Ibrahima Tounkara, chef de la sous-délégation du CICR à Kidal : «Le CICR est l’un des rares acteurs humanitaires internationaux à maintenir une présence continue à Kidal»

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Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR)
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR)

Dans l’interview qui suit, Ibrahima Tounkara, chef de la sous-délégation du CICR à Kidal, nous parle du redéploiement, des opérations et des perspectives du CICR dans la région de Kidal. Bonne lecture.

Où en est-on avec le redéploiement et des opérations du CICR dans la région de Kidal ?

La présence et les activités du CICR ont sensiblement évolué ces derniers mois, notamment dans le domaine de la santé, avec l’arrivée d’une équipe médicale CICR spécialisée dans la prise en charge des blessés de guerre, composée de trois expatriés et de trois employés nationaux, en renfort du personnel du Centre de santé de référence (CSRef). Une mission d’évaluation en soins de santé primaires est en préparation pour le cercle de Tessalit. Les résultats de cette évaluation nous permettront de mieux définir nos actions futures dans ce domaine. Les autres départements sont également en plein renforcement et la dynamique va se poursuivre tout au long de cette année. Enfin, nos locaux sont en extension, ce qui indique bien les ambitions du CICR dans la région.

Quelle est la situation humanitaire dans la ville de Kidal et dans la région ?

L’environnement humanitaire à Kidal et dans sa région reste marqué par la rareté de l’eau. Les populations passent des journées entières à la recherche de cette denrée précieuse pour leur consommation et autres besoins domestiques. L’impact sur le bétail n’en est pas moins dramatique. Dans certaines localités, le cheptel en fait les frais avec des cadavres d’animaux signalés à Abiyou, Tassik, Agharouss, Intibzaz… La rareté du pâturage rend également problématique la disponibilité des aliments bétail, pourtant essentiels. Située en zone désertique, Kidal ne bénéficie pas non plus de conditions favorables pour le développement des activités agricoles. Par conséquent, les populations font face à d’énormes difficultés liées aux effets conjugués du conflit et des conditions climatiques particulièrement difficiles. Par ailleurs, en raison de la situation conflictuelle, le départ du personnel de santé a sérieusement affecté le fonctionnement des structures de santé de la région, rendant difficile l’accès aux soins de qualité pour la population. Nous notons enfin une faible présence d’acteurs humanitaires d’envergure à Kidal.

Qu’en est-il de la situation au Centre de santé de référence (CSRef) de Kidal ?

En dépit des multiples contraintes, nos efforts collectifs depuis plusieurs mois ont permis de faire des progrès. Nos équipes ont terminé la phase de réhabilitation du bâtiment du Centre de santé de référence (CSRef), y compris les installations électriques, le système d’adduction d’eau et la climatisation. Le bloc opératoire et l’équipe médicale du CICR sont également opérationnels. À ce jour, plus d’une douzaine d’interventions chirurgicales ont été réalisées. Nous avons également enregistré une trentaine d’accouchements dans de meilleures conditions et environ un millier de consultations, avec une cinquantaine d’hospitalisations, incluant des cas de blessés de guerre consécutifs aux affrontements armés survenus dans le Nord du pays. Ce soutien du CICR assure la gratuité des soins pour les cas d’hospitalisation, des femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans. Parallèlement, une cinquantaine de personnes ont été recrutées sur place pour renforcer le personnel du CSRef.

Quels sont les autres domaines d’intervention du CICR à Kidal ?

Dans le domaine hydraulique, nous appuyons le système d’adduction d’eau avec la mise à disposition de groupes électrogènes assurant le fonctionnement des huit forages que compte Kidal, facilitant ainsi l’accès à l’eau à environ 17.000 personnes de la commune. Nous envisageons d’étendre ces facilités à Tessalit. Il faut signaler que, dans ce contexte désertique, l’accès à l’eau revêt un caractère particulier. Nous apportons également un soutien aux agriculteurs et éleveurs à travers les campagnes de vaccination, la construction de puits pastoraux et maraîchers et la distribution d’aliments bétail. Au cours du premier semestre, près de 3.000 éleveurs ont bénéficié de cette campagne qui a permis de vacciner quelque 275.000 têtes de bétail contre la clavée, le charbon bactéridien et la peste des petits ruminants. Nous donnons des conseils et du matériel aux agriculteurs. À travers le programme de rétablissement des liens familiaux, mis en œuvre en partenariat avec la Croix-Rouge malienne, nous aidons des membres de familles séparés par le conflit à renouer le contact et à échanger des nouvelles. Enfin, nous poursuivons nos efforts de sensibilisation de différents publics, y compris les membres de groupes armés, sur le Droit international humanitaire (DIH), le respect et la protection de l’action humanitaire neutre et impartiale.

Quelles sont les contraintes auxquelles les humanitaires font face dans cette région ?

L’environnement sécuritaire très incertain explique pour beaucoup l’absence d’acteurs humanitaires d’envergure dans cette région. L’insécurité sur certains axes routiers est malheureusement toujours d’actualité, de même que la présence d’engins explosifs, communément appelés (IED), qui continuent à faire des victimes. Par conséquent, le CICR est l’un des rares acteurs humanitaires internationaux à maintenir une présence continue à Kidal depuis plusieurs années, en dépit des incidents de sécurité dont il a été victime. La pluralité des acteurs et la dynamique que le conflit a connue dans la région rendent complexe la gestion de la sécurité et limitent la mobilité des acteurs humanitaires.

Des perspectives ?

Nous suivons de près la dynamique suite à la signature de l’accord pour la paix et espérons qu’elle aboutira à la mise en place de meilleures conditions de vie pour les populations doublement affectées par les effets conjugués des conditions climatiques particulièrement difficiles et le confit armé. Pour sa part, le CICR entend poursuivre son soutien dans les domaines de la santé, de l’accès à l’eau et à la nourriture… Nous allons notamment renforcer notre soutien au Centre de santé de référence (personnel, médicaments, matériel…) ; poursuivre nos efforts de facilitation de l’accès à l’eau pour les populations ainsi que notre soutien à la vaccination des animaux et la distribution d’aliments bétail. Un accent sera également mis sur l’accompagnement des populations à reprendre leurs activités génératrices de revenus. Je n’oublie pas le renforcement en cours de notre personnel, avec des recrutements supplémentaires et l’arrivée d’autres expatriés.

(Source : CICR bureau Mali)

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