Interview avec le Dr Sékou Fako Cissouma : « Aucun pays ne peut se développer sans un enseignement supérieur fort et responsable

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Dans une interview accordée à notre rédaction, le Docteur Sékou Fako Cissouma, Professeur à l’université et vice président de l’association des docteurs en Droit et sciences politiques du Mali, nous parle de son récent ouvrage intitulé « Droit Civil : les obligations au Mali » et publié aux éditions Edim. En plus de la portée de l’ouvrage, le professeur nous livre un diagnostic sans complaisance de la situation actuelle de l’enseignement supérieur. De l’Etat aux enseignants, en passant par les parents et étudiants, l’homme situe les responsabilités de tout chacun et propose des solutions concrètes.

 

Le Flambeau : Bonjour Professeur, qui est le Docteur Sékou Faco Cissouma ?

Docteur Sékou Faco Cissouma est un malien comme les autres. Ce qui sera intéressant, c’est de vous dire que je suis un « Miniaka » né à Koutiala. Jai fais tout mon parcours scolaire et universitaire chez nous jusqu’au diplôme d’études Approfondies dans l’école publique  malienne. C’est seulement, la thèse que j’ai fait à l’UCAD (Université Cheick Anta Diop de Dakar).  Depuis pratiquement 1992, j’enseigne. J’ai d’abord enseigné comme professeur d’enseignement technique professionnel au niveau secondaire et ensuite, après le diplôme d’études approfondies,  j’ai enseigné à l’université de Bamako.

 

Le Flambeau : Quelles sont les motivations qui vous ont poussé à écrire ce livre ?

Ce sont les motivations classiques de tout enseignant, c’est à dire sur la base de mon expérience personnelle.  Je me suis rendu compte que ce n’était pas aisé de réussir un bon cours sur la base d’ouvrages français et aussi les textes votés par notre Assemblée Nationale. Donc il m’a apparu nécessaire d’élaborer quelque chose pour faciliter la tâche d’apprentissage de nos étudiants et  également les tâches de préparation de cours chez nos jeunes collègues qu’on appelle communément assistants.

 

Le Flambeau : Quelle est la portée de cet ouvrage ?

D’un point de vue ‘’portée’’ quand même, c’est extrêmement intéressant au delà de ce que je viens de dire. En réalité, il  y a des points de vue par rapport à ce Droit des Obligations, les points de vue universitaires qui sont développés là-dans. Cet ouvrage m’a permis aussi de faire ressortir les lacunes surtout du texte malien c’est-à-dire le Régime Général des Obligations (R.G.O.). Si on prend déjà la responsabilité contractuelle à titre d’exemple, on s’aperçoit que le législateur malien a oublié les fondements même de la responsabilité contractuelle, en pensant par exemple par ses effets, ce qui n’est pas très logique. Je pense qu’après la parution de cet ouvrage, le législateur malien devrait revoir un tout petit peu ce texte là en améliorant.

 

Le Flambeau : De quoi traite-t-il et quel enseignement il est sensé donner ?

Ça traite du programme ordinaire du Droit des obligations c’est-à-dire premièrement la source, c’est –à-dire les obligations ont une source soit volontaire soit involontaire. Les sources volontaires c’est le contrat. Le contrat et la convention, comme on le dit généralement c’est la même chose. Mais au-delà de ces deux, il y a aussi l’engagement unilatéral, il y a ce qu’on considère aussi comme le quasi-contrat, ce n’est pas tout à fait le contrat, mais ça produit les mêmes effets que le contrat. C’est la gestion d’affaire, c’est la répétition de l’indu, donc, voilà on a traité ces aspects dans la partie source. Mais après, on a traité aussi le régime c’est-à-dire la transmission des obligations et l’exemption des obligations. Mais ce qui est originel dans notre démarche c’est que nous avons ramené à ce niveau la preuve. La preuve habituellement on la traite dans le programme de première année, mais cela ne me parait pas logique, parce que d’abord, d’un point de vue pédagogique on ne peut pas comprendre en première année et la preuve traite comme des preuves des obligations. En réalité, il faut d’abord étudier le Droit des obligations avant de le comprendre, c’est pourquoi la partie preuve met fin à notre étude.

 

Le Flambeau : Ce livre est-il destiné aux étudiants seulement ou bien ça concerne d’autres particuliers ?

Ce livre n’est pas destiné seulement aux étudiants, mais c’est eux que ça intéresse. Vous savez pourquoi ? D’abord ils ont l’ambition d’apprendre le Droit pour servir leur pays. Celui qui veut apprendre il faut l’aider, c’est pourquoi il s’adresse à eux en premier lieu. Au-delà des étudiants, ce document s’adresse aux professeurs et autres professionnels comme les magistrats, les huissiers, les notaires, les commissaires priseurs etc. En réalité, ils ont là, les règles de base de la compréhension même du Droit malien sur les obligations, qu’ils pourront naturellement enrichir sur la base d’autres ouvrages. Enfin, ce livre s’adresse au public en ce qui concerne le Droit des contrats. C’est un droit qu’on applique consciemment du matin au soir. Chacun de nous exécute au moins une dizaine de contrat sans le savoir. Il y a problème seulement lorsque l’application de ce contrat soulève d’autres difficultés et c’est en ce  moment qu’on essaye de saisir le juge ou, recourir à d’autres personnes. C’est donc dire que  ce Droit intéresse tout le monde et tout le monde l’applique d’où l’importance de cet ouvrage aussi bien pour les praticiens du Droit que pour le grand public.

