Issoufou Bouréhima, président de la Haute Autorité de Lutte contre la Corruption et les Infractions Assimilées(HALCIA) : «L’acculturation juridique et la défaillance des systèmes judiciaires compliquent la bonne marche de la lutte contre la corruption»

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Venu au Mali pour les assises du Réseau des Institutions Nationales de Lutte contre la Corruption en Afrique de l’Ouest (RINLCAO), Issoufou Boureima a bien voulu répondre à nos questions. De son mandat aux déficits des systèmes judiciaires, en plus de l’évolution de la lutte contre la corruption dans son pays,  le président du RINLCAO n’a pas fait de langue de bois. Focus !

Le Point : Sur quoi portaient les assises de Bamako ?

Issoufou Boureima : Lors de l’Assemblée générale de mars 2015 à Abuja au Nigéria, un nouveau bureau a été mis en place. L’ancien exécutif avait une mauvaise gestion de notre réseau et une défaillante appréciation des textes. Toute chose qui demandait un toilettage. C’est alors qu’un Comité, dirigé par Marius Ibriga du Burkina Faso et ses homologues du Niger, du Benin et du Cap Vert a été constitué pour faire ce travail. Les textes ont donc été amendés et revus afin qu’ils soient à la hauteur de notre mission ; ce qui pose les bases d’une coopération solide sous-régionale. Je salue aussi le Vérificateur général (Végal) qui s’est engagé à abriter lesdites assises au sortir de celles d’Abuja.

Quel est votre bilan à ce jour ?

Le bureau, que j’ai l’honneur de conduire, a été installé depuis le 15 mars 2015 pour un mandat de 2 ans. Le plan d’actions de l’ancienne équipe était trop ambitieux, où aucun des axes stratégiques ne pouvait être exécuté, à savoir l’harmonisation des politiques anti-corruption, le renforcement des capacités de lutte, la coopération poussée entre les membres du réseau, des activités de plaidoyers avec une communication appropriée.

Je vous apprends qu’avant Bamako, jetais à Doha où on était en conclave avec 30 professeurs francophones d’Université d’Afrique de l’Ouest et Centrale pour réfléchir sur comment les former et introduire l’enseignement d’une matière à lutter contre la corruption dans les Facultés. Cette première initiative est à mettre à notre actif. En plus, qu’un Conseil consultatif réfléchit  sur le contenu des programmes de ce qui sera la future académie du RINLCAO. Une réunion a été faite dans ce sens, il y a quelques jours au Sénégal.

Comment expliquez-vous que sur 15 Etats, seulement 2 (Côte d’Ivoire/Burkina) ont adopté des textes appropriés pour une lutte parfaite contre la corruption ?

Pendant longtemps, la lutte contre la corruption n’a pas été une préoccupation majeure, alors qu’elle compromet dangereusement le développement des Nations. Quand la Convention en la matière des Nations-Unies est ratifiée par un Etat, il est contraint de suivre une ligne de conduite définie et de créer, de facto, un organe de lutte. Ladite Convention contient des standards auxquels nos institutions ont du mal à s’adapter du fait d’un mimétisme né des textes hérités de la métropole. Le combat du Réseau est donc la ratification par les autres Etats afin d’aller de l’avant. Ils doivent comprendre que ce n’est pas dans le but de faire la chasse aux sorcières, mais la violence sur soi-même pour créer les conditions favorables au développement du pays.

 

Parlez-nous du projet  d’académie de lutte contre la corruption.        

L’académie du  RINCAO/NACIWA a pour but de renforcer les capacités des structures de lutte contre la corruption pour être à même de faire face aux nouvelles techniques et stratégies de détournements de fonds. Les programmes sont en train d’être compilés et je vous avoue que des sommités en la matière seront en charge des formations où on aura, par exemple, la prévention, la répression ou les recherches scientifiques en matière de corruption. D’ailleurs à Dakar, une rencontre avec les bailleurs de fonds pour accompagner  notre plan d’actions, s’est tenue la semaine passée .

Au Mali, le Vérificateur général (Végal) est confronté à la lenteur des dossiers au plan judiciaire. Croyez-vous qu’il serait approprié de lui donner une éventuelle possibilité de saisine directe ?

Les remises de rapports n’ont pas grand impact au sein de l’opinion, en plus que les systèmes judiciaires sont inadaptés aux mentalités et mœurs : l’acculturation juridique a créé une inadéquation ; d’où une justice inadaptée et incomprise. L’impunité du chef ne peut être écartée du système judicaire qui a une mainmise de par son  pouvoir régalien et d’application de la loi. Ladite saisine appartient à un individu garant de la loi pénale : le Procureur. Il est le seul habilité à le faire et son activité ne doit pas être oubliée par tous. Ainsi, on ne peut planter des citrons et vouloir en retour des pamplemousses.

Quel est l’état des lieux de la lutte contre la corruption dans votre pays, le Niger ? 

La corruption existe bien au Niger et pendant plus de 10 ans, le pays n’a pu avancer. La HALCIA (Haute autorité de lutte contre la corruption et les infractions assimilées) que je dirige depuis plus de 3 ans, change la donne timidement, mais concrètement en 2011, le Niger était classé 134ème sur 176 pays avec le Nigéria et la Tanzanie, selon l’indice IPC de Transparancy International. En 2012, on s’est retrouvé 113ème et 106ème, en 2013. Le Niger occupe depuis 2014, la 103ème  place, alors que les pays cités sont encore à la même place malgré notre saut de 31 places. Mon équipe a instauré le monopole fiscal de l’Etat et mis en place un garde-fou pour une efficacité de la dépense publique.

À mon avis, la corruption a bien diminué, car depuis l’arrivée du président Mahamadou Issoufou, les ressources nationales servent à la réalisation des choses prévues pour le développement durable. Rien que dans le secteur de l’éducation, il avait promis 2000 classes par an, malgré le besoin de 42 000 au total. Après 3 ans aux affaires, plus de 6300 classes ont été construites, alors qu’en 10 ans, son prédécesseur n’a pas fait la moitié. Les recrutements à la fonction publique sont suivis à la loupe par la HALCIA et à titre d’exemple, on a enregistré 1300 médecins recrutés sous l’actuel régime, contrairement à l’ancien qui n’a pas recruté un seul en 10 ans. Comme quoi, nous sommes discrets dans ce que nous faisons, mais vous avez des exemples qui montrent bien que la corruption est en net recul au Niger.

 Interview Réalisée par Idrissa KEÏTA

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