Disponible et très ouvert, le président du Haut conseil des Maliens de l’Extérieur, non moins président de la Communauté malienne du Gabon (COMAGA) et opérateur économique de son état, Habib Sylla, nous a ouvert ses portes dans son quartier de la Campagne, à Libreville au Gabon. Entre autres sujets abordés avec lui, les conditions de vie des Maliens du Gabon ; le Haut conseil des Maliens de l’extérieur, en passant par la coopération bilatérale entre le Mali et le Gabon, l’élection présidentielle et le référendum constitutionnel de 2012, deux scrutins prévus en avril prochain. Lisez !
Le Prétoire : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Habib Sylla : je suis comme vous me voyez. Je suis un opérateur économique au Gabon et président du Haut conseil des Maliens de l’extérieur et président de la Communauté malienne du Gabon (Comaga) qui vit en parfaite symbiose avec les Gabonais et nos compatriotes et l’ensemble des communautés vivant au Gabon. Dieu merci, je suis respecté de l’ensemble des Maliens et j’interviens dans beaucoup de conflits où dans la plupart des cas mon intervention est prépondérante pour un règlement pacifique. Je remercie le peuple malien du Gabon et l’ensemble des Maliens de l’extérieur pour la confiance placée en ma modeste personne.
Quelles sont les conditions dans lesquelles vivent les Maliens au Gabon ?
Je félicite les plus hautes autorités de notre pays qui ont réfléchi à la création de cette institution qu’est le Haut conseil des Maliens de l’extérieur (Hcme). Le bureau exécutif est basé à Bamako et l’institution est représentée partout où sont établis les Maliens à travers le monde. L’objectif principal du Hcme est de permettre aux Maliens de se connaître et de s’entraider, en somme créer une chaîne de solidarité entre tous les Maliens de l’extérieur afin qu’ils conjuguent leurs efforts dans le cadre du développement de notre pays. Nous avons la chance, au Gabon, d’abriter notre ambassade qui compte neuf autres juridictions. Nous travaillons en synergie avec l’ambassade qui gère les affaires administratives et nous, de notre côté, nous gérons surtout les affaires sociales. Notre rôle principal est de faire en sorte que les Maliens s’entendent et s’épanouissent. Au Gabon, les Maliens sont parvenus à cultiver l’esprit d’entente et de convivialité. Ce qui nous a valu le respect des plus hautes autorités du Gabon.
Nous avons été témoins, avant le début de la CAN, d’une patrouille des forces de sécurité gabonaises à l’occasion de laquelle plus de 1000 ressortissants ouest africains, dont des Maliens, avaient été conduits en prison. Comment avez-vous vécu cette interpellation ?
C’est difficile de parler de cette situation. Quelque part, nous avons aussi des devoirs et des droits. Souvent, nous avons la malchance d’avoir une communauté qui ne connait pas ses droits. Généralement, quand on ne connait pas son droit, on piétine malheureusement le devoir et cela n’est pas bon. Le Gabon est un pays ami et frère où vit un nombre extrêmement important de nos compatriotes et nous vivons de concert avec d’autres nationalités, mais cela n’exclut pas le fait que le Gabon ait ses lois et règlements. Le mot patrouille ne doit pas nous faire peur parce qu’elle concerne une catégorie d’immigrés, c’est-à-dire ceux-là qui n’ont pu remplir les conditions du pays d’accueil pour y s’installer librement. A cause de nos relations d’amitié et de fraternité, en plus de l’entente qui a prévalu entre nos chefs d’Etats, tout est rentré dans l’ordre et les gens vivent en parfaite symbiose. Ce que nous regrettons, c’est le fait que la rafle ait lieu en pleine Coupe d’Afrique des Nations où les gens avaient la tête à la fête africaine du ballon rond. Nos compatriotes sans papiers faisaient effectivement partie des gens interpellés, mais nous avons discuté avec les autorités de l’immigration qui ont accepté, volontiers, de libérer l’ensemble des personnes qui étaient détenues.
Nous avons appris que vous avez-vous-même effectué le déplacement sur les lieux. Est-ce que les choses étaient compliquées pour autant ?
C’est mon devoir d’être aux côtés des Maliens. Partout où ils vont, je me dois d’intervenir pour leur cause. Je suis effectivement allé voir les conditions dans lesquelles ils étaient et intervenir afin qu’ils puissent recouvrer la liberté. C’est aussi le rôle de l’ambassade du Mali à Libreville, mais elle est tenue de passer par la voie administrative et diplomatique dans ses interventions. Compte tenu du fait que nous avons rapidement accès à l’information, je suis arrivé avant l’ambassade sur les lieux. J’ai trouvé que les Maliens interpellés se portaient tous bien et j’ai été très bien reçu par le directeur de l’immigration gabonaise qui m’a décrit le problème et ensemble nous avons trouvé la solution pour que ceux qui étaient enfermés puissent recouvrer leur liberté.
Président Sylla, comment percevez- vous la coopération entre le Mali et le Gabon ?
