Native de Dravela (Bamako), Inaïssa Touré est une actrice-comédienne. Elle a joué sur plusieurs scènes et a participé à plusieurs films. Aujourd’hui, avec l’embargo de la Cédéao et l’Uémoa, le secteur de l’art, déjà à l’agonie depuis 2012 avec l’insécurité au Mali et la pandémie à Covid-19, se meurt. Optimiste, Inaïssa incite les autorités à soutenir les artistes maliens.
Mali Tribune : Pourquoi actrice et comédienne ?
Inaïssa Touré : Le théâtre. Quand tu vois une personne qui travaille sur la scène, on les appelle des comédiens ou acteurs de théâtre. Le comédien travaille avec un metteur en scène et avec un texte écrit par un dramaturge. Après ça vient le travail de la scène avec les autres corps du métier (cinégraphie, costume, maquillage etc.). Le théâtre se déroule sur scène spécialement conçue pour les spectacles vivants à ciel ouvert ou dans une salle. Le théâtre se vit. Il y a un public, il y a un acteur, une pièce mono ou une troupe théâtrale. Il n’y a pas de barrière entre un comédien et son public. Par contre, entre un acteur et son public, il y a la caméra. Il y a beaucoup de gens qui ignorent beaucoup de travaux avant que le produit fini au cinéma. Il y a le casting, le tournage, le repérage, le découpage technique. Après tout ça vient le moment du tournage. Sur le plateau du tournage, il y a les acteurs, le réalisateur, un scripte, beaucoup de personnes travaillent pour donner un produit fini. Le théâtre se vit alors que le cinéma a une barrière. La caméra. On filme, on monte et après on diffuse. Le théâtre n’est pas à diffuser. C’est quelque chose qui se vit. On appelle les théâtres, les spectacles vivants. Bref, je voulais faire du cinéma pendant les études, à défaut d’école de cinéma, j’ai fait du théâtre. C’est pourquoi, j’ai été attirée par les deux en même temps.
Mali Tribune : Comment se porte le 7e art au Mali?
I T. : Personnellement, je me dis qu’on a du chemin à faire. Le cinéma demande beaucoup de moyens. Or ici au Mali, il y a un problème de financement. Il n’y a pas mal de jeunes scénaristes au Mali qui ont des projets qui dorment pour faute de moyens. Par finir, le découragement les prend et le projet finit par tomber dans l’eau. Par contre, il n’y a pas mal de subventions au Burkina pour les gens qui travaillent dans ces milieux. C’est pourquoi on a beaucoup de séries et de longs métrages burkinabés. Le Mali et le Burkina ont pourtant les mêmes réalités. Les artistes au Burkina arrivent à sortir leur tête de l’eau au moment où au Mali nous sommes toujours à la case de départ.
Mali Tribune : Le Mali fait face à plusieurs obstacles pour l’épanouissement du secteur de l’art. L’insécurité, la Covid-19 et maintenant l’embargo. Comment traversez-vous cette période ?
I T. : Pour nous comme pour beaucoup d’autres secteurs. Particulièrement, nous souffrons beaucoup. Quand on est artiste, on est appelé à sortir, à voyager partout dans le monde. En somme, l’insécurité au Mali, la Covid-19 et l’embargo ont réellement impacté et négativement notre milieu. Ces obstacles, surtout l’embargo sur le Mali, a freiné pas mal de projets artistiques pour nous les débutants mais aussi pour les vétérans. Certains ont eu des dates de projet reportées ou carrément annulées.
Or nous ne savons pas faire d’autres choses que ça. Au mois de novembre, j’étais en France avec une de mes pièces, après le spectacle, j’ai eu pas mal de promesses de contrats. J’ai même réussi à signer quelques contrats, mais à cause de la situation du pays et de la pandémie, on s’est retrouvé au début avec des dates reportées. Et un beau matin on se réveille, on a des mails qui nous disent que finalement, qu’on ne peut faire venir votre spectacle. À cause de la situation du pays.
Mali Tribune : Quelle lecture faites-vous du secteur de l’art au Mali ?
I T. : Je peux dire qu’on attend juste la bonne personne. On montre de l’or à celui qui sait le reconnaître. Nous avons eu des ministres de la Culture sans dénigrement, il n’y a pas eu beaucoup de changement. Nos attentes n’ont toujours pas été répondues. Il faut une personne qui connaît vraiment nos problèmes, qui sera devant les artistes et qui plaidera notre cause. Il faut quelqu’un qui a évolué et qui continue vraiment à évoluer dans notre milieu. Peut-être que cette personne sera la solution. Il faut que l’Etat aide les artistes avec des subventions et l’assistance.
Mali Tribune : Quel est l’avenir de l’art au Mali dans les prochaines années?
IT. : J’ai toujours été positive et optimiste. J’ai foi en nos talents, nos aînés et au pays. Je sais que tôt ou tard, dans 10 ou 15 ans, le Mali regagnera sa place. Sur le plan international, le Mali était premier. Aujourd’hui nous ne sommes pas parmi les 10 premiers. Le Mali ne peut pas faire deux grosses productions. C’est très difficile. Raison : tous les artistes du domaine ont un deuxième métier. Moi je suis styliste et j’ai ma marque (Dravela).
Propos recueillis par
Koureichy Cissé