Idrissa Ly, président de la commission en charge de la problématique des boosters à l’AMRTP : “Plus de 640 boosters ont été démontés depuis le début de l’opération”

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“Tant que les boosters resteront allumés, les réseaux téléphoniques seront toujours perturbés”

Idrissa Ly, directeur du département des postes à l’Autorité malienne de régulation des télécommunications et des postes (AMRTP) et président de la commission en charge de la problématique des boosters nous a accordés, le vendredi 17 février dernier, une interview exclusive par rapport à l’opération en cours de démontage (démantèlement) des boosters dans certains endroits de la capitale. De cet entretien, il ressort que durant cette descente sur le terrain, ce sont plus de 640 boosters qui ont été démontés. Aussi Ly tire-t-il la sonnette d’alarme sur la prolifération de ces appareils dans le district de Bamako, mais aussi à l’intérieur du pays.

Aujourd’hui-Mali : Qu’est-ce qu’un booster et en quoi cet appareil peut-il influer sur la qualité du réseau téléphonique ?

Idrissa Ly : Les boosters sont un kit d’appareils constitué d’une antenne, d’un modem ou rooter plus un amplificateur, importé depuis un certain temps, dans notre pays, par certaines personnes, avec l’intention première d’améliorer la qualité des réseaux de communication dans leur environnement.

Ainsi, l’AMRTP étant une structure technique qui a pour mission de veiller, entre autres, sur la qualité des réseaux, a reçu des informations selon lesquelles des commerçants du Grand marché ont du mal à avoir une bonne qualité du réseau. Comme nous avons des outils techniques, nous sommes partis faire le constat sur le terrain et nous nous sommes rendus à l’évidence que le réseau n’était pas de bonne qualité. Il fallait donc chercher les raisons et aussi collecter des informations auprès des opérateurs.

Au terme de tous ces renseignements, il a été établi qu’un appareil importé par les commerçants maliens, appelé “booster”, est à la base de la détérioration aggravée de la qualité du réseau au Grand marché. Car des commerçants ont fait recours à ces appareils, qui, au lieu d’améliorer la qualité des réseaux, sont devenus un brouilleur de réseau. Ces appareils nuisent aux bandes de fréquence parce qu’ils émettent des signaux de façon exagérée, incontrôlée. Et les canaux par lesquels les communications doivent passer sont entièrement obstrués.

Il est évident que le réseau n’est pas de bonne qualité au Grand marché. La responsabilité incombe-t-elle aux opérateurs ou aux boosters ?

Les constats que nous avons faits par rapport à la qualité des réseaux au Grand marché sont de plusieurs ordres. Quand les installations premières des opérateurs ont été faites, il n’y avait pas autant d’usagers dans le même rayon : il y a eu un phénomène de surpopulation dans ces zones. A cet effet, plus les sollicitations sont nombreuses, plus cela joue sur la qualité du réseau. Ensuite, l’urbanisation au sein du marché a beaucoup évolué : des nouveaux immeubles de plusieurs étages ont poussé. Ces bâtiments, dans leur positionnement, constituent des écrans aux signaux envoyés par les pilonnes et autres installations des opérateurs.

Troisième raison, de plus en plus nous sommes en train de passer de petite génération à grande génération de réseau. De la 2G, nous sommes à la 4G et plus on va vers les larges bandes, plus les infrastructures demandent à être consolidées car, les usages deviennent plus forts, tout comme les consommations, ces exigences se sont retrouvées ensemble au même moment et au même espace.

En somme, tous ces facteurs sont suffisants pour impacter la qualité des réseaux qui est défectueuse au Grand marché. Et les boosters sont venus anéantir le reste car, si l’objectif de ces appareils était d’amplifier ces réseaux, ils ont malheureusement produit l’effet contraire (brouillage).

Est-ce que les réseaux de toutes ces sociétés de téléphonie de la place sont concernés ?

A notre niveau, on ne parle pas d’un opérateur, on parle du réseau en général car, ces opérateurs utilisent des bandes de fréquences qui leur sont affectés et ces fréquences dans leur exploitation rencontrent un intrus qui s’appelle booster qui nuit au bon fonctionnement des bandes de fréquence ; donc les trois opérateurs sont concernés par le même phénomène.

A quand date l’introduction de ces boosters au Mali ?

