Interview presque imaginaire – AMADOU TOUMANI TOURE, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE : « Le pays va mal, mais le peuple sait que je suis bien »

0


Pour ce rendez-vous avec le locataire de Koulouba, nous avions pris les contacts nécessaires quand il voguait sur le fleuve Niger, en guise de vacances. Mais rentré à Bamako où l’attendait son sport favori, voyager, il n’a pas été simple de lui mettre la main dessus. C’est seulement à quelques heures de son départ pour La Havane que nous avons pu le rencontrer grâce à son conseiller à la communication, Seydou Cissouma. Entre les multiples audiences, les préparatifs du voyage et le football que ATT tenait à suivre, il a pu nous obtenir 15 minutes pour une interview menée au pas de course
.

 Les Echos : On vous appelle désormais le précurseur des pluies provoquées…

ATT : (Haussant les épaules et visiblement fier de lui). Dieu n’a qu’à bien se tenir parce qu’il n’a plus le monopole des pluies. Je donne quand je veux, où je veux et à qui je veux.

Les Echos : Les populations aussi devraient bien se tenir ?

ATT : Sur ce point-là je n’ai pas de craintes particulières. Mes hommes sont sur le terrain en train de faire comprendre aux quelques sceptiques que je suis un cran au-dessus de la mêlée. Les Maliens n’ont jamais vu quelqu’un qui maîtrise les éléments de la nature. Moi, je suis là pour leur prouver qu’il n’y a pas de fatalité. Et comme nous sommes un pays à 80 % d’agriculteurs, j’ai l’impression que le message passe. 

Les Echos : Et que vous aussi vous allez passer lors des élections à venir ?

ATT : Je suis au-dessus du peuple, donc les élections c’est l’affaire de mes hommes de main.

Les Echos : A Koumantou, vous avez déclaré que pour préserver le prix du coton, vous avez renoncé à 39 milliards alors que le montant que vous annonciez l’année dernière est nettement inférieur

ATT : Laissons les chiffres de côté. Moi je connais les paysans ! Ce qui les intéresse c’est de croire que je respecte ma parole donnée. Donc, pour eux, je suis un homme de parole. Vous me voyez renoncer à 39 milliards. Ensuite, pour la campagne, je leur ai annoncé que les 400 tracteurs seront distribués au plus tard à la fin du mois d’octobre.

Les Echos : Mais la campagne agricole est finie !

ATT : Mais qui vous parle de campagne agricole. Si c’est cela, je n’ai pas besoin de fournir des tracteurs, la daba suffit. Je fais allusion à la campagne électorale qui, elle, est permanente. Quand ils auront les tracteurs, nous serons à quelques mois des élections. Et à chaque fois qu’ils verront les tracteurs, ils n’oublieront pas qui les leur a donné. 

Les Echos : Vous donnez la pluie, des tracteurs et…

ATT : Je donne aussi de l’argent. Je suis devenu presque un distributeur automatique. Il suffit juste d’être avec moi.

Les Echos : Et de monter une association de soutien ?

ATT : Je ne m’occupe pas des associations. Mon penchant est pour les fondations. Après mon élection, j’ai laissé ma Fondation entre les mains de ma femme. Elle se débrouille tellement bien que j’en suis jaloux. Donc pour m’occuper, j’ai créé la Fondation Koulouba. Je fais les mêmes choses, je distribue de l’argent, je construis des terrains, des salles de spectacles, etc. 

Les Echos : Ceci pourrait expliquer la rareté de l’argent ?

ATT : Ce que je sais, c’est que tout le monde travaille pour moi : la douane, les impôts, la CMDT, l’INPS et l’Office du Niger. 

Les Echos : On parle de l’imminence d’un remaniement.

ATT : Je l’ai appris comme vous. Mais je n’ai pas besoin de changer de gouvernement parce que je n’ai pas besoin d’un gouvernement. Je me suffis à moi seul. Vous avez vu que je fais tout : je pose les premières pierres, j’inaugure, je coupe les rubans, je trace les routes en conduisant les Caterpillar, je creuse les caniveaux et je les cure, je plante les arbres ! 

Les Echos : Et entre-temps, le pays est mal géré

ATT : Ce n’est pas ma faute. Le peuple voit ceux qui le gèrent mal et le peuple est témoin de ce que j’accomplis tous les jours pour son bonheur. J’irai à Gao pour le 22 septembre et pour le pont que j’avais promis à mes cousins.

Les Echos : Mais ce pont est un chantier d’Alpha et de l’Adéma !

ATT : Je n’en disconviens pas. Mais vous avez entendu Dioncounda dire que je suis un militant de l’Adéma. Donc où est votre problème ? Et puis tout ce qui se fait en bien est de moi : le pont de Gao, la Cité administrative, le barrage de Talo, le Stade du 26-Mars, le deuxième pont de Bamako, le Centre international des conférences de Bamako, etc. 

Les Echos : Et la crise au Nord ?

ATT : Il n’y a pas de crise. Il y a quelques « bourdamés » qui se sont retranchés dans les collines et qui veulent faire du chantage. Et moi je préfère bombarder des nuages que de bombarder des bandits. 

Les Echos : Donc l’accord de paix a fonctionné ?

ATT : C’est un bout de papier. Je les connais, il faut toujours leur donner plus qu’ils ne demandent. C’est pour cela que j’ai anticipé en leur offrant la paix.

Les Echos : Et l’impunité ?

ATT : Mais ils n’ont rien fait de grave. La razzia et le pillage font partie de leur culture. Il faut que nous intégrions ces donnes dans notre grille de lecture. Bon je vous laisse pour aujourd’hui. Je dois vérifier si mes filles ne rencontrent pas de difficultés pour des marchés qu’elles n’ont pas encore obtenus.

Propos presque recueillis par Aly Kéita

Commentaires via Facebook :