Interview de Soumeylou Boubèye Maïga, après son exclusion : La logique d’allégeance et d’opportunisme

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Après son exclusion du parti ainsi que certains membres du CE et d’autres militants, Soumeylou Boubèye Maïga a donné une interview à nos confrères de Info-Matin. Nous la reproduisons intégralement.

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Info-Matin : Monsieur le président, la conférence nationale de l’Adema vient de se tenir le week-end dernier. L’une des principales décisions, c’est votre exclusion ainsi que celle de plusieurs autres membres du CE, des proches de vous-mêmes et des membres de la Convergence 2007. Quelle est votre analyse de cette situation et quelle est votre réaction par rapport à cela ?

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Soumeylou Boubèye MAIGA : Je pense qu’en réalité la conférence n’a été convoquée que pour cet objet. Sinon, lors de la 7ème conférence tenue en novembre 2005, nous avions décidé de la tenue d’un congrès. Mais craignant qu’il y’ait débat qui pouvait remettre en cause la décision qui avait été prise et qu’on ne se désiste plus, on a cru devoir trouver un faux semblant en faisant une conférence nationale. Je pense qu’en tout état de cause, ils sont comme en mission commandée et je pense que c’est une décision qui était prévisible et que pour ses promoteurs, c’est le geste ultime d’allégeance qu’ils pouvaient donner. Mais cela ne change pas le fond du problème, parce que dans l’opinion et au sein des militants, la grande majorité ne comprend pas et condamne l’abdication de l’Adema par rapport à la course aux élections présidentielles. Et cela, que nous y soyons ou que nous n’y soyons pas, ça ne change pas le fond du problème.

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Et naturellement, cela n’empêche pas la candidature que je veux porter moi-même. Je pense qu’à travers tout ceci, le parti s’est fourvoyé. Maintenant, nous avons toujours estimé que la contradiction principale étant autour de la question de l’élection, c’est à travers les élections que nous allons résoudre ce problème là. C’est sur la base des résultats que nous résoudrons la question. C’est pour cela que nous n’avons pas cru devoir investir de l’énergie particulièrement par rapport à la conférence nationale.  Nous avons ainsi laissé faire un peu en nous disant que le vrai débat sera pour plus tard après les élections, étant entendu que pour nous, d’une part, il n’est pas dans leur pouvoir de nous faire sortir de la lutte politique et démocratique qui nous a amenée pour créer l’Adema et sortir du socle de ce parti et que, d’autre part, pour nous, les élections c’est un tremplin, une étape dans la reconversion et la reconstruction de notre parti. Donc, nous continuons notre chemin. 

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I.M. : Les raisons ou les motifs avancés par le CE et la conférence nationale tournent autour du travail fractionnel, de l’indiscipline et de la violation des textes. Qu’avez-vous à répondre ?  

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SBM : En son temps, nous avons battu en brèche ces arguments : nous ne pouvons pas faire un travail fractionnel avec des militants dans une association qui se situe en dehors du parti, parce Convergence 2007 comme ASMA mobilisent des militants en dehors du parti. Deuxièmement, Convergence 2007 est une association identique à plusieurs autres qui ont été créées et animées par des membres de la direction du parti, à la différence qu’ils sont, eux, dans la logique d’un soutien à ATT et nous, nous n’y sommes pas. Mais dans le principe, c’est la même chose. Nous avons d’ailleurs dit à l’époque qu’il fallait que notre parti s’interroge sur le fait qu’il n’y a pratiquement que les membres de l’Adema, en particulier ses principaux dirigeants, qu’on retrouve dans l’animation d’associations politiques et qui prolongent dans d’autres espaces leurs activités politiques quand bien même ils sont censés être dans la ligne du parti.

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Ce qui devrait nous amener à nous interroger sur le fonctionnement réel de notre parti plutôt que d’être dans les fuites en avant. Par rapport à la violation des textes ou à l’indiscipline, je maintiens que les conditions de la mise en oeuvre de la résolution de novembre 2005 ne sont absolument pas réunies aujourd’hui. D’une part, la résolution à l’époque avait mentionné la nécessité d’être en conformité avec nos textes dans le cadre d’un soutien à ATT et que, d’autre part, ce soutien était censé se porter sur l’intéressé au cas où il se déclarait candidat. Les deux conditions n’étant réunies, nous ne pouvions pas violer des dispositions qui n’existent pas. Mais j’ai toujours dit que tout cela s’inscrit dans une logique d’allégeance et d’opportunisme qui affaiblit le parti et dont on se rendra compte bientôt des effets dévastateurs sur les résultats et la position du parti. Et nul ne peut soutenir que, depuis que nous avons pris cette décision, le parti s’est trouvé considérablement renforcé. Au contraire, car l’intérêt du parti est secondaire pour la plupart de ces gens. Je pense que tout cela est un débat différé pour nous.