Il y a au moins deux ou trois ans car nous l’avons constaté cela fait deux ans. Vous savez, nos commerçants voyagent beaucoup, ils s’informent beaucoup certainement. Ils ont vu ça ailleurs, ils ont introduit de façon illégale ces appareils au Mali, ils ont installé ces boosters sans respecter la procédure en la matière. Il faut aussi préciser qu’il y a des appareils électroniques dont l’importation et l’utilisation doivent obéir à des règles, et les boosters en font partie. Il y a des textes qui précisent que les conditions d’importation et d’utilisation de ces appareils doivent se reposer sur une autorisation délivrée par l’AMRTP. Ce n’est pas tout : ces appareils doivent être homologués par notre structure. Il n’y a pas un seul booster que nous avons démantelé au Grand marché qui répondait à ces exigences. D’ailleurs, pour que nous puissions traiter la question des boosters de façon globale et concertée, nous avons écrit à la direction générale du commerce, de la concurrence et de la consommation. Nous avons demandé son soutien pour qu’on puisse faire face ensemble à cette problématique car ce n’est pas nous qui délivrons les intentions d’importation de ces appareils.

Aussi, ce n’est pas l’AMRTP qui surveille le marché. Ce sont des commerçants qui font ce travail et ils relèvent de la DGCC. La DGCC nous a fait savoir qu’elle ne connait pas ces appareils et nous avons été obligés de leur envoyer des exemplaires. La DGCC nous a affirmés qu’elle ne connaît pas les textes qui régissent ces appareils, nous avons aussi mis des documents à sa disposition. L’idée pour nous, c’est de faire en sorte qu’on puisse évoluer en synergie avec ces structures afin que nous puissions faire face au problème.

Après la DGCC, nous avons rencontré la Chambre de commerce et d’industrie du Mali (CCIM) qui est la faitière des commerçants. A la Chambre, nous avons aussi donné des explications et rencontré également l’Association des commerçants voyageurs du Mali autour de la même problématique. La commission que je préside à l’AMRTP a eu aussi des séances de travail avec les douanes du Mali. Nous leur avons fait savoir que nous ne savons pas comment ces appareils rentrent sur le territoire national, car des textes nationaux précisent qu’ils nuisent même à la sécurité du pays et à la qualité des réseaux.

Nous avons demandé leur appui pour qu’on puisse stopper l’importation de ces appareils. Mais, nous avons été aussi surpris de constater que les douaniers aussi ne connaissaient pas ces appareils. Nous leur avons donné toutes les informations nécessaires se rapportant à ces boosters, en envoyer un exemplaire. Juste pour vous dire que nous avons eu une approche globale avec les commerçants, les structures étatiques. Nous avons même tenu une réunion de haut niveau où les premiers responsables des structures que je viens de citer ont été conviés sans oublier la police qui était représentée.

A l’issue de cette réunion, nous avons décidé de mettre sur pied deux grands types d’actions ; à savoir : l’information et la communication ;  ce qui nous a permis de tenir des assemblées au Grand marché sur la question des boosters.

La deuxième action porte sur le démantèlement de ces appareils, car tant qu’ils ne sont pas démontés, le travail de correction, quelle que soit son ampleur ne pourra pas donner l’effet escompté et la qualité du réseau ne pourra pas être bonne. C’est pourquoi, nous avons engagé cette opération de démontage.  Aussi, à côté de cela, il faut qu’il y ait des mesures fortes pour empêcher l’importation de ces produits sur notre territoire national car, tant que ces produits vont rentrer, ils seront vendus et installés.

Est-ce qu’au-delà du Grand marché, on trouve ces appareils dans d’autres endroits de la capitale ?

Le constat que nous avons fait est que les boosters ne sont pas seulement dans le district de Bamako. Ils sont aussi et surtout à l’intérieur du pays. Du coup, il faut accélérer le processus de démantèlement. Le Grand marché est un nid infesté de ces appareils, ensuite il y a le marché Dibida avec tous ses environs Bamako-Coura, Bolibana, Ouolofobougou. Après le Grand marché, il y a également les zones comme Bagadadji, Bozola et même Niaréla qui sont concernées. Ce, sans oublier le marché de Médine communément appelé “Sugunikoura” et une partie de Sébénicoro.  De nos jours, les Halles de Bamako sont également concernées par le phénomène.

