalités. Mais, j’avais le soutien de mon père et ma sœur jumelle. Pour finir, les autres membres de ma famille ont accepté. Le doyen Diégou Bailly (ex-journaliste et Directeur de publication décédé, ndlr) qui m’a vu très vite grimper les échelles dans ce métier, me disait : «Ma petite félicitation ! Tu as tout pour réussir dans ce métier ; tu sais écouter, observer, distinguer et rendre… Tu t’es très vite adaptée et tu as très vite appris. C’est une chance, on naît journaliste. Le métier t’aime. On peut aimer la presse mais quand la presse ne t’aime pas vaut mieux laisser. Tu n’émergeras jamais. Tu as la tête sur les épaules».
Comme par hasard, cela m’a été aussi dit à Man par Alfred Dan Moussa (ex-journaliste à Fraternité Matin, actuellement directeur de l’ISTC polytechnique, ndlr): «Continue de garder la tête sur les épaules, c’est le seul chemin pour aboutir. On ne vient pas dans la presse pour être riche mais pour avoir une richesse de savoir et se faire un nom». Pour ne pas être trop longue, je remercie Dieu parce que je suis tombée sur des aînés passionnés de la presse qui ont réussi à m’insérer dans ce métier. Et je suis très reconnaissante. Ces mots, je les répète aux jeunes que j’encadre aussi. J’ai ajouté à ma formation terrain la formation académique. Aussi j’aimerais dire aux jeunes, seul l’ancien peut et sait comment assurer ton arrière et te faire. Je suis un produit des anciens. On ne devient jamais quelqu’un dans la presse sans un mentor. Je salue de passage mes mentors Sidibé Demaferé, SerméLassina, Demba Diallo, Issa Yéo, Ange Hermann Gnanih… et j’en passe. Ils sauront se reconnaître dans cette interview. Le secret de réussite dans ce métier, il faut donner la place qu’il faut aux anciens. Ils vous ouvrent leurs bibliothèques et, pif, on s’envole.
Quel a été votre premier choc dans ce métier et quelles ont été les difficultés auxquelles vous avez été confrontée ?
Les chocs, je préfère ne pas m’en souvenir (rire), c’est mieux ! Il y en a toujours et partout à tout moment. Vous voyez, les gens ont besoin de nous. Nous sommes les premiers et les derniers remparts. Surtout les hommes politiques. Ils se souviennent seulement que nous sommes le quatrième pouvoir quand ils sont dans le besoin. Tu deviens ce petit journaliste quand ils ont atteint leurs objectifs. Moi ça me fait toujours rire. J’ai pour habitude de dire, soyons sereins comme un code de déverrouillage. Tu as beau profiter de ton espace numérique, un jour tu auras besoin de nous pour déverrouiller ton appareil. Alors, qui fait le pouvoir de ton pouvoir ? C’est comme l’esclave du roi. Sans lui le roi n’est rien, il est réduit au néant quand celui-ci décide de ne pas le servir. Vous savez, les gens ont tendance à dire qu’avec les réseaux sociaux, on s’en fout de la presse. Ecoutez, ce support ne remplacera jamais le métier de journaliste parce que l’écriture, c’est de l’Art. Pour dire que les chocs sont monnaie courante dans notre profession, et c’est ça le charme de ce métier.
Quel est l’état de vos relations avec les hommes dans le milieu ? Acceptent-ils facilement d’être dirigés par une femme comme vous ?
L’accès des femmes aux postes de décisions est une nécessité et une opportunité que les chefs d’entreprise doivent saisir. Aussi, tout est question de vision et de volonté politique. Aujourd’hui nous sommes tous convaincus que la féminisation des postes n’est plus une question liée à la qualité des femmes. Les femmes ont déjà fait leurs preuves dans plusieurs secteurs d’activités, et si elles sont de plus en plus nombreuses, les résultats ne seront que meilleurs. Je dirais une seule phrase aux femmes qui lisent cette interview : ne restez pas en marge de l’histoire de notre chère Afrique ; arrêtons d’exacerber nos défauts en oubliant nos qualités. La place de la femme n’est pas en jeu. Il faut seulement bannir les préjugés qu’on se fait des femmes car la femme a, en elle, des capacités intellectuelles, morales, physiques pour diriger des affaires ou des institutions comme les hommes. C’est vrai et je le reconnais, ce n’est pas facile avec les hommes. Mais quand on est une femme, on a toujours des astuces pour ramollir les hommes et ça marche. À preuve, quand j’étais à la télévision, j’étais la seule femme de mon équipe composée uniquement d’hommes. Mais j’ai réussi à la gérer en tant que patronne. Cela a été le cas au bureau Afrique de Vox Africa où j’étais rédactrice en chef du bureau Afrique de l’Ouest. Et ça continue à tous les postes de responsabilité que j’occupe. «L’égalité professionnelle est un vecteur de performances et de croissance pour un pays. Il n’y a pas de métiers dits réservés aux femmes et des métiers dits réservés aux hommes.»
