A la fin des travaux du 9e sommet du Forum sur la coopération sino-africaine qui s’est tenu du 4 au 6 septembre à Beijing , le Président de la Transition, chef de l’Etat, Son Excellence le colonel Assimi Goïta a accordé à l’ORTM, une interview exclusive dans laquelle il a les résultats de sa mission en Chine, la situation sécuritaire rassurante, les réformes politiques et institutionnelles, l’Alliance des États du Sahel, la lutte contre le terrorisme avec la mutualisation des moyens entre les 3 pays, le partenariat stratégique avec la Chine, le secteur privé… Bref, le chef de l’État a plaidé pour le changement, le renouveau, le Mali Kura dans la transparence, sans aucune concession à la corruption, à la concussion et à l’escroquerie, mais uniquement dans l’intérêt du peuple malien comme l’exigent les articles 34 et 35 de notre Constitution.
Il a appelé l’émergence d’un secteur privé national à l’abri de chantage et de manipulation extérieurs et à aider les opérateurs économiques maliens sérieux.
«Nos pays regorgent de ressources stratégiques. Nous ne sommes pas un pays pauvre. Toutefois, la clé de la porte de l’avenir est entre nos mains». Rien ne peut se bâtir, dit le président Goïta dans la facilité et la légèreté. A l’instar du peuple travailleur et discipliné de la Chine, notre pays à tout le potentiel, les ressources naturelles, les compétences et expertises… pour réussir. Reste unique la volonté, le mental à changer. Or, le président Assimi dit être convaincu que le Malien peut, lorsqu’il veut.
Nous avons transcrit pour vous l’interview qu’il a donnée en français à la télévision nationale, l’ORTM à l’issue des travaux du 9e sommet du Forum sur la coopération sino-africaine.
ORTM : Merci de nous rejoindre sur l’ORTM pour un entretien exclusif avec le président de la transition, qui achève son séjour ici à Beijing avec un agenda qui était assez dense.
Président Assimi : Monsieur le Président, bonjour.
Bonjour, merci d’avoir accepté cet entretien que nous réalisons depuis Beijing. Vous avez été reçu dès votre arrivée par votre homologue Xi Jinping. Que peut-on retenir de votre rencontre ?
Président Assimi : Merci. Tout d’abord, nous avons répondu à l’invitation du président Xi Jinping pour participer au 9e Forum du sommet Chine-Afrique, qui est une grande rencontre de partenariat entre la Chine et ses partenaires africains. En marge de ce sommet, nous avons été reçus par le président Xi Jinping pour faire le point sur notre coopération. La Chine et le Mali entretiennent des relations de fraternité qui sont vieilles de plus de 60 ans, et ces relations ne cessent de se renforcer davantage.
Ces relations portent, entre autres, sur les domaines de la défense et de la sécurité, de l’éducation, de l’agriculture et du secteur énergétique, pratiquement tous les domaines intéressants pour la vie de nos populations.
Nous avons fait le point sur cette coopération, et à la demande du président Xi Jinping, il a été décidé d’élever le niveau de notre partenariat à un partenariat stratégique. Cela a tout son sens. Pour y parvenir, nous avons décidé que les deux ministres des Affaires étrangères commencent à organiser une visite d’État au cours de laquelle nous allons définir les périmètres de notre partenariat stratégique. Nous avons également discuté d’un certain nombre de projets que nous devions finaliser, notamment le financement de Safo II, qui a été acquis. De plus, le président Xi Jinping a décidé d’offrir environ 22 milliards sans contrepartie au peuple malien. Une partie de ce montant sera orientée vers les sinistrés des différents cas d’inondation.
Un autre montant, en instance depuis 2018-2019, a également été accepté. Nous sommes parvenus à ressusciter ce financement destiné à la construction de la nouvelle Assemblée nationale et du centre de diabétologie. Cela représente environ 25 milliards de dollars. Nous tenons vraiment à remercier le président Xi Jinping pour cette donation.
Le plus important avec la Chine est que nous partageons aujourd’hui un certain nombre de principes et de valeurs avec la Chine, notamment le respect de la souveraineté de nos États, la prise en compte des intérêts de nos peuples et surtout la non-ingérence dans les affaires intérieures. Cela nous a permis de continuer à discuter et à explorer toutes les possibilités qui peuvent nous permettre d’avancer dans ce partenariat stratégique.