La particularité de cet endroit, c’est qu’il est proche de la zone aéroportuaire. Il nous a été signalé que ces appareils peuvent perturber les signaux dans la zone aéroportuaire. C’est pourquoi, il est impératif de trouver une solution à ce problème.

Peut-on savoir depuis quand l’opération de démantèlement a commencé, comment elle est menée ?

L’opération a commencé le lundi 6 février 2023. Elle a démarré avec les équipes techniques de l’AMRTP, les huissiers de justice qui font le constat, des gabiers qui savent monter ou dévisser ces appareils et aussi la police. Nous avons constitué 5 équipes de démantèlement, chacune conduite par un responsable de l’AMRTP. Si nous faisons la zone X, c’est le commissariat relevant de cette zone qui mobilise les policiers pour nous épauler. Chaque jour avant de descendre sur le terrain, nous faisons une réunion de briefing pour voir comment faire le quadrillage du terrain.  Nous avons fait une semaine plus un jour de démontage au Grand marché et nous avons bouclé cette étape le jeudi 16 février avec le marché Dibida et nous allons poursuivre avec les autres endroits dans les jours à venir.

Du Grand marché au marché à Dibida, vous avez démantelé combien de boosters au total ?

Nous avons pu démonter environ 640 boosters au Grand marché, au marché Dibida et la zone Bozola-Bagadadji. Quand nous parlons de boosters, il y a l’antenne, le modem et l’appareil amplificateur aussi…

Est-ce qu’après le démantèlement, les auteurs de ces installations sont interpellés ?

Dans cette phase, nous n’avons pas voulu aller dans une opération conflictuelle. Dans le contexte actuel, tant qu’il n’y a pas d’obstruction par rapport au démantèlement de ces appareils, les promoteurs n’encourent rien. Ce qui nous intéresse, c’est de récupérer ces appareils avec constat d’huissier. Aussi, nous voulons que l’information passe par rapport à la dangerosité de ces appareils également.

En revanche, si on tombe sur quelqu’un qui ne veut pas obtempérer, on lui délivre une convocation car, chaque équipe est munie de convocations et l’intéressé va répondre devant le commissariat. Heureusement que nous n’en avons pas, à ce jour, délivré beaucoup. Nous ne voulons pas, en musclant la stratégie, créer des foyers de tensions pour la simple raison que l’action vigoureuse peut être dissuasive mais à un moment donné, elle peut aussi nous échapper. Toujours dans cette opération nous voulons évoluer en deux phases, la sensibilisation-adhésion et la phase suivante, la répression-sanction.

Avant cette phase qui pourra commencer après l’opération de démantèlement, nous serons obligés de faire une autre campagne d’information pour dire que ceux qui vont importer, installer ces appareils se mettront hors la loi et la loi est aveugle et nous serons obligés de faire des opérations coup de poing.

Etes-vous satisfait du déroulement de l’opération sur le terrain ?

En tant que coordonnateur de ces opérations de démantèlement, ce n’est pas le nombre de boosters saisis qui est important mais l’esprit de l’opération. Car, au début de l’opération, nous avons fait un saut dans l’inconnu pour la simple raison que nous nous sommes dits que faire une opération avec les policiers au Grand marché était vraiment osé et risqué. Nous étions hantés par un risque de soulèvement, d’opposition de certaines personnes. Ma satisfaction vient du fait que la sensibilisation a marché car les gens ont compris le problème et nous n’avons pas eu d’opposition en tant que tel.

Et je me rappelle très bien la première rencontre que nous avons tenue à la CCIM avec les représentants des commerçants. Cette réunion a été très houleuse car des commerçants ne croyaient même pas que les boosters pouvaient être un problème pour la qualité du réseau. Par contre, pour eux, ils étaient plutôt la solution. Il y a certains commerçants qui disaient lors de cette réunion que ces boosters n’allaient pas être démontés pour la simple raison que les opérateurs n’ont pas été à la hauteur et que nous nous sommes rendus complices de ces entreprises. Donc, la situation était tendue.

