Interview Ibk au monde décembre 2013 : « La communauté internationale oblige le Mali à négocier avec un groupe armé»

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IBK_Hollande1Le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, élu en août, doit rencontrer François Hollande, jeudi 5 décembre. Il a accordé un entretien au Monde, mardi, à Paris.

Vous êtes en France pour participer au sommet de l’Elysée sur l’Afrique, les 6 et 7 décembre. Tenir un tel sommet, à Paris en 2013, n’est-ce pas du néocolonialisme ?

Ibrahim Boubacar Keïta : Si c’était le cas, je ne serai pas là. Je ne crois pas non plus que cela soit l’intention de François Hollande que je connais depuis une trentaine d’années. Il y a des problèmes de sécurité en Afrique qui interpellent l’ensemble de la communauté internationale. La France agit en conformité avec sa vocation, sans aucune forme de paternalisme inacceptable, ni de néocolonialisme qui n’auraient aucune chance de prospérer aujourd’hui.

Voyez-vous une différence entre la politique africaine de François Hollande et celle de ses prédécesseurs ?

Je ne me lancerai pas dans des comparaisons, je n’ai pas connu ses prédécesseurs, sauf François Mitterrand. Mais je connais François Hollande et nous avons une relation amicale, fondée sur des valeurs. Tout le monde s’accorde à dire que les décisions qui ont été prises vont dans le bon sens. Il y a du respect et de l’écoute, j’y suis très sensible. En venant au sommet de l’Elysée, je n’ai pas l’impression de répondre à un oukase.

L’écoute respectueuse n’était pas là avant ?

Je ne sais pas, je n’étais pas là. Je note juste que je suis écouté avec respect et considération, nous pouvons échanger de tout, c’est important.

La France est intervenue au Mali et s’apprête à le faire en Centrafrique. Est-elle condamnée à jouer le rôle de gendarme de l’Afrique ?

Sûrement pas, mais la France a, hélas, des devoirs historiques. Quand on a fait un chemin ensemble, aussi douloureux qu’il ait pu être parfois, il en reste toujours quelque chose. La France, vis-à-vis de l’Afrique francophone, se sent un devoir qui est d’abord un devoir de solidarité. Nous sommes condamnés à cheminer ensemble.

A quoi va servir ce sommet de l’Elysée sur l’Afrique ?
D’abord, il a le mérite de se tenir, de rappeler que sans la paix et la sécurité, tout le reste est vain. Nous avons de vastes problèmes de développement, il faut presque tout reprendre de zéro. Nous devons d’abord stabiliser nos pays et résoudre la question de l’Etat-nation. Aujourd’hui, ce vivre-ensemble est remis en cause de façon brutale au Mali. Même si nous avons été préparés par des crises cycliques d’irrédentisme, nous ne comprenons pas l’acuité qu’elles ont prise, avec cette revendication d’indépendance qui n’est assumée que par une infime minorité de la communauté en question .

Considérez-vous que le Mali est un pays sous tutelle internationale et jusqu’à quand les forces étrangères ont-elles vocation à rester sur le territoire malien ?
Le Mali ne sera jamais un pays sous tutelle et je ne serai jamais un président fantoche. Ces troupes ont vocation à aider le Mali à recouvrer son intégrité territoriale et sa souveraineté. Nous assistons, hélas, à une situation où la présence de ces troupes a empêché le Mali de rétablir l’autorité de l’Etat à Kidal, alors qu’il l’a fait à Gao et à Tombouctou.

Pour quel motif ?

Nous ne sommes pas naïfs, la rébellion touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) est retournée à Kidal dans le sillage des troupes qui sont venues nous libérer. La libération s’est faite de manière conjointe jusqu’aux abords de Kidal, où là, on a bloqué les Maliens. Pourquoi? Serions-nous des barbares d’une autre époque qui, une fois à Kidal, se mettraient à massacrer tout le monde ? L’armée malienne n’est pas une armée de soudards, surtout cette armée qui est aujourd’hui en refondation.

Je ne comprends pas que Kidal ait été une exception. Pour un ami de la France comme moi, j’assiste avec beaucoup de dépit à un reflux de l’enthousiasme envers la France dans la population malienne qui avait applaudi l’intervention française au début de l’année. Aujourd’hui, les Maliens s’interrogent.

Pensez-vous que la France a commis une erreur en nouant des contacts avec le MNLA ?
Ce sont plus que des contacts, je suis très bien informé. Je ne peux imputer cette doctrine à François Hollande car je note avec bonheur que ce comportement est en train de changer de manière drastique. Nous ne comprendrions pas qu’il en soit autrement. L’armée malienne, cantonnée dans un fortin, ne pouvait pas circuler dans Kidal, où il y a eu une épuration ethnique. Tous ceux avec la peau noire ont été priés de quitter la ville. Cela, on ne le dit pas.

Selon vous, la France n’a plus de contacts avec le MNLA ?
Je n’ai pas dit cela. Nous-mêmes avons des contacts avec le MNLA. Mais la tragédie de l’assassinat des deux journalistes de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, le 2 novembre, qui m’a révolté et ému au plus profond de mon être, nous amène à nous interroger. Claude et Ghislaine sortaient d’un entretien avec le maître de Kidal, Ambeiry ag-Ghissa. Leurs ravisseurs ont franchi quatre barrages et sont repartis en retraversant les mêmes barrages, on se pose forcément des questions.

Si l’armée malienne avait été là, libre de ses mouvements, je pense qu’il en aurait été autrement. Laisser croire qu’un soutien au MNLA peut conduire à résoudre des prises d’otages est d’une naïveté déconcertante. La communauté internationale nous oblige à négocier sur notre sol avec des gens qui ont pris des armes contre l’Etat. Je rappelle que nous sommes un pays indépendant. L’Etat malien est contraint de négocier avec un groupe armé qui s’en vante, dans quelle comedia dell’arte sommes-nous ?

Où en est l’enquête sur la mort des envoyés spéciaux de RFI ?
Nous sommes presque certains que l’homme qui a été désigné comme le grand ordonnateur de l’événement est bien le responsable de cette tragédie. Tantôt on le dit ancien de tel ou tel mouvement, tantôt on le dit membre d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI). L’enquête l’établira.

Vous avez été élu, sur la promesse d’une rupture avec l’ère de votre prédécesseur « ATT ». Or vous-même et plusieurs de vos ministres étaient déjà présents lors de la période antérieure. Où est la rupture ?
Elle est dans la façon de faire, les Maliens ne m’auraient jamais porté au pouvoir si j’avais eu la réputation de traîner des casseroles. Pendant la campagne, j’ai dit que certains auraient pu ouvrir une quincaillerie ! J’ai autour de moi des hommes et des femmes dont je connais l’intégrité et auxquels j’ai dit : aucune faille ne sera tolérée.

Charlotte Bozonnet
Journaliste au Monde

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4 COMMENTAIRES

  1. Que le chat admet sa faiblesse au lieu de se plaindre de la souris!!! Les maliens n’ont pas fini de couvrir les vraies faiblesse de celui qu’ils croyaient un homme homme.

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