Ibrahima Sangho à propos de l’organisation de l’élection présidentielle : «Nous pensons que les dysfonctionnements constatés n’ont pas entamé sa sincérité, sa transparence et sa crédibilité»

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Une première dans l’histoire des élections au Mali ! Le scrutin présidentiel, dans le contexte de la crise aiguë qui a frappé le pays, a mobilisé plusieurs acteurs de la société civile, dont le réseau APEM. Ce dernier, fort de ses expériences en matière d’appui au processus électoral, a innové cette fois-ci pour donner au scrutin présidentiel une touche citoyenne particulière. Suivons l’entretien que son président Ibrahima Sangho a bien voulu nous accordée.

 

Ibrahima Sangho, président APEM
Ibrahima Sangho, président APEM

Pouvez-vous  présenter le Réseau APEM à nos lecteurs ?

Le Réseau Apem a été créé le 3 novembre 1996, et a été agréé par le gouvernement malien à travers le récépissé n°915/ MATS/ DNAT obtenu auprès du ministère de l’Administration territoriale et des Collectivités locales, le 27 novembre 1996. Il regroupe actuellement 52 associations et ONG parmi les plus représentatives dans les domaines de la défense des droits de la personne humaine, du développement humain durable, de l’Etat de droit et de la démocratie, qui ont décidé d’unir leurs efforts afin de contribuer de manière efficiente à la réussite de la démocratie, de la bonne gouvernance, du processus électoral, ainsi que des questions liées au  suivi, à la supervision et à l’observation citoyenne des élections.

 

Quel était l’état du processus électoral à la veille du scrutin du 28 juillet 2013 ?

Malgré les efforts et innovations, le Réseau Apem constate toujours des défis qui interpellent tous les acteurs. Il s’agit : de la sécurisation du scrutin, des risques de fraude ou tentatives de fraude ; des risques de violence avant, pendant, et après le scrutin ; de la confiance entre les acteurs, de la mobilisation et de la participation massive au scrutin, de l’immixtion de certains leaders religieux en faveur d’un ou des candidats et enfin de la sécurisation du stock de cartes Nina non personnalisées et de celles non retirées.

 

 

Le Réseau a mis en place un Pôle d’observation électorale citoyenne (POCE) pour observer le processus électoral, quel est l’esprit  de cette initiative?

 

Effectivement, pour accompagner le gouvernement de transition dans l’organisation et la mise en œuvre des élections présidentielles de 2013,  le Réseau Apem a mis en place un Pôle d’observation électorale citoyenne (POCE)  pour observer le processus à temps réel dans l’ensemble des bureaux de vote couverts. Le Pôle d’observation citoyenne électorale était constitué par une chambre technique,  une chambre intermédiaire et une  chambre politique. La Chambre technique était chargée de recueillir et de remonter les informations et les données envoyées. La Chambre intermédiaire, composée d’analystes genre et handicap, juridique, électoral, politique et média, avait pour mission d’analyser les données et informations reçues de la chambre technique pour la production d’un rapport détaillé.  Quant à la Chambre politique, elle était investie des missions de saisine des responsables des organes de mise en œuvre du processus électoral.

 

 

Au total, le POCE  était constitué de 27 jeunes de l’équipe de Veille et d’Analyse (EVA) ; de 7 personnes de l’équipe du plateau question/réponse ; de 7 personnes de l’équipe médias et réseaux sociaux,  pour la chambre technique ; 16 experts pour la chambre intermédiaire et 40 personnes ressources pour la chambre politique ; 60 Organisations nationales de la Société civile  dont 52 associations et ONG membres du Réseau Apem. Elle a procédé à l’évaluation du processus électoral au Mali sur la base de l’analyse du contexte politique, de la période préélectorale et électorale, des informations et constats des rapports d’évaluation préélectorale sur le dépôt des dossiers de candidatures et les campagnes électorales, fournis par les superviseurs, les observatrices et les observateurs compétents répartis sur l’ensemble du territoire.

 

 

 

Quels sont vos motifs de satisfaction ?

Il y a d’abord, l’élaboration et l’adoption d’un code de bonne conduite par lequel les candidats à l’élection présidentielle se sont engagés à respecter le verdict des urnes sous réserve de leur droit d’utiliser les voies de droit qui existent ; l’instauration et le maintien d’un climat de dialogue politique constructif pour la paix et la stabilité. Aussi, l’adhésion unanime des acteurs politiques au fichier du Recensement administratif à vocation d’état-civil (RAVEC) et leur détermination commune à aller aux élections en dépit de ses insuffisances connues. La sécurisation du droit de l’électeur à travers l’introduction de la biométrie. Il faut signaler aussi que la campagne électorale a été pacifique et avec la présence massive d’observateurs nationaux et internationaux. Au total, la bonne tenue du scrutin démontre à suffisance que des défis majeurs ont été relevés, malgré la persistance de quelques dysfonctionnements.

 

 

Quels enseignements le Réseau Apem a tirés du processus ?

Une nette amélioration de l’organisation du scrutin par rapport au premier tour, la sécurisation du processus, le déroulement de la campagne dans un climat apaisé, la participation remarquée des jeunes, des femmes et personnes vivant avec un handicap au scrutin. Aussi, le délai trop court de l’entre deux tours du scrutin, la bonne couverture médiatique et l’implication satisfaisante de la société civile dans l’éducation civique et la sensibilisation électorale. Autre enseignement, l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et des statistiques comme outils de transparence dans la gestion du processus. Nous pensons que les dysfonctionnements constatés n’ont pas entamé sa sincérité, sa transparence et sa crédibilité. Le scrutin s’est déroulé conformément à la loi, aux règlements et aux normes internationales généralement admises.

 

 

 

Quelles sont les grandes lignes de vos recommandations à l’issue du scrutin ?

 

Sur la base des recommandations et conclusions des différentes équipes déployées, et des déclarations effectuées au niveau du POCE, la Mission d’observation nationale du Réseau Apem recommande : la mise en place d’un cadre de concertations permanent entre les différents acteurs du processus électoral, en vue de promouvoir le consensus sur les questions politiques de grande importance ; la poursuite de la distribution des cartes NINA pour s’assurer que les électeurs inscrits puissent entrer en possession de leurs cartes d’électeur avant les élections législatives, qui doivent se tenir dans un délai court pour permettre à notre pays de renouer intégralement avec le retour à l’ordre constitutionnel ; la prise de mesures idoines pour assurer le vote de celles ou ceux en âge de voter, et la création de cadre approprié pour que les déplacés, les réfugiés et les Maliens de la diaspora puissent exercer démocratiquement leurs devoirs civiques, avant les élections législatives.

 

Il y a aussi la relecture de la loi électorale en ce qui concerne le processus d’acheminement et de centralisation des résultats provisoires par le ministère de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de l’