Tout le monde, ou presque, semble éviter le président de la République. Qui affiche, derrière ses lunettes noires à grosses montures, sa mine des mauvais jours. Il répond aux salamalecs, soit d’un geste de la main ; soit d’un haussement de la tête. Pas un mot. Les détournements astronomiques, annoncés par le Vérificateur général, seraient-ils passés par là ? Possible.
Après l’avoir observé, longuement, nous décidons de retourner sur nos pas. Quitte à annoncer à nos lecteurs que l’interview imaginaire est reportée pour la semaine prochaine. C’est alors qu’une voix tonitruante retentit en ces termes : « Hey Mollah, où vas-tu encore ? Maintenant que tu es déjà là, viens pour qu’on en finisse avec ton interview machin-là. J’espère, simplement, que tu ne feras aucune allusion au nouveau rapport du Vérificateur général ».
Mr le président, votre réponse au Vérificateur général a soulevé un tollé au sein de l’opinion publique. Pour l’écrasante majorité de nos concitoyens, c’est vous qui protégez les « saigneurs » de la République…
J’ai rien dit de grave ! J’ai simplement dit que le Vérificateur général n’est pas et ne peut se muer en « père fouettard ». Et sa mission n’est pas la chasse aux délinquants. Tout ce qu’il doit faire, pour bénéficier d’un bon salaire et de bureaux douillés, c’est de me préparer de bons rapports. C’est tout !
Mr le président, comment le Vérificateur général peut-il lutter, efficacement, contre la délinquance financière, s’il ne peut saisir la section des comptes de la Cour suprême de toutes les entorses faites à l’orthodoxie financière ? S’il ne se mue pas en « père fouettard » des cadres « indisciplinés » de l’administration publique ?
Il peut y arriver en me remettant ses rapports et en faisant abstraction de ses discours guerriers. T’as pas entendu ce qu’il avait dit : « Dorénavant, en plus des dénonciations des faits susceptibles de constituer des infractions pénales, et en application de la loi l’instituant, le Vérificateur général saisira la section des comptes de toutes les infractions commises, relativement à la législation budgétaire et financière ». Il est allé trop fort !
Pourquoi dites-vous ça, Mr le président ?
Parce que le Vérificateur général veut, dorénavant, traduire les délinquants financiers en justice, sans se référer à moi ! Et c’est là, tout le danger. C’est moi le président de la République, Chef de l’Etat, Chef suprême des Armées et président du Conseil supérieur de la magistrature…… C’est à moi de décider, qui sera arrêté et jugé. Et non le Vérificateur général !
Et pourtant, Mr le président, vous avez décrété l’année 2014, année de lutte contre la corruption et la délinquance financière…
Et alors ? Je n’ai jamais dit le contraire
Si ! En déniant au Vérificateur général le droit de saisir la section des comptes, vous lui enlevez toute possibilité de poursuivre et de châtier les délinquants financiers..
T’as mal compris mes propos. Je voulais dire que, le Vérificateur général peut donner des fessées aux délinquants financiers ; mais avec sa cravate. Uniquement. Les châtiments corporels sont interdits. Et les délinquants financiers ont, eux-aussi, des droits.
Mr le président, qui voulez-vous protéger et pourquoi ?
Je préfère ne pas répondre à cette question. Du moins, tant que vous continuez à me soupçonner de vouloir protéger quelqu’un. Sans raison.
Propos recueillis
par Le Mollah Omar