Je pense très honnêtement qu’elle ne souffre d’aucun problème. Les relations qui unissent nos deux chefs d’Etat, en l’occurrence Aly Bongo Odimba et Amadou Toumani Touré, ne datent pas d’aujourd’hui. Quant à nos deux pays, ils entretiennent une coopération bilatérale de très longue date. Lorsqu’il y a des représentations diplomatiques actives de part et d’autre, cela prouve que les deux pays s’entendent. Vu le nombre aussi important de Maliens au Gabon, cela ne peut que justifier l’amitié et la bonne santé des relations entre les deux peuples. Avant le décès du défunt président, Omar Bongo Odimba, des journées mixtes entre le Gabon et le Mali étaient à l’ordre du jour. Les discussions avaient commencé afin de trouver un cadre formel pour sa mise en œuvre. D’après ce que j’ai entendu, ça ne saurait tarder et je réaffirme que c’est la fraternité qui lie la communauté malienne et le peuple gabonais.
L’élection présidentielle de 2012 au Mali est prévue en Avril prochain et elle constitue un tournant décisif de notre démocratie. Comment, à partir du Gabon, vous vivez cette élection présidentielle ?
Le droit de vote étant une réalité aussi bien pour les Maliens de l’intérieur que ceux de l’extérieur, nous sommes forcément concernés par ces élections. C’est l’occasion aussi pour nous d’accomplir notre devoir civique. Les législatives ne nous concernent pas, mais nous sommes impliqués dans l’élection présidentielle. Ce n’est pas la première fois que nous vivons ces élections. Nous sommes prêts et souhaitons que les acteurs politiques s’entendent car, après tout, c’est le Mali qui sortira vainqueur parce que ce ne serait pas un étranger qui sera élu à la tête du pays. Sur la base des projets de société des différents candidats, nous allons choisir le meilleur d’entre eux pour le bonheur du Mali. Tous les Maliens sont sensibles au travail effectué par les présidents Alpha et ATT. Nous espérons que celui qui aura la chance d’être élu fera mieux qu’eux. Comme nous avons la chance de bénéficier d’une large candidature, nous allons décortiquer les projets de société des uns et des autres et nous n’allons pas hésiter de voter le meilleur projet, quelles que soient la tête du candidat et son appartenance politique.
Est-ce que vous pensez que vous aurez un rôle important à jouer dans cette élection ?
Bien sûr. Nous avons une obligation de nous impliquer dans l’organisation matérielle, mais surtout inciter et mobiliser nos compatriotes pour qu’ils sortent massivement afin d’aller voter le jour du vote. Il est extrêmement important que les Maliens comprennent qu’ils doivent sortir massivement afin que le pays ne tombe pas dans les mains de celui qu’on ne souhaite pas. Nous allons pleinement jouer notre rôle. Nous n’avons jamais failli à notre tâche, surtout que la présidentielle sera couplée au referendum constitutionnel. C’est un défi pour tous les Maliens et c’est l’avenir du Mali qui sera en jeu. A cet effet, nous sommes tenus d’apporter notre contribution pour que l’unité et la cohésion prévalent. Nous allons faire cette élection dans la transparence totale, la convivialité et la fraternité. Nous souhaitons vivement que la main de Dieu veille sur le Mali.
Etant le président du Haut conseil des Maliens de l’extérieur, comment fonctionne cette institution ?
Nous avons une permanence à Bamako et des démembrements à travers le monde. Depuis notre arrivée aux affaires, l’Etat nous a alloué, exceptionnellement, une subvention qui nous permet d’assurer le fonctionnement de l’Institution. En effet, cette subvention nous permet de réaliser des activités, même s’il est vrai qu’elle n’est pas suffisante. Il y avait aussi un amalgame par où les gens profitaient du Hcme pour faire de la politique. Ce qui créait des mésententes souvent entre nous. C’est ainsi que mon mandat est placé sous le signe de l’unité entre les bases. Grâce Dieu, nous n’avons aucun problème entre les Maliens de l’extérieur. Les bureaux sont renouvelés et nous travaillons en symbiose avec le ministère des Maliens de l’extérieur. L’année dernière, nous avons organisé des fora où les opérateurs économiques de la diaspora ont massivement participé aux travaux. Des propositions ont été faites dans ce sens et les décisions qui s’imposent seront également prises. Nos compatriotes de la diaspora sont conscients et ils savent qu’ils ont un rôle très important à jouer pour l’avancée de notre patrie. Aujourd’hui, notre souci est que tous les Maliens, sans exception, se sentent concernés par le développement de notre pays. Nous travaillons pour que les Maliens investissent dans des projets fiables au Mali au lieu que leur argent soit stocké dans des banques à l’extérieur. Cela offrira de la main d’œuvre pour un meilleur épanouissement de nos populations.
Est-ce que les Maliens de la diaspora s’approprient cette institution et quels sont les problèmes que vous gérez au quotidien ?