Monsieur le Président, vous avez également eu certains entretiens avec quelques homologues africains. De quoi avez-vous parlé ?
Avec les chefs d’État africains que j’ai rencontrés, nous avons largement parlé des questions sécuritaires. Comme vous le savez, nous faisons face aux groupes armés terroristes et, avec la porosité des frontières, aucun pays n’aura ni la politique nécessaire ni les moyens nécessaires pour faire seul face aux groupes terroristes. Nous devons donc mutualiser nos moyens et partager le renseignement pour lutter efficacement contre ces groupes armés terroristes. C’est dans ce cadre que j’ai échangé avec un certain nombre de présidents, notamment le président togolais.
Même si nous ne partageons pas la même frontière, nous devons travailler ensemble parce qu’ils sont frontaliers avec le Burkina Faso. Avec la Mauritanie, nous partageons les mêmes frontières, donc il était nécessaire de les rencontrer et de discuter avec eux pour que nous puissions élaborer la stratégie nécessaire et voir dans quelle mesure nous pouvons nous appuyer mutuellement pour lutter efficacement contre ces différents groupes armés terroristes.
Vous êtes à Beijing, comme nous l’avons dit, dans le cadre du FOCAC 2024, qui a été sanctionné par une déclaration et un plan d’action. Est-ce que le Mali se reconnaît il dans ces deux documents adoptés ici ?
Effectivement, nous adhérons totalement aux 10 axes de développement prônés par le président Xi Jinping. Ces 10 axes de développement concernent pratiquement tous les secteurs que nous avons évoqués, notamment la santé, la sécurité, l’éducation, l’agriculture, l’énergie, ainsi que l’environnement et le climat. Tous ces secteurs font partie de ces 10 axes, donc nous adhérons totalement au plan d’action de ces 10 axes.
Quatre conférences thématiques de haut niveau ont marqué ce forum. Vous avez pris notamment part à celle portant sur la gouvernance. Vous en êtes sorti avec quelle conclusion, Monsieur le Président ?
Cette thématique concerne la gouvernance, et la Chine et l’Afrique ont pris conscience de leur rôle et surtout de leur poids dans le cadre de la gouvernance mondiale. Comme vous le savez, la population africaine et la population chinoise représentent un tiers de la population mondiale. Aucune politique de développement, surtout en matière de gouvernance, ne peut se faire en dehors de ces deux. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé, avec la Chine, effectivement de travailler pour une meilleure gouvernance mondiale. Cette gouvernance ne peut pas être seulement réléguée de certains pays qui prétendent avoir le privilège de promouvoir la bonne gouvernance.
Au cours de cette réunion, il s’agissait de donner et de recevoir. Effectivement, nous avions aussi certaines bonnes pratiques que nous avons échangées avec les Chinois. Nous donnions et nous recevions, donc c’était un échange d’expériences au cours duquel nous avons discuté. Mais le plus important aujourd’hui est que la Chine et l’Afrique ont pris conscience de leur rôle à jouer dans le cadre de la gouvernance mondiale.
Vous êtes également président de la Confédération des États du Sahel. En a-t-il été question ici au cours de vos entretiens ?
Exactement. Depuis la création de la Confédération des États du Sahel le 6 juillet dernier, j’ai eu le privilège d’envoyer une lettre d’information à tous nos partenaires stratégiques, y compris la Chine. Au cours de notre audience avec le président Xi Jinping, nous avons parlé de la création de la Confédération des États du Sahel.
Nous avons également demandé son soutien politique et de nous aider dans le cadre de la sécurisation de nos différentes frontières. Je pense qu’il a été très ouvert et disposé à nous aider en fonction de nos demandes. J’ai aussi rencontré les différents Premiers ministres de la Confédération. C’était pour les rassurer et leur donner des orientations par rapport à notre position, qui est de toujours prôner la vérité en fonction de nos réalités et de nos besoins.
