Quelle appréciation faites-vous de la flambée continuelle des prix des produits sur le marché malien, notamment des hydrocarbures au lendemain de la levée des sanctions ?
Nous sommes dans un contexte économique mondial très difficile pour tous les pays. Si vous prenez en ce moment la crise sanitaire qui affecte le commerce mondial, de même que les conséquences économiques de la guerre en Ukraine et du changement climatique, il apparaît clairement que l’économie mondiale s’achemine non seulement vers une récession économique (ceteris paribus, toutes choses étant égales par ailleurs) mais aussi vers une hausse très importante de l’inflation (hausse généralisée des prix à la consommation), c’est à dire un phénomène économique dénommé stagflation que nous n’avons pas connu depuis les années 1970 suite aux chocs pétroliers.
Actuellement, le pouvoir d’achat est en train de s’éffriter et c’est partout dans le monde, dans les pays les plus riches tout comme dans les pays aux revenus les plus faibles. Les prix de l’alimentation ont beaucoup augmenté, de même que ceux de l’energie suite à la hausse du prix du baril de pétrole et de l’appréciation du dollar face à l’euro et au franc CFA . Notons que le carburant est un facteur déterminant du coût de la vie car le prix du transport affecte tous les produits y compris ceux de l’énergie, des transports et de l’alimentation. Comme le Mali n’est pas un producteur de ressources énergétiques cela va représenter un gros défi pour l’Etat qui abandonne déjà une partie de ses recettes pour que le prix à la pompe soit abordable pour les citoyens. Les subventions engendrent des pertes de recettes fiscales. Il va falloir trouver des solutions pour améliorer le pouvoir d’achat, c’est-à-dire en subventionnant davantage et en diminuant certains prix des produits de première nécessité en améliorant l’offre et en incitant aussi les opérateurs économiques à ne pas faire de surenchères au niveau de la disponibilité des produits subventionnés et de leurs prix. Les hausses de prix impactent de façon disproportionnée les ménages les plus pauvres qui doivent dépenser une plus grande part de leurs revenus à l’alimentation, par rapport aux ménages plus aisés.
Plus de deux semaines après la levée partielle des sanctions, aucun changement palpable sur le quotidien du malien. Comment l’expliquez-vous ?
Les sanctions économiques, financières et commerciales infligées au Mali le 9 janvier 2022 par la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) mais qui ont été levées le 3 juillet 2022 en sus des effets négatifs de la Covid-19 et de la guerre en Ukraine risquent de réduire de moitié la croissance économique réelle à environ 3% selon les estimations de la Banque Mondiale.La levée des sanctions économiques, financières et commerciales n’est pas une panacée même si elle met un terme au gel des avoirs de l’État malien et à ceux des entreprises publiques et parapubliques à la BCEAO, ainsi qu’au blocage des transferts de même que l’accès de l’État malien aux systèmes de paiement de la BCEAO. Rappelons ques les sanctions économiques, financières et commerciales ont paralysé l’économie du pays durant 6 mois et empêché l’État et les banques maliennes d’honorer leurs engagements vis à vis de leurs créanciers. Depuis la mise en place des sanctions le 9 janvier 2022, la dette intérieure s’élèvait à 346 milliards FCFA pour les titres des marchés publics (TMP) pour 2022. Par ailleurs, selon les données de la Banque mondiale, le prix du blé a augmenté de 60 % entre janvier 2021 et début juin 2022 et le prix des intrants agricoles a également substantiellement augmenté depuis le début du conflit armé en février 2022 et sont aujourd’hui presque trois fois plus élevé qu’il y a un an.
Après la levée des sanctions, il va falloir consentir des efforts énormes pour la relance économique et cela peut se révéler très compliqué surtout à un moment donné où l’économie mondiale va connaître une récession et une hausse des prix jamais vu depuis très longtemps. Aussi, le Mali importe beaucoup plus les biens et services qu’il n’en exporte et possède aussi une diaspora très forte à l’étranger qui contribue à la résilience. En 2021, le Mali a reçu à travers les circuits financiers officiels 631 milliards de Franc CFA des Maliens de l’étranger. L’apport de la diaspora malienne est plus importante que l’aide au développement.
Quelle sont les mesures urgentes à court et à moyen termes à prendre par les autorités de la transition pour une relance économique le pays ?
Pour relancer son économie, le Mali devrait essentiellement utiliser la politique budgétaire ou fiscale qui constitue le meilleur instrument de politique économique conjoncturelle. Il s’agira essentiellement à travers les dépenses publiques de cibler les secteurs clés et les services de base essentiels , comme l’agriculture, l’éducation, la santé, la protection sociale, l’eau potable, l’industrie, les logements, le développement urbain et l’assainissement, de même que des infrastructures de base de qualité qui ont une forte incidence sur la réduction des inégalités, surtout parmi les couches les plus vulnérables, notamment le secteur informel, les femmes, les filles et les jeunes mais aussi d’augmenter, de diversifier et de transformer la production nationale.stimuler la production d’aliments et d’engrais, améliorer les systèmes alimentaires, soutenir les ménages les plus vulnérables et les producteurs vulnérables.pour renforcer la sécurité alimentaire et nutritionnelle
Le Combat