Interview : l’artiste Abdoulaye Diabaté à propos de l’application de la nouvelle loi sur les droits d’auteur : ”Pourvu que la corruption ne s’en mêle…”

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Dans la foulée du vote de la loi sur la propriété intellectuelle, les artistes maliens – massivement mobilisés pour la circonstance à l’hémicycle – ne cachaient pas satisfaction à l’idée d’être enfin protégés et compensés pour la piraterie dont ils sont victimes,  de vivre de leur labeur créatrice tout court. Quant à l’applicabilité de la nouvelle législation, beaucoup de questionnements restent en suspens au sujet desquels l’un des plus célèbres musiciens maliens, Abdoulaye Diabaté, a accepté de s’entretenir avec Le Témoin. 

Le Témoin : Quels sentiments vous animent après le vote de cette loi pour laquelle le monde des artistes s’est tant battu et mobilisé ?

Abdoulaye Diabaté : C’est toute une joie pour moi. Et comme vous l’aurez constaté, je ne suis pas le seul car salle était pleine d’artistes. Même s’il y a eu des contradictions entre députés par moment ce n’était pas méchant, mais tout simplement pour avoir d’amples renseignements aux fins d’aller informer leurs bases. J’ai été personnellement profondément ému car cela veut dire que nos élus ont la conscience d’informer le peuple pour mieux le faire adhérer à la cause, au contenu de la loi.

LT : Quels espoirs la nouvelle législation suscite chez vous ?

AD : Comme cela a été largement évoqué pendant les débats, les artistes de toutes catégories ont désormais l’opportunité de vivre de leurs œuvres. Au fait, le musicien malien ne s’est jamais nourri de son art. A présent, si les choses se passent comme cela se doit, comme la loi votée le prescrit – si ceux qui doivent payer les redevances s’en acquittent convenablement et régulièrement et que les montants sont équitablement répartis -, nous allons pouvoir vivre de nos droits. En clair, je suis très content mais en même temps un tout petit peu perplexe et anxieux, dans l’attente de voir tout cela se concrétiser.

LT : parlons justement de mise en œuvre de la nouvelle loi…Quels critères, selon vous, devraient s’appliquer à la répartition des redevances entre les artistes ?

AD : Vous savez, les artistes sont de catégories diverses et leurs rendements ne sont pas les mêmes. Il y a des hauts et des bas, des débutants et des grands, des moyens et des supérieurs. Comme à l’école, il y en a du premier cycle, du second cycle, du lycée et du supérieur.  Ceux qui sont du second cycle ne sauraient être rémunérés au même titre et dans les mêmes proportions que ceux du lycée ou de l’université.  Donc, il ne peut y avoir de partage égalitaire ; j’estime que chacun doit être rémunéré selon sa taille et son rendement.

LT : Pensez-vous que le schéma ainsi décrit ferait l’objet de consensus dans vos rangs ? Est-ce que vous en discutez entre vous artistes ?

AD : Entre nous, on discute de tout cela, bien sûr. Moi personnellement je ne siège dans aucune organisation d’artistes maliens. Ni au Bureau malien des droits d’auteur ni au bureau des artistes maliens parce que moi je suis un peu loin mais entre nous, autour du thé et ailleurs, il nous arrive d’évoquer la question et je pense qu’un consensus ne fera pas défaut sur une répartition équitable. Chacun sait combien il vaut et connaît la place de l’autre et le respecte.

LT : Qu’est-ce qui pourrait entraver l’application de la loi à vos yeux ?

AD : Normalement rien ne devrait entraver l’application de la loi. Le ministre a fait son devoir, le Bureau malien des droits d’auteur en a fait autant, mais à condition que la corruption ne s’en mêle pas. Au Mali – comme partout ailleurs en Afrique -, la corruption freine beaucoup de choses. Il peut arriver par exemple que des artistes moins méritants négocient pour se faire payer au détriment des plus méritants.  Cela ne signifie pas que je n’ai pas confiance dans les autorités pour le prendre en compte.

LT : Quid de la contribution des sociétés de téléphonie ?  

AD : Ce n’est pas une somme forfaitaire qui leur sera infligée, d’autant que le nombre des abonnés est connu. Et le prélèvement de 250 francs CFA par abonné par mois va nous rapporter dans une moindre mesure une dizaine de milliards de francs environ annuellement. Quant à la répartition de l’argent entre les artistes cela dépendra de ce que le Bureau malien et le ministère choisiront comme option : ce sera soit un quota de répartition ou un taux forfaitaire. Quoi qu’il en soit, selon mes estimations, quelle que soit sa taille et sa catégorie, un artiste malien ne percevra pas moins de 200 mille francs CFA par mois.

LT : N’avez-vous pas crainte que tous deviennent subitement artistes ?

AD : On ne peut pas être considéré comme artiste malien sans inscription au préalable et sans une carte du Bureau malien des droits d’auteur. Et l’inscription passe par une liste des compositions personnelles ainsi que par le dépôt des cassettes déjà produite ou de maquettes. Ce qui fait que personne ne peut déposer l’œuvre d’une autre

La Rédaction. 

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