Nous avons des capacités, les trois pays, des ressources stratégiques. Par exemple, quand vous prenez le Niger, il a l’uranium, le pétrole et l’or ; le Mali a l’or, le lithium, le fer et le manganèse ; et le Burkina Faso a également de l’or et beaucoup de ressources stratégiques. Je pense qu’aujourd’hui quand nous arrivons à mutualiser toutes ces ressources stratégiques, nous pouvons promouvoir le développement que nous voudrions pour le bien-être de nos populations.
Dans votre agenda, figurait en bonne place une série de visites de certaines entreprises chinoises. En quoi c’était important pour vous de vous rendre dans ces différentes sociétés ?
Pour moi, la visite de ces différentes sociétés avait deux objectifs majeurs. D’abord, nous avons des contrats avec toutes ces entreprises. Il s’agissait non seulement de finaliser certains contrats en cours d’exécution, mais aussi de pouvoir renforcer ou valider un certain nombre de contrats que nous avons signés. Il s’agissait également pour moi de leur apporter un soutien politique, car il a été décidé avec le président Xi Jinping d’amener notre partenariat à un niveau stratégique. Il fallait les rassurer qu’ils avaient le soutien du peuple malien pour que nous puissions vraiment travailler pour renforcer davantage le niveau du partenariat.
Mais tout cela se fera dans un partenariat gagnant-gagnant. Nous ne sommes pas venus demander 100% de contrepartie. Nos pays égorgent des ressources stratégiques qui peuvent nous permetre de discuter avec n’importe quel pays dans un cadre de partenariat gagnant-gagnant. Nous sommes allés visiter ces entreprises non seulement pour finaliser certains contrats, mais aussi pour voir ce que nous pouvons faire ensemble à l’avenir. Ils ont des compétences que nous n’avons pas, et nous avons constaté beaucoup de capacités, notamment dans la construction de chemins de fer, la construction d’usines de fabrication d’explosifs et d’autres domaines.
Il s’agira de voir ce que nous pouvons faire ensemble, mais de les rassurer qu’à partir de maintenant, nous sommes à un niveau stratégique. Cela leur donnera le poids et la volonté nécessaires pour engager tout ce que nous pouvons faire ensemble.
Monsieur le Président, le clou de votre séjour a été la traditionnelle rencontre avec vos compatriotes établis ici en Chine. Quel était votre message à leur endroit ?
Nous avons institué que chaque déplacement dans n’importe quel pays, c’est de rencontre nos populations pour les saluer et saluer leur engagement par rapport à tout ce qu’ils ont fait pour la transition. Nous saluons également leur détermination parce que ce sont nos concitoyens qui contribuent effectivement au développement de notre pays. Donc, le minimum pour moi est de les rencontrer, de les saluer et de leur donner des nouvelles du pays pour les rassurer que nous sommes sur le bon chemin.
Au cours de cette rencontre, je leur ai expliqué tout ce que nous avons échangé comme séances de travail avec la partie chinoise. J’ai aussi donné des conseils pour respecter la loi du pays de résidence, ce qui nous permettra de les défendre dans beaucoup de leurs demandes.
Effectivement, ils ont évoqué un certain nombre de contraintes, et nous allons travailler avec les autorités au niveau des Affaires étrangères pour qu’ils soient à l’aise ici et leur donner un certain nombre de facilités leur permettant non seulement de se déplacer, mais aussi de pouvoir travailler dans de bonnes conditions.
Au terme de cette visite en Chine, vous rentrez à Bamako avec quel sentiment ?
Je suis satisfait de cette visite, parce que non seulement il a été décidé d’élever notre partenariat à un niveau stratégique, ce qui a tout son sens. Tout partira de là, comme si nous venions de commencer la coopération, par ce que ce sera une coopération franche et gagnant-gagnant.Tous les problèmes qui ont été évoqués par nos compatriotes ici et tout ce que nous voulons faire dans l’avenir je pense qu’à partir de cette visite nous allons relancer tout ceci. Il s’agira surtout, au cours de la visite d’État, de cibler des secteurs sensibles qui permettront de renforcer davantage l’épanouissement de nos populations. Tous les projets structurants qui peuvent non seulement promouvoir le développement du Mali, mais aussi assurer l’épanouissement et le bien-être de nos populations.
Merci, Monsieur le Président, d’avoir répondu à nos différentes questions.