– «Nous œuvrons tous les matins pour collecter plus d’argent afin de financer l’économie»
Pour la première fois depuis sa nomination au poste de directeur général de la Bnda, en remplacement de Moussa Alassane Diallo devenu président du Conseil d’administration après avoir fait valoir ses droits à la retraite, Souleymane Waigalo s’exprime à travers une grande interview qu’il a bien voulu nous accorder. En fin connaisseur de la Bnda dont il était le directeur commercial jusqu’à sa nomination, le 18 décembre dernier, Souleymane Waigalo est bien en terrain connu, comme en témoigne la pertinence de ses propos, au sujet de ses méthodes et de ses objectifs, en tant que directeur général de la Banque.
Aujourd’hui-Mali : Vous venez d’être installé dans vos nouvelles fonctions de directeur général de la Bnda, quels ont vos sentiments après votre prise de fonction ?
Souleymane Waigalo, Dg de la Bnda : Je commence d’abord par remercier les autorités du Mali qui ont placé en ma modeste personne leur confiance en me nommant directeur général de la Banque nationale de développement agricole du Mali. C’est une grande banque et c’est pour moi un grand défi que je dois relever pour prouver que les autorités ont eu raison d’avoir confiance en moi. Avec ma connaissance de la Bnda et mon engagement, je m’emploierai à mériter cette confiance avec l’accompagnement de tout le personnel. On a la chance d’avoir avec nous notre ancien DG. Je peux dire que l’équipe est recomposée, mais il est encore-là avec nous pour nous accompagner.
Vous connaissez bien cette banque dans la mesure où vous en étiez le directeur commercial. Qu’est-ce qui change maintenant que vous êtes devenu directeur général ?
Maintenant, on a cette lourde responsabilité de gérer, de piloter et de motiver. Mais il faut répondre aux exigences de la clientèle. Aujourd’hui, on a une banque qui a des ressources suffisantes pour mener son activité. Nous entendons poursuivre ce qui a été entamé pour consolider les acquis. On a le réseau le plus vaste, une clientèle bien ancrée et nous avons des produits bien adaptés. Il s’agit donc de faire tout pour améliorer ce que nous avons conçu depuis des années, de le développer et de consolider les acquis, de manière à financer davantage plus de producteurs agricoles, plus d’intervenants dans le monde agricole ou des ruraux, plus de PME et plus de supports financiers décentralisés, de manière à encore améliorer la qualité de vie des populations. Cela demeure notre objectif qui est vraiment de développer l’agriculture et d’intervenir dans les différentes chaines de valeurs, c’est-à-dire financer la production, la transformation et la commercialisation. Aujourd’hui donc, il s’agit de consolider les acquis, de développer et d’améliorer aussi sur certains segments ainsi que le réseau commercial et d’assurer plus de qualité de prestations.
Vous avez pris fonction au début de l’année 2018, peut-on savoir les résultats de l’année écoulée et à partir desquels vous êtes appelés à travailler ?
Effectivement, notre Conseil d’administration a décidé de ma nomination, c’était tout juste à la fin de l’année, le 18 décembre 2017. Déjà nos comptes provisoires au 31 décembre affichent un total bilan d’environ 464 milliards de Fcfa en augmentation de 14% par rapport à 2016 et puis un produit net bancaire de 33 milliards de Fcfa, en augmentation également de 6% par rapport à 2016 et également un résultat net de l’ordre de 9,5 milliards de Fcfa après impôts, en augmentation de 7,8% par rapport à 2016.
Monsieur le directeur général, une bonne gouvernance repose sur un bon climat social au sein de l’entreprise. Quelle sera votre approche envers les partenaires sociaux dont en première ligne les syndicats?
Les syndicats, ce sont des partenaires de la Banque. Ils sont là pour défendre les intérêts des travailleurs y compris moi-même. Mais il y a les clients qui sont également là et on doit aussi tout faire pour les satisfaire. Il y a les déposants qui sont là et qui nous font confiance. Par conséquent, on doit donc tout faire pour ne pas arriver à des grèves car nos clients ne méritent vraiment pas que les banques ferment. Mon cheval de bataille, justement, c’est de ne jamais arriver à des situations critiques de ce genre. Donc mon approche c’est de privilégier les échanges, le dialogue, je veux dire des rencontres pour des échanges d’égal à égal, parce qu’en fait les syndicats ce sont des partenaires à qui on doit beaucoup de respect et de considération parce qu’ils ont leur place, ils ne sont pas là pour détruire l’entreprise car il faut qu’on sauvegarde la chose commune qu’est la Banque. Moi je reste ouvert comme mon prédécesseur et reste convaincu que les partenaires sociaux ont conscience de cela. Et si c’est compris et accepté, nous ferons tout pour mieux satisfaire nos clients.
