Invité Afrique / Abdoulaye Bathily: Quand l’Honorable Abdoulaye Bathily parle du Nord-Mali

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Une force internationale pour reconquérir le nord du Mali. Le scénario s’est dessiné lors du sommet sur le Sahel, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, la semaine dernière, à New York. Abdoulaye Bathily était sur place. Ministre d’Etat sénégalais, et professeur d’histoire à l’université de Dakar, il accompagnait le président Macky Sall.

 

RFI : Vous rentrez de New York. Va-t-on vers une solution négociée ou vers une solution militaire au nord du Mali ?

Abdoulaye Bathily : L’idéal serait d’aller vers une solution négociée. Mais je suis assez sceptique sur les possibilités de négocier avec les groupes qui sont installés aujourd’hui au nord du Mali et qui veulent imposer leur point de vue aux populations qui ont majoritairement rejeté leurs options.

 

RFI : Après le feu vert du Conseil de sécurité, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest va monter une opération militaire de quelque 3 000 hommes. Le désistement de nombreux pays du Sahel dont l’Algérie, la Mauritanie, le Niger ou la Côte d’Ivoire est-il préoccupant ?

A. B. : Oui. Mais des discussions sont en cours. On arrivera certainement à trouver une solution convenable.

 

RFI : Est-ce que le Sénégal en sera ?

A. B. : Le président dela République est en train de voir dans quelle mesure le Sénégal va participer à cette opération. Cette question est en discussion. Le Sénégal a beaucoup de troupes au dehors, dans beaucoup de missions de maintien de la paix à travers le monde et en particulier sur le continent africain.

 

RFI : On parle d’un bataillon d’infanterie de 500 hommes…

A. B. : On va voir ce qui est possible. Le Sénégal ne peut pas échapper à cette obligation. Ce qui se passe au nord du Mali, la transformation du nord du Mali en Afghanistan, porte en germe la déstabilisation de l’ensemble des pays de l’Afrique de l’Ouest et au-delà.

 

RFI : Jacob Zuma dit que l’Afrique du Sud pourrait participer sur le plan militaire. Comment réagissez-vous ?

A. B. : Je salue cette initiative si elle devait voir le jour.

 

RFI : N’est-ce pas d’abord l’affaire des Africains de l’Ouest ?

A. B. : Oui, certainement. Mais quand vous prenez le cas dela Somalie, il n’y a pas seulement les pays de la région concernés.

 

RFI : Lors de la réunion de la semaine dernière à New York, le président français François Hollande était en première ligne pour faire adopter une résolution du Conseil de sécurité. Cela vous choque-t-il que ce soit la France qui fasse cela ?

A. B. : Ce que j’ai constaté à cette réunion, c’est un grand intérêt d’un nombre très important de pays pour ce qui se passe au Sahel. Cette réunion était appelée à durer deux heures, de 10 heures à midi, et finalement elle s’est prolongée jusqu’à 14h30. Nous avons eu droit à plus de 40 interventions et pas seulement dela France, mais des Etats-Unis d’Amérique, de l’Union européenne, dela Russie, dela Chine… Tous les grands pays ont montré un grand intérêt pour ce qui se passe au Sahel. Aujourd’hui, ce qui se passe au nord du Mali n’est pas l’affaire simplement des Maliens et des populations d’Afrique de l’Ouest. C’est une affaire de sécurité internationale. C’est pourquoi nous saluons la position exprimée par le président François Hollande sur cette question.

 

RFI : Les Russes ou les Chinois vont-ils mettre leur veto à cette opération militaire ?

A. B. : Pour le moment, d’après les interventions que j’ai entendues lors de cette réunion de haut niveau, le 26 septembre, je ne pense pas que ces pays vont se démarquer par rapport à cette intervention – si elle devait être la seule possibilité de restaurer la paix et la sécurité internationale dans cette région.

 

RFI : Ils ont mis leur veto à toute intervention militaire extérieure en Syrie, par exemple ?

