Ténimba Sidibé, est l’adjointe au commissaire de police du 9ème arrondissement de Bamako. C’est une dame de fer qui fait honneur à la Police nationale en le tirant vers le haut. La brave dame a intégré la Police il y a une trentaine d’années, au moment où ce service venait d’être militarisé. Très active et investie dans son travail, la Commissaire Tènimba a pris très tôt conscience de l’importance du métier de policier grâce à son admiration pour Michel Diarra, à l’époque unique policier de son quartier.
– Pourquoi vous avez choisi ce métier ?
J’étais championne du Mali et détentrice du record en 1500, 3000 et relais 4×400 mètres dames à l’Union Sportive des Forces Armée et Sécurité (USFAS). Notre capitaine d’équipe, Adama Bengaly, (aujourd’hui colonel à la retraite) me disait toujours « Tènimba je suis sûr que tu seras une très bonne Inspectrice un jour. Tu as tous les caractères d’une policière ». J’ai compris dès lors, que ce métier est important et surtout respecté. C’est ainsi que j’ai eu l’amour de ce corps et j’ai décidé d’être policière.
-Expliquez-nous vos débuts dans la police
Ma première unité fut la police des chemins de fer de Bamako. Le chef d’unité m’a mis à la disposition du chef de section administrative. On établissait les cartes d’identité nationale et les autres pièces administratives que la Police délivre. Un jour, je me suis demandé « est-ce-que ma mission va s’arrêter à demander aux usagers le nom et prénoms des parents ? A prendre leurs empreintes ? » Finalement, j’ai demandé à mon chef de section pourquoi nous aussi nous ne menions pas d’enquêtes de police comme les Inspecteurs. Il m’a regardé avec un sourire, avant de me dire que « Tènimba tu es sous-officier de Police, tu n’es pas habilitée à mener une enquête ni à ficeler une procédure pénale ». Je lui ai répondu que je ne voulais pas passer ma carrière en remplissant les documents administratifs des usagers. « Je vais devenir Inspectrice de Police ». Il s’est mis à rire. Lorsque mon chef de section a pu retenir son rire, il m’a dit « Tènimba, va te marier et occupe-toi de ta famille, ton rôle s’arrête là ». Cette réaction m’a fait suffoquer. Depuis ce jour, j’ai juré de faire tâche d’huile à la Police malienne.
– Qu’est-ce que ça fait d’être « femme » dans ce corps ?
Être femme dans un corps où, en principe, il n’y a pas de différence entre « femme et homme » dans l’exécution des missions, est un motif de satisfaction. Cependant, il est important de noter que dans la pratique les femmes sont souvent victimes de marginalisation de la part des hommes. Ce comportement, dans certains cas, n’est pas du tout méchant mais inspiré par le souci de protection des femmes. Cependant, il peut être frustrant pour les femmes qui veulent s’épanouir et faire valoir leurs compétences sur le terrain. Dans d’autres cas, certains hommes, imbus de nos traditions, ne supportent pas le commandement par une femme qu’ils pensent devoir toujours être reléguée au second plan.
– Comment se passe votre journée au service ?
Très chargée ! C’est la course contre la montre ! Avec de multiples problèmes à résoudre en même temps : d’une part, les ordres de la hiérarchie à exécuter concomitamment aux directives des Procureurs de la République dans le cadre de l’exécution des missions de la Police judicaire. D’autre part, il faut aussi faire face aux multiples problèmes très émouvants des usagers du service qui nous font oublier souvent nos propres problèmes.
– Un dernier mot ?
Je vais dire que l’exercice de cette fonction est un véritable sacerdoce où souvent nous sommes incompris par la population pour laquelle nous travaillons au risque de nos vies. Nous comprenons les raisons pour lesquelles la société nous accuse de tous les maux. D’ailleurs c’est ce qui nous donne même la force de continuer notre noble mission à laquelle nous croyons fermement. Je dirai à mes sœurs, à mes filles et à mes petites filles de ne pas avoir peur d’intégrer la police. Je leur dirai aussi de ne pas avoir des considérations négatives car le métier est noble et digne. Il faut trouver un juste milieu pour concilier la vie du foyer et celle du service, ce qui n’est pas au-dessus des moyens d’une femme qui est par essence une excellente gérante. Je ne regrette pas mon incorporation dans la police, qui a fait de moi ce que je suis aujourd’hui.
Ben Abdoulaye Traoré