L’ancien ministre des Maliens de l’extérieur et de l’Intégration africaine a longtemps hésité avant d’accepter de nous recevoir. Rendez-vous est pris chez lui à 9h. Etant lui même « Malien de l’extérieur », aux dires du président ATT, l’homme est un lève-tôt. Oumar Hammadoun Dicko, puisque c’est de lui qu’il s’agit, nous accueille par des accolades et avec un large sourire. Habillé d’un bout léger, il nous installe sous un vaste hangar meublé avec goût d’un très joli tapis et de poufs marocains. Affable et jovial, il nous propose de partage du lait de vache frais qu’il assure avoir trait de ses propres mains.
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La Nouvelle République : Vous semblez en pleine forme
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Oumar : Apparence mes chers amis. Méfiez vous des apparences. Extérieurement je n’ai rien perdu, ni en poids ni en charme, mais intérieurement, je suis rongé. Et je crains de développer un ulcère.
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La Nouvelle République : C’est si grave que ça ?
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Oumar : Ecoutez mes chers amis, je ne suis plus tenu par rien du tout, surtout pas par la langue de bois. Donc je vous dirais les choses telles que je les ressens. Jusqu’à la veille du remaniement, j’avais l’assurance que je resterai dans le gouvernement et j’espérai hériter d’un département plus prestigieux pour montrer la pleine mesure de ma fidélité et de mes talents louangeurs. J’en étais tellement sûr que j’avais prévu d’organiser une vraie bombance. Et patatras. Tout tombe à l’eau. Imaginez un seul instant la scène. Moi, assis ici même avec ma famille (il baisse la tête, la secoue un peu à gauche et à droite puis rit).
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La Nouvelle République : Effectivement cela a dû être terrible
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Oumar : Euphémisme. C’est un euphémisme que de dire que cela a dû être terrible. Sur le coup, je n’ai pas réalisé, je me disais que j’allais me réveiller, forcément. Et puis après je me suis demandé ce que j’ai pu faire au président pour mériter pareille affliction. Dans le gouvernement sortant, qui mieux que moi à su vendre le nom du Mali ?
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La Nouvelle République : Vous êtes encore sous le coup de l’émotion
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Oumar : Quelle émotion ? Vous pouvez me croire, je suis parfaitement lucide. Je le répète, personne mieux que moi n’a aussi mieux vendu le nom du pays. On canarde un candidat à l’immigration au Maroc, c’est un Malien ; on expulse un immigré clandestin, c’est un Malien ; on bastonne un immigré qui refuse d’embarquer, c’est un Malien ; des immigrés crament dans un hôtel mal famé, ce sont des Maliens ; on en repêche des corps dans la Méditerranée, ce son des Maliens. On ne parle que du Mali.
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Au moment de la campagne, je me suis fait le griot le plus virevoltant du président énumérant mieux que n’importe qui ce qu’il a réalisé et lui attribuant même ce qu’il n’a pas réalisé. Et voilà comment il me paye en retour. Pire que tout cela, il me fait remplacer par un ministre de l’USRDA.
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La Nouvelle République : Quel mal y’a-t-il à cela ?
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Oumar : Quel mal y’a-t-il à cela ? Mais vous déconnez ou quoi ? Ces gens-là sont nos ennemis héréditaires ; c’est de père en fils que le match se joue entre nous. Vous n’ignorez pas que ce sont eux qui ont trucidé mon pater familias. Et sans exagérer, je puis affirmer que mon père a dû se retourner dans sa tombe, peut-être même qu’il a perdu son repos.
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La Nouvelle République : Nous on pensait qu’avec le consensus, la page était tournée.
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Oumar : Le président sait que la page n’est pas tournée c’est pour cela qu’il a pris soin de ne jamais nous prendre en même temps dans le même gouvernement. Dieu seul sait ce qui se serait passé en conseil des ministres.
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La Nouvelle République : Vous êtes perdu pour ATT mais votre parti pourra compter sur vous à temps plein.
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Oumar : A temps plein, ça c’est sûr. Mais les mains vides et presque totalement désarmé.
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