Ce sont surtout les abus que subissent les Maliens qui nous gênent. Ce phénomène est souvent dû à des lourdeurs administratives. Vous savez que le président du Hcme vit à l’extérieur et c’est la permanence qui règle ces problèmes. Généralement, nous donnons satisfaction aux Maliens. Je tiens à saluer particulièrement la collaboration de notre département de tutelle qui ne ménage aucun effort pour que nos compatriotes vivent dans les meilleures conditions. Lorsqu’il y a aussi des problèmes dans les pays d’accueil comme ce fut le cas de la Côte d’Ivoire et de la Libye, nous sommes aussi saisis et tout de suite nous dépêchons une mission sur place afin de trouver des solutions. Les contacts, le fax, le téléphone et le mail sont connus de tous et la réaction est très rapide. Nous déplorons souvent la méconnaissance de certains compatriotes qui soumettent directement des problèmes au ministère des Maliens de l’extérieur alors qu’ils pouvaient trouver leur solution au Haut conseil. Nous travaillons afin que les gens puissent connaître la structure car plus nous conjuguons nos efforts, d’avantage nous trouverons leurs solutions et nous serons pris au sérieux.
Quel est l’apport du Hcme dans la consolidation de la politique extérieure du Mali ?
Sur le plan diplomatique, le Mali est aujourd’hui représenté dans beaucoup de pays à travers le monde. Ce sont des pays où une forte délégation de Maliens est établie et l’Etat fait le plus souvent des efforts pour envoyer un ambassadeur ou un consul. Nous, nous n’allons pas nous mettre devant ces institutions. Mais notre comportement et notre collaboration avec les citoyens du pays d’accueil feront en sorte que ces pays aient avec le Mali une coopération bilatérale exemplaire et respectueuse. La parfaite illustration est le cas gabonais, où nos autorités reçoivent des compliments de leurs homologues gabonais. C’est extrêmement important et nous travaillons pour que cela soit partout où les Maliens se rendront. Plus nous respectons les lois et règlements des pays d’accueil, plus nous serons acceptés et nous pourrons investir dans des projets.
Quel est le bilan que vous tirez des deux ans que vous avez passés à la tête de cette institution ?
On ne peut pas tirer son propre bilan. Je laisse cet exercice aux Maliens qui sont mieux indiqués pour le faire. Je pense que toutes les actions posées, depuis notre investiture à nos jours, constituent des lueurs d’espoir pour notre institution. Nous avons obtenu un nouveau siège et le gouvernement nous a accordé toutes les facilités. Je suis modeste et humble, mais je reconnais que les choses sont en train de bouger et ce n’est pas les Maliens de l’extérieur qui me contrediront.
Qu’est-ce que vous, Maliens de l’extérieur, attendez de l’élection présidentielle de 2012 ?
Des élections apaisées. Elles constituent la seule garantie pour l’unité. C’est dans l’unité que se cultivent la paix et le développement. Donc, faisons en sorte que cette élection soit apaisée et je ne me fais aucun doute à cet effet, parce qu’en 2002, on avait environ 24 candidatures et nous n’avons pas connu de division. Je souhaite vivement que cette élection se passe dans les meilleures conditions et que celui qui aura la chance de les remporter sache résoudre les problèmes auxquels les Maliens sont confrontés. Nous sommes conscients et matures pour cela. Nous invitons les gens à sortir massivement parce qu’il est gênant de constater, au sortir des urnes, que le taux de participation est très faible. Je souhaite aussi que le meilleur candidat soit élu.
Vous avez quand même une préférence parmi les candidatures annoncées ?
Absolument. J’ai mon choix et c’est par rapport au parcours de ces hommes. Je suis, aujourd’hui, en mesure de savoir, parmi tous les candidats, celui qui dispose le plus de capacités et d’expériences pour diriger le pays. Qu’est-ce qu’on n’a pas dit à ATT par rapport à sa gestion de la crise du nord ? A sa place, on aurait dégainé depuis et mettre le pays complètement à feu et à sang, mais il a géré le problème avec tact et diplomatie. Aujourd’hui, il a compris que le pays doit réagir face à certains actes de banditisme et d’atteinte à l’autorité de l’Etat. C’est cela un chef d’Etat et il faut un homme mur et d’expériences parce que nous ne sommes pas à l’abri de certaines provocations.
Pouvez-vous nous décrire le portrait robot de votre candidat pour la présidentielle ?
Je l’ai décri et je souhaite qu’il soit quelqu’un d’expérience et qui peut faire face à toutes les difficultés : économiques, éducationnelles, sanitaires en gros, quelqu’un qui saura faire face aux problèmes auxquels les Maliens sont confrontés.
Pouvez-vous nous dire son nom ?
Non. Parmi les candidats, j’ai déjà choisi le mien. Mais je tairai le nom et je crois bien qu’il sera le président idéal pour notre pays.
Propos recueillis par Mamadou DIALLO «Mass»
depuis Franceville (Gabon)