 

Le Flambeau : Vos impressions sur l’état actuel de l’enseignement supérieur ?

Vraiment, en tant qu’acteur de l’enseignement supérieur, je pense que c’est très délicat, parce qu’au fond c’est très gênant. Ça fait beaucoup de peine, comme vous le remarquez, de parler sur l’état actuel de l’enseignement supérieur. Mais moi, je pense qu’il faudrait revoir plus profondément encore les choses, il faudrait interpeller les étudiants d’abord, qu’ils prennent conscience du fait qu’ils sont des apprenants et que leur tâche première c’est d’aller dans les amphis, c’est d’apprendre, ce n’est pas de s’intéresser à autre chose. Quant aux  professeurs, je voudrais  les faire comprendre qu’aucun pays ne peut se développer sans un enseignement supérieur fort et responsable. L’Etat également doit appuyer, accompagner les tâches d’enseignement et de recherche et surtout améliorer les conditions des professeurs de l’enseignement supérieur. Les enseignants doivent faire la production et ne plus se limiter aux brochures.  C’est vrai que la loi les considère, mais ce n’est pas l’essentiel. Les brochures ne suffissent pas, il faut aller aux ouvrages, il faut que les enseignants écrivent des articles et des livres.  Pour cela, l’Etat doit appuyer les initiatives de journaux et de revues scientifiques. L’Etat doit appuyer toutes les bonnes initiatives dans l’enseignement supérieur. Nos enseignants ne doivent pas trop courir derrière les heures supplémentaires, il faut prendre le minimum d’heures supplémentaires après les heures statutaires et de manière, à pouvoir consacrer l’essentiel du temps à la recherche et à l’écriture. Sans ça on ne va jamais se développer. Ce n’est pas possible. Il y a deux choses essentielles dans la vie d’une nation, qui veut se développer facilement. C’est d’abord, la presse qui dénonce tout, donc il faut avoir une presse universitaire responsable, la deuxième chose c’est l’enseignement supérieur sans ces deux éléments je ne vois pas comment une nation peut se développer. Ce n’est pas possible, donc j’interpelle les pouvoirs publics sur cet aspect. J’interpelle également tout le peuple malien car il y’a beaucoup de pratiques qui sévissent notre école avec la complicité des parents. Il faut que ces comportements cessent. Nos enseignants doivent se ressaisir et renforcer leurs connaissances. Les étudiants doivent prendre conscience et se mettre au travail. L’Etat doit plus se familiariser avec le monde universitaire et éviter les préjugés.

 

Le Flambeau : Vos impressions sur notre  presse universitaire ?

La presse universitaire vous voyez, je suis même gêné encore une fois. Parce que voilà des jeunes maliens qui ont pris une initiative à la place des autorités. La presse universitaire devrait être créée par le rectorat ou le ministère de l’enseignement supérieur. C’était à ces autorités de choisir les étudiants les plus brillants qui allaient animer avec des professeurs cette structure. Mais malheureusement, ce vide était-là et ces jeunes universitaires ont pris l’initiative de le combler. Donc je me dire que ce sont des jeunes responsables qui ont conclu leur devoir et qui sont entrain de l’assumer.  Je demanderais donc tout simplement au pouvoir public de les aider et de les assister notamment avec l’octroi d’un siège. Je sais ce que je dis, parce que j’anime une association qui à son siège au même endroit que le journal  “ Le Flambeau“.  Donc il faudrait d’abord aider ces jeunes là à obtenir un siège digne des services qu’ils rendent à l’université voire à la nation, ensuite à leur faciliter des bourses de formation. Je leur félicite pour leur initiative tant en les souhaitant vraiment beaucoup de chance et de réussite dans leurs activités.

 

Le Flambeau : Merci pour tous ces mots à notre endroit. Votre dernier mot ?

Mon dernier mot, serait un peu de revenir à l’ouvrage lui-même. Au-delà de tout ce qui a été dit au lancement, les interviews accordées à la presse et les entretiens, cet ouvrage regorge de nombreuses notions en la matière. J’invite alors tous les maliens à le lire et surtout à l’acheter. L’acheter oui, mais pas à travers les photocopies car la photocopie tue le livre. Je remercie tous ceux qui m’ont soutenu dans ce projet, ainsi que tous les collègues et amis venus me réconforter par leur présence à la cérémonie de dédicace.

 

Propos Recueillis par  SEYDOU KARAMOKO KONE


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