Au niveau de l’Apeci, la première présidente était Valerie Bony de la BBC. La deuxième est encore une femme et nous allons négocier avec nos hommes de la presse étrangère pour que dans nos textes, ce soient seulement les femmes qui occupent la tête de notre association. Venant de la presse, c’est sûr que les autres suivront (Rire) et le monde aura un autre regard sur la femme. Une chose, j’ai toujours été parmi les hommes et la collaboration s’est aussi toujours bien passée. Je peux vous dire qu’une femme à la tête d’une entreprise donne des résultats satisfaisants. Mais je pense qu’il n’y a pas lieu de faire des comparaisons entre une entreprise dirigée par une femme et une autre dirigée par un homme. Nous devrons plutôt encourager les dirigeants africains à faire confiance aux femmes en leur confiant plus de postes de responsabilité. À cette étape de l’interview, je salue l’esprit de la ministre Euphrasie Yao. L’égalité professionnelle est un vecteur de performances et de croissance pour un pays. Il n’y a pas de métiers dits réservés aux femmes et des métiers dits réservés aux hommes. Il faut éviter aujourd’hui de comparer le physique à la performance. Un pays a besoin aussi bien de ses hommes que de ses femmes qui le composent. Le bras de fer n’a pas sa raison d’être.
Quelle stratégie de management faites-vous appel pour réussir votre mission ?
Je pense plutôt à une stratégie de management d’ensemble. Il faut inculquer à la femme la culture d’entreprise et structurer le secteur informel. Avant cela, il faut déjà penser à la scolarisation obligatoire de la jeune fille. Nous devrons arriver au seuil de tolérance zéro fille non scolarisée. L’alphabétisation obligatoire pour celles qui n’ont pas eu la chance d’aller à l’école. Pour ce faire, il faut multiplier les centres d’alphabétisation pour permettre à celles qui n’ont pas pu être à l’école, d’apprendre. Pour moi, il n’est jamais tard pour apprendre et mieux faire. Aujourd’hui, tout le monde a un Smartphone. On peut créer une application d’alphabétisation accessible à tous. Pour revenir à la stratégie de management que je fais pour réussir ma mission (rires), ah les hommes, sacrés hommes ! Je me comporte comme un acteur de cinéma. Le rôle qui se présente à moi je m’adapte et je le joue. Après, je reporte ma tenue de femme et le tour est joué. Vous savez, la stratégie managériale doit être pareille chez la femme comme chez l’homme : savoir garder l’esprit d’équipe et éviter de diriger avec ses émotions mais diriger avec la raison et le respect des uns et des autres.
Avez-vous déjà été victime de sexisme ou avez-vous déjà été frustrée dans vos fonctions et missions du fait de votre statut de femme ?
Oui, comme je l’ai dit plus haut. Cependant ce n’est pas cela qui compte, c’est le résultat de votre travail. Les frustrations ne manquent jamais dans ce métier, que vous soyez homme ou femme, blanc ou noir. Victime de sexisme ? Eh oui ! Je ne pense pas qu’une femme journaliste échappe à cela, surtout pour nous qui faisons de la vidéo (camerawomen, vidéaste, réalisatrice…). Mais comme je le dis, il faut savoir se mettre au-dessus et avancer. La femme doit arrêter de se dévaloriser et de manquer d’assurance. Elle doit pouvoir oser et s’affirmer. Le regard d’autrui ne doit pas constituer un frein à son évolution.
Quelle a été jusqu’ici votre plus grande satisfaction ?
D’exercer le métier de journaliste. Je suis née pour briller dans ce métier de journaliste et fière d’encadrer des jeunes pour la relève. Chaque sujet que vous traitez est une expérience et chaque expérience se vit différemment et avec satisfaction, donc j’ai des satisfactions et non une. «Le travail est une passion et le travail bien fait et reconnu est le premier salaire que chaque femme doit pouvoir se procurer avant les pécules de la fin du mois.»
Quel est aujourd’hui votre plus grand projet ?
J’ai trop de projets. Je ne pense pas que nous aurons de la place pour cela.
M’ma Camara et la politique, quel rapport ?
Nous faisons toujours de la politique. Il faut de la politique pour diriger une équipe, il faut de la politique pour réussir une mission, il faut de la politique pour atteindre ses objectifs et ses ambitions, donc pour moi la politique doit être au cœur de toute chose. Toutefois, il faut que ce soit une politique constructive et non destructive.
Avez-vous des ambitions politiques ?
Je suis une artisane de Roi par mon métier. Le pouvoir politique (électif) ? Je n’y pense pas pour l’instant ; mais le pouvoir de l’entreprenariat, du business, de l’abondance… j’y suis à fond et je ne pense pas abandonner un jour.
Au regard de vos expériences professionnelles et personnelles, que faut-il aujourd’hui aux jeunes femmes africaines pour s’émanciper véritablement et impacter leur société ?
Vous savez, ici en Afrique, la confiance en soi est l’une des qualités les moins bien partagées et mal enseignées dans notre culture. Mais une solution existe et elle est en chaque femme, c’est d’arrêter de se dévaloriser et de manquer d’assurance, il faut oser et s’affirmer. L’investissement durable se trouve dans la stratégie de planification : plus vous êtes ambitieux, plus vous vous donnez les moyens de vous enraciner dans ce secteur. Le travail est une passion et le travail bien fait et reconnu est le premier salaire que chaque femme doit pouvoir se procurer avant les pécules de la fin du mois. Le seul parcours de combattante en tant que femme entreprenante est de pouvoir surmonter sa peur et de s’affirmer. S’affirmer, c’est se faire confiance, et se faire confiance, c’est être le propre artisan de sa réussite. Il n’y a pas mieux que vous-même pour bien sculpter votre art.
Votre mot de la fin.
Je remercie Ivoire matin de permettre aux femmes de s’exprimer. Je souhaite plein succès à votre entreprise.
Source: Ivoirematin