A. B. : Les problèmes sont différents. Avec ce qui se passe au nord du Mali, ces grands pays vont prendre conscience de la nécessité d’une intervention.

 

RFI : Au Mali, c’est du bout des lèvres que le pouvoir accueille cette prochaine force de la CEDEAO. N’y a-t-il pas un problème de leadership à Bamako ?

A. B. : Une prise de conscience est en train de naître au sein de la population malienne, des acteurs maliens, sur la nécessité d’agir aujourd’hui avec cohérence et responsabilité. Mais il est encore certainement nécessaire de pousser plus loin la cohérence dans les leaderships du Mali. C’est incontestable.

 

RFI : N’est-ce pas la preuve que la démocratie malienne a toujours été fragile ?

A. B. : En réalité, toutes les démocraties en Afrique sont fragiles à l’heure actuelle. Le Mali, ces vingt dernières années, a essayé tant bien que mal de se construire. Mais même dans des pays comme le Sénégal où nous n’avons pas connu d’interruption du processus politique depuis l’indépendance, vous avez vu ces dix dernières années… Tout le monde s’attendait en mars à ce que le Sénégal implose.

 

RFI : Mais c’est passé de justesse.

A. B. : De justesse.

 

RFI : Pendant quelques mois, en 1960, le Sénégal et le Mali ne faisaient qu’un. Avec le recul, ne vous dites-vous pas : « Ouf ! Nous ne sommes pas dans le même pays » ?

A. B. : Non. Je dis au contraire, c’est dommage que nous ne soyons pas dans le même pays. Le Mali et le Sénégal, c’est un même pays, c’est le même peuple, c’est la même histoire. Il y a une unité culturelle de cet ensemble que constitue le Sahel : par-delà les ethnies, par-delà les races. Il y a trois grandes hégémonies politiques qui pendant des siècles se sont partagé cet espace [occupé par le, ndlr] Mali, le Sénégal, la Gambie, la Mauritanie, le Niger et même le Burkina Faso, le nord de la Côte d’Ivoire. C’est l’empire du Ghana du VIIè au XIè siècle, l’empire du Mali – l’empire mandingue – du XIè au XIVè siècle. C’est l’empire songhai jusqu’au XVIè siècle. Et ces trois grandes hégémonies ont façonné le visage culturel de toute cette région. Naturellement, même aujourd’hui, on voit les traits de cette unité culturelle dans la vie de ces peuples.

 

Propos recueillis par RFI   / 02.10.2012)

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5 COMMENTAIRES

  1. Les ministres sénégalais ont deux qualités: ils sont cultivés, ils sont courageux.b Les nôtres guidés par leurs rancunes et leurs appétits. Pas étonnant que le Sénégal avance et nous on devient la risée des autres. La leçon d’aujourd’hui s’arrête là

  2. très bien, vous voyez que Mr le Ministre que je félicite pour son très clair interview n’a pas un seul moment cas d'”empire d’azawad”qui n’a d’ailleurs jamais existé.Il ETAIT SEULEMENT QUESTION VIVEMENT D’EMPIRES DU GHANA,MANDING ET SONGHAÏ. Tous ceux qui arrivaient après ne sont que des envavisseurs.

  3. merci MR le Ministre d’état du Sénégal pour toutes ses paroles responsable familiales et amical et réconfortant pour le peule MALIEN SURTOUT ceux vivant sous l’occupation et dans la barbaries des fous ensemble nous gagnerons contre ses terroristes trafiquant de tous genre nous sommes un même peuple divisé par des frontières artificielle mais qui ne pourra pas nous séparer ensemble nous gagnerons cette bataille de la lutte contre la pauvreté DE NOS DEUX PEUPLES FRÈRES………..

  4. Bravo mr le Ministre d’etat pour le soutien politique et pour le cours magistral d’histoire et l aisance avec laquelle vous aviez survolé cette interview.

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