Monsieur le directeur général, il y a un procès que l’on fait souvent aux banquiers, notamment qu’ils ne financent pas suffisamment l’économie. Qu’en dites-vous ?
Quelques fois, quand on est de loin, on pense que les banques ne financent pas suffisamment l’économie ou quand on n’est pas avisé, on peut aussi, parfois, beaucoup se permettre d’avancer certaines idées. Je pense que même si c’était une vérité d’avant, cela ne l’est plus aujourd’hui, d’autant plus que, si je prends l’exemple de la Bnda, nous sommes à près de 450 milliards de Fcfa crédit et en 2016 nous avons fait plus de 33% d’octrois de crédits par rapport à l’année précédente. On a fait plus que nos prévisions, puisque nous avions des objectifs commerciaux. En effet, comme nous avions eu des opportunités de faire des activités de crédits, nous avons finalement fait plus que nos objectifs de manière à dépasser de plus de 30% les objectifs fixés par notre Conseil d’administration. Cependant, il faut que les gens comprennent que les banques ne peuvent faire de l’activité de crédit de financement si elles n’ont pas les ressources. Ces ressources sont de trois ordres. Soit ce sont les dépôts des clients soit ce sont des fonds propres des banques soit ce sont des ressources empruntées. Les ressources propres de la banque, c’est-à-dire l’argent que les actionnaires mettent à la disposition de la banque pour financer l’économie, c’est un peu limité. Les actionnaires mettent un capital et la banque elle-même génère des résultats et qu’elle essaie de consolider. Ce qui fait que ces fonds sont quand même un peu limités. Si on prend le cas de la Bnda, on est aujourd’hui aux alentours de 57 milliards de Fcfa de fonds propres.
Pour les ressources empruntées, il faut savoir que pour faire l’activité de crédit, nous aussi nous allons solliciter les bailleurs de fonds pour qu’ils nous prêtent de l’argent parce que nous avons des opportunités de faire du crédit et d’y gagner de l’argent. Aujourd’hui, on était à peu près à 80 milliards de Fcfa d’emprunt et on est allé encore mobiliser environ 25 milliards de Fcfa. Ce qui fait qu’on est finalement aux alentours de 103 milliards de Fcfa parce qu’il y a aussi des échéances d’emprunt qui tombent et qui nous permettent aujourd’hui de faire de l’activité de crédit.
Le troisième ordre de ressources, et le plus important, ce sont les dépôts de la clientèle. Aujourd’hui, avec notre réseau d’agences, avec nos partenaires toutes catégories confondues, nous avons à peu près 280 milliards de Fcfa de ressources collectées.