Par contre le constat qui s’est dégagé, depuis que nous avons commencé cette opération de démantèlement, est encourageant. Les gens ont été pacifiques et coopératifs à notre égard sur le terrain et ma satisfaction vient de là. Il y a des commerçants mêmes qui nous ont aidés à dénicher ces appareils dans les marchés. D’autres ont même donné gratuitement de l’eau, lors de l’opération, à nos équipes. Des commerçants ont aussi témoigné que depuis que nous avons commencé à démonter ces appareils, la qualité du réseau a commencé à s’améliorer dans leurs zones. Autre motif de satisfaction, c’est que les équipes que nous avons constituées étaient dynamiques car certains ont escaladé des immeubles de six ou sept étages et ont fait le tour des boutiques pour retrouver des boitiers cachés de ces boosters.

En tant que régulateur, est-ce que vous avez connaissance des initiatives prises par les opérateurs pour améliorer la qualité du réseau parce que tout le problème se trouve à ce niveau ?

Honnêtement, tout le travail que nous faisons, c’est en coordination et en collaboration avec les opérateurs. Parce que nous ne sommes pas chargés d’installer les infrastructures, aussi les réseaux appartiennent à des opérateurs, nous faisons des réunions ensemble. Au départ, nous leur avons dit de faire des investissements dans ces zones, notamment dans le Grand marché pour améliorer la qualité des réseaux. Ils ont fait de gros investissements. Pour preuve, je connais des opérateurs qui avaient deux ou trois pilonnes mais qui, de nos jours, ont installé plus de 10 pilonnes dans le Grand marché et au marché Dibida pour améliorer la qualité du réseau.

Quand ils ont fait ces investissements, ils ont fait en même temps des essais qui n’étaient pas concluants, compte tenu de la présence de ces boosters. Il est établi que tant que ces boosters resteront allumés, les réseaux seront toujours perturbés au Grand marché et environs. En clair, je ne pourrais pas dire le montant qui a été investi, mais je sais qu’il est colossal. Ces opérateurs ont fait ces investissements dans leur intérêt et celui des clients car quand les clients du Grand marché n’arrivent pas utiliser leur téléphone, c’est un manque à gagner pour ces opérateurs-là.

Aussi, quand nous démantelons ces boosters, les opérateurs passent sur le terrain pour faire des tests et procéder à la correction du réseau. C’est vrai que c’est la défaillance des réseaux qui a créé ces conditions mais aujourd’hui, ils en ont pris conscience et ont investi en retour.

Avez-vous un appel à lancer surtout à ceux qui continuent toujours d’utiliser ces boosters ?

Je voudrais appeler ceux qui utilisent ces boosters au civisme et à la vigilance car, nous sommes tous heureux de pouvoir communiquer, d’avoir une meilleure qualité du réseau.

Nous ne disons pas que notre opération est la solution prêt-à-porter pour résoudre ce problème mais nous estimons que la désinstallation ou la non utilisation de ces boosters est la seule solution qui tienne aujourd’hui. Nous demandons à ceux qui importent ces appareils d’arrêter ce commerce, sinon, ils répondront de leur acte, car il va de l’intérêt général.

Propos recueillis par Kassoum Théra

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Dr Hamady dit Hadi Cissé du département réseau infrastructure à l’AMRTP :

“Il ne revient pas aux usagers de porter les corrections sur les réseaux”

Dr. Hamady dit Hadi Cissé du département réseau infrastructure à l’AMRTP, soutient que leur service est là pour surveiller la qualité du service des réseaux. A cet égard, il ajoute que s’il y a des problèmes à ce niveau ce n’est pas aux usagers de trouver une solution.

Le rôle des usagers c’est de nous signaler ces défaillances des réseaux et c’est à l’AMRTP de prendre des dispositions nécessaires pour la correction des mauvaises qualités et non les usagers. Donc nous sommes disponibles pour tout signalement.

Nous avons des équipes performantes qui ont des équipements adaptés pour surveiller sur la qualité des réseaux et obliger les opérateurs à les corriger”, a précisé Dr. Cissé.

Avant d’ajouter qu’avec l’opération en cours, ils se sont concentrés d’abord sur la phase de démantèlement avec pour seul objectif de corriger la qualité défectueuse du réseau. Cependant, il a aussi ajouté que dans un second temps, ils vont se mettre en synergie avec la DGCC, les douanes pour empêcher l’importation et l’utilisation de ces appareils. Et les récalcitrants à ces mesures feront face à la loi, a-t-il averti.

K. Théra

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