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IM : Quel sentiment avez-vous en tant qu’un des principaux artisans de la création de l’Adema et acteurs du mouvement démocratique ? 

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SBM : Mon sentiment est que, tant qu’on vit longtemps, on voit beaucoup de choses. Quand on voit ceux qui s’agitent pour nous exclure avec d’autres comme je l’avais dit dans ma lettre à la commission de discipline, ils n’ont aucune idée de ce qu’il nous a fallu de combativité, de détermination et d’énergie pour créer et maintenir le parti en vie. Il y a cinq ans, beaucoup parmi eux avaient déjà enterré le parti. N’eut été à l’époque l’engagement de ceux qu’ils veulent exclure aujourd’hui, on aurait peut-être plus parlé de l’Adema. Je me souviens toujours qu’aux élections législatives de 2002, nous étions trois au siège du parti pour faire le dossier des élections législatives. C’est quand il y a eu les résultats du 1er tour, qui ont confirmé que nous avons bien travaillé, que, comme d’habitude et comme c’est toujours le cas, il y a une marée de gens qui sont encore venus nous envahir et essayer de profiter de ce résultat.

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J’ai eu la chance exceptionnelle d’avoir vu plusieurs personnes dans des positions différentes et moi-même étant dans des positions différentes. Cela m’amène à relativiser beaucoup de choses et à douter de la sincérité de l’engagement de tous ces gens. J’ai l’avantage de bien les connaître et de savoir que, pour l’essentiel, ils sont dans une course à leurs intérêts particuliers pour faire plaisir dans une logique d’allégeance. Je suis convaincu qu’avec eux, personne ne peut bâtir quelque chose de durable, de positif et de constructif. D’ailleurs ceux auxquels ils pensent faire plaisir n’en sont pas dupes. C’est pourquoi, tout ce qu’ils espéraient tarde à venir pour eux. Comme on dit, quand on pense avoir fait tout ce qu’on peut, il y a toujours ce qu’on ne peut pas. Ils ont accompli jusqu’à la limite de ce qui leur était possible la mission dans laquelle ils se sont engagés, il reste toujours les questions qu’ils ne peuvent pas résoudre.  C’est par exemple la question des élections et le fait que la majorité des militants partagent nos positions. Et cela se confirmera lors des élections à venir. 

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IM : Il y a une question que beaucoup de gens, notamment les militants Adema, se posent : après votre exclusion, combien de pères fondateurs restent-ils encore à l’Adema ? Avant vous, il y a eu Mamadou Lamine TRAORE et d’autres ? 

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SBM : Il reste encore quelques uns. Malheureusement, beaucoup sont noyés par le flot des opportunistes. Ils n’ont plus l’énergie et la détermination de résister et de combattre parce que j’ai trouvé très pathétique, pour ne pas dire plus, que des gens ayant consacré une bonne partie de leur vie à la lutte, après avoir voté pour notre exclusion, en arrivent-là et soient venus par la bande pour nous dire et faire dire que, vraiment, ils n’avaient pas le choix…Cela fait partie naturellement des questions qu’il faut se poser sur un  certain nombre de ressorts dans nos sociétés et dans le comportement des gens. Je pense que personne ne doute du fait que ce n’est plus le parti et qu’il le sera de moins en moins, cela est évident. Mais, nous ne serons jamais d’anciens militants, car nous continuerons de nous battre. Pour nous, c’est une étape. Moi, je ne dramatise pas ce qu’on peut ressentir comme blessure ou autre, car je dépasse ce genre de considération. Je considère que la lutte politique est faite de plusieurs étapes et ce n’est que partie remise pour nous.

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IM : Est-ce à dire que, désormais, vous tournez la page de l’Adema pour vous consacrer à Convergence 2007 et au FDR ?

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SBM : Je me concentre pour le moment sur les élections à travers Convergence 2007 et le FDR pour qu’aux présidentielles comme aux législatives, il apparaisse clairement que nous étions sur une position juste, parce que la source principale de nos contradictions politiques se trouve dans la question électorale. Une fois passé ces élections, la question du parti ou de parti se trouvera résolue d’elle-même.

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IM : La question de parti Adema ou de parti Convergence 2007 ?

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SMB : Nous avons créé l’Adema et milité dans ce parti par rapport aux convictions politiques qui ne sont pas le monopole d’un seul cadre organisationnel, mais c’est seulement après les élections que mes camarades et moi comme d’autres citoyens nous nous consacrerons à cet aspect du problème.  

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Propos recueillis par Sambi TOURE
et Seydina Oumar DIARRA
Info-Matin du 2 Mars 2007

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