Nous ne pouvons faire des crédits qu’avec ces fonds que je viens d’énumérer, mais avec des exigences prudentielles. En effet, comme nous devons assurer aux clients la liquidité de leurs fonds, nous ne pouvons pas tout mettre à crédit. Nous avons donc des normes à respecter de façon à ce que la liquidité soit assurée. Ça, c’est primordial car une banque, il faut qu’elle reste liquide. Maintenant, au-delà de tout cela, aujourd’hui on va en refinancement au niveau de la Banque centrale (ndlr : la Bceao) car il y a des ressources que l’on appelle des ressources d’appoint au niveau de la Banque centrale. Ce ne sont pas des ressources qui doivent être permanentes, mais aujourd’hui toutes les banques à l’instar de la Bnda vont se refinancer auprès de la Banque centrale pour satisfaire leurs besoins d’activités. Nous, nous avons la possibilité de mobiliser 100, jusqu’à 110 milliards de Fcfa de la Banque centrale du fait de la qualité du portefeuille de la Bnda, du fait des titres dont nous disposons et du fait des accords de placement que nous avons. Mais on ne va pas utiliser la totalité de notre capacité de mobilisation des fonds parce que nous sommes obligés de nous limiter à des opportunités d’activités à financer. Si nous sommes allés nous endetter auprès des bailleurs de fonds, pour près de 100 milliards de Fcfa, nous sommes allés encore chercher des ressources auprès de la Banque centrale pour encore une soixantaine milliards de Fcfa, on ne peut pas dire que nous ne finançons pas assez parce que nous finançons plus que ce que nous pouvons collecter. Donc aujourd’hui, il faut qu’on développe davantage la bancarisation, pour que les clients viennent vers les banques. Principalement pour moi, il faut qu’ils viennent vers la Bnda et qu’ils y déposent leur argent parce que cet argent déposé, les banques vont le faire fructifier et ainsi les gens vont faire financer une partie des activités. Mais si les gens ne déposent pas suffisamment dans les banques, celles-ci seront toujours difficiles. Donc j’invite nos clients, nos prospects, nos compatriotes de venir vers les banques car c’est d’abord sécurisant pour leur argent, mais ensuite cela fait profiter à l’économie. Plus ils vont déposer, plus nous allons financer.Nous avons une capacité de financement que nous utilisons, c’est-à-dire les moyens que nous avons par rapport à notre portefeuille. Nous développons nos réseaux, nos produits, notre image et tout cela pour amener le client à venir déposer de l’argent au niveau de la Banque. Mais encore faudrait-il aller vers les clients pour collecter davantage. Nous ne nous fatiguerons pas pour cela. Nous œuvrons tous les matins sur comment faire pour collecter plus d’argent afin de financer l’économie.
Je répète que nous finançons suffisamment l’économie, mais nous avons quand même des limites et capacités à ne pas dépasser parce nous avons des règles strictes à respecter et on ne va pas enfreindre nos règles. Nous avons effectivement un dispositif jurisprudentiel, notamment la Banque doit être liquide, elle doit avoir une structure de portefeuille correcte, elle doit avoir un taux de couverture des emplois à moyen terme et long termes par des ressources stables très correct. Ce qui fait que la Banque doit travailler sereinement. Quand on respecte les ratios prudentiels, on travaille dans la sérénité. Mais on ne va pas aller financer de manière à ce que les déposants craignent ne pouvoir retirer leur argent.
Le niveau des financements est fortement dépendant des niveaux de recouvrement. Nous avons une une forte corrélation entre le niveau des financements et le taux des recouvrements. Les clients les plus solvables, les dossiers les mieux sécurisés et les concours dont les recettes sont maîtrisées et rentables sont très facilement financés. Par contre les secteurs risqués ou très risqués, les financements bouclés, les opérations presque déficitaires, trouvent difficilement des financements. Ainsi, nous procédons à de la sélectivité car nos ressources sont précieuses. En cherchant des veaux, nous ne devons pas perdre nos vaches. (ndlr : Veaux = intérêts; vaches=capital prêté).
Si vous aviez un message à lancer au public, quel serait-il ?
Mon message, c’est d’abord d’exprimer nos remerciements pour la confiance que beaucoup font à la Bnda et de les inviter à avoir davantage confiance en leur Banque car la Bnda est une très bonne banque, qui a des fonds propres suffisants, avec une liquidité enviable et des procédures bien adaptées.
Actuellement, nous avons deux comités internes de crédit par semaine, tous les mardis et tous les jeudis, pour répondre très rapidement aux besoins de la clientèle. Nous avons un réseau qui se trouve actuellement dans toutes les agences et une autre de nos particularités, à la Bnda, c’est que l’agence de Gao a toutes les capacités de monter un dossier de crédit exactement comme le dossier est monté ici même à Bamako. Nous avons un système d’information qui permet la connexion au serveur et avec les mêmes capacités, de sorte qu’il n’y a aucune différence entre une agence qui se trouve à Niono et une agence qui se trouve à Kayes ou à Kalabancoro ou encore à l’Hippodrome. C’est dire que toutes les agences ont accès au même système. Le comité de crédit se réunit régulièrement et nous répondons de façon efficiente aux demandes de la clientèle. Nous sommes disposés à accueillir les populations dans nos agences, nous les invitons à venir vers nous et nous leur indiquons toute notre disponibilité. Nous les remercions d’avance.
Réalisé par A.B. NIANG