Housseini Amion Guindo est président de la Codem, vice-président de l’Assemblée nationale, candidat des PUR à l’élection présidentielle. Quelques heures après son investiture par les Partis unis pour la République (Pur), Housseini Amion Guindo, député élu à Sikasso, a bien voulu accorder à votre journal une interview au cours de laquelle il revient sur la situation générale du Mali, les élections en cours de préparation, son parti et le paysage politique. Lisez la première partie !
Housseini Amion Guindo : Après le 22 mars 2012, nous avons eu à faire face à deux types de crise, une crise sécuritaire au nord et une crise institutionnelle au sud. Je pense qu’aujourd’hui, on peut dire que la grande crise, sécuritaire, est derrière nous, parce que si au lendemain du 22 mars, les deux tiers du territoire étaient occupés, aujourd’hui ne subsistent plus que quelques poches de résistance sur un petit périmètre. Par rapport à la crise institutionnelle, on peut dire qu’après moult tractations, nous sommes revenus à un semblant d’ordre constitutionnel, l’espoir renait car nous nous engageons dans un processus électoral, les élections étant prévues pour juillet, la présidentielle en tout cas. Le Mali est en train de tourner difficilement, mais irréversiblement la page noire.
Le gouvernement, sous la pression de la communauté internationale, a prévu les élections avant fin juillet. Jugez-vous ce calendrier réaliste, et, surtout, croyez-vous qu’il pourrait donner lieu à des élections libres et transparentes ?
Sincèrement, je crois que ce n’est pas forcément sous la pression de la communauté internationale. Les élections sont devenues une nécessité nationale. C’est pour permettre d’avoir un pouvoir légitime car les élections permettent aux Maliens de s’exprimer librement afin de choisir qui peut parler en leur nom. Il faut mettre un terme à l’insécurité institutionnelle et pour cela la communauté internationale ne fait que nous accompagner. Elle ne nous impose rien. Par rapport à juillet, je suis de ceux qui croient que tout doit être mis en œuvre par les institutions, la classe politique, la société civile, l’administration afin que des élections aient lieu dans les meilleurs délais donc notamment en juillet. Il faut respecter ce calendrier fixé.
Par contre, je suis contre le couplage des scrutins, il faut découpler pour les raisons qui suivent : d’abord le Mali n’a jamais connu d’élections couplées à part les partielles qui se sont tenues à Bougouni. Et tout le monde sait que ces élections n’ont pas bien donné. Aujourd’hui nous manquons de temps. Tout le monde reconnait que c’est dans des conditions très difficiles qu’on organise ces élections. Il y a une exigence de transparence donc il faut se donner au moins le temps de sensibiliser les populations, à majorité analphabètes, afin qu’elles sachent comment voter dans le cas d’élections couplées. Il serait bon de découpler les élections, de ne pas renforcer le flou, et de tenir la présidentielle. Cela nous permettra de sortir de la crise. Voilà notre position à la Codem et aux PUR.
Que pensez-vous de la Commission dialogue et réconciliation, notamment de ses trois premiers responsables qui viennent d’être nommés ?
Vous savez, par rapport à cette Commission, nous sommes sceptiques et nous pensons qu’elle a très peu de chances de réussir. Parce qu’il aurait fallu d’abord fixer les objectifs à atteindre. Nous parlons de dialogue et de réconciliation, qui sont les interlocuteurs pour ce dialogue ? Est-ce le Mnla (Mouvement national de libération de l’Azawad, Ndlr), le MIA (Mouvement islamique de l’Azawad, Ndlr), les communautés ? Il faut d’abord déterminer les interlocuteurs et le type de dialogue. Social, politique ? C’est après avoir identifié les objectifs, les interlocuteurs, les protagonistes, le type de dialogue qu’on peut alors, objectivement, choisir les hommes qu’il faut, qui seront chargés d’animer la commission. On a mis les charrues avant les bœufs. Ce n’est pas parce qu’on a une expérience en diplomatie ou qu’on a pensé à une femme qu’on peut atteindre les objectifs et résoudre une crise. Je crois que les hommes auraient dû être choisis conformément à la feuille de route qu’on se serait donnée. On ne choisit pas les hommes pour leur demander d’élaborer une feuille de route. Une telle démarche a très peu de chances d’aboutir. Ce n’est pas parce que je doute de la qualité des acteurs de cette commission, ils ont fait leurs preuves au Mali.
Deuxièmement, le Mali aura un président élu dans quatre mois, et ce président, à l’heure du bilan, aura à répondre de l’état de la nation. Alors, ce président ne sera pas obligé de garder une commission mise en place avant lui.
Au lieu de cette structure, créée elle aussi sous la pression de la communauté internationale, ne croyez-vous pas qu’il est nécessaire d’organiser des concertations nationales qui permettraient, comme en 1992 avec la conférence nationale, une refondation de la République et une amorce de dialogue entre toutes les forces vives sans exclusive ?
Pour moi ce n’est plus une question de concertations nationales. Nous avons un gouvernement en place et il est censé, avec tous les partenaires, savoir quel type de dialogue on doit faire. Est-ce un dialogue politique, est-ce que c’est avec le Mnla qu’il faut discuter ? Si c’est le cas, ce n’est pas forcément Oumou Traoré (vice-présidente de la Commission dialogue et réconciliation, Ndlr). Aujourd’hui, il est important de déterminer les interlocuteurs. Et puis est-ce que le Malien est prêt à un dialogue politique ? Aujourd’hui, tout le monde à l’Onu, au niveau des partenaires, de la classe politique et de la société civile, tout le monde s’accorde donc à dire que le Mali est un et indivisible. Alors, est-ce qu’il y a place encore pour l’Azawad ou pour des gens qui s’en réclament ? Pas du tout. Au niveau de la Codem, nous pensons que le dialogue politique n’est pas possible. Ce qui l’est, c’est le dialogue social intra et intercommunautaire. Et si c’est le cas, il faut d’abord voir les communautés, c’est-à-dire les Touareg, les Songhay, les Arabes, les Peulh, les Dogons, les identifier et chercher alors le meilleur profil afin d’échanger, de dialoguer et de négocier pour ramener le vivre ensemble. Parce que ces communautés ont toujours vécu ensemble et qui ont comme culture ce vivre ensemble. Par rapport aux Touareg, nous savons que ce n’est pas une révolte. C’est juste quelques individus qui ont pris des armes au nom d’une communauté qu’ils ont poussée à la stigmatisation, à l’amalgame, qu’ils ont même trainée dans la boue. Par conséquent, le dialogue intracommunautaire, au sein de la communauté touarègue, est nécessaire. Et ce ne sont pas forcément les acteurs de la commission qui sont les meilleurs, qui sont les mieux placés pour réussir un tel dialogue. Quant à l’aspect politique, il est à bannir car il est clair dans l’esprit de tous qu’ici au Mali il n’y aura qu’un seul drapeau, une seule armée. C’est d’ailleurs ce que la France a dit quand elle est venue intervenir ici. Pour l’unité, la souveraineté nationale, le drapeau national, aucun dialogue politique n’est possible avec des gens qui veulent la partition.
Est-ce que vous croyez que des taux de participation de 15%ou 17% traduisent réellement le mandat du peuple ?
Jusque là, c’est ce qu’on a vécu. Parce qu’ici au Mali, les gens ne font plus confiance à la politique. Pourquoi ? Parce que c’est çà la politique qu’on leur a présentée. C’est çà la démocratie qu’on leur a proposée. Une démocratie faite de mensonges, de vols, de corruption, de népotisme. Une démocratie dans laquelle l’élu ne va jamais à la base. Il attend pendant cinq ans, le temps d’amasser de l’argent pour aller se faire réélire à base de sucre et de sel. Naturellement, cette démocratie ne peut pas mobiliser les Maliens. Notre combat, aujourd’hui, c’est de travailler à la réhabilitation de la politique. Imaginez un responsable politique respecté et connu de tous dans tout le Mali, qui se permet d’aller trouver un jeune à qui il remet 10 000 ou 50 000 Fcfa et dix cartes d’électeur, et lui dit d’aller tout seul voter avec ces cartes. Ou bien, on réunit dix jeunes et on leur donne de l’argent pour qu’ils aillent voter avec une seule et même carte d’électeur. Ces jeunes ne peuvent pas croire en la politique. Ils savent, par expérience, que c’est fondé sur du faux. Donc aujourd’hui, notre combat, c’est de réhabiliter la politique.
Par rapport au taux de participation, les présidentielles ont toujours moins mobilisé que les législatives. Et pourtant, les législatives ont toujours été organisées en juillet, pendant l’hivernage. Donc cette question de saison ou de carême que certains avancent pour retarder les échéances électorales est un faux prétexte.
(à suivre)
Réalisée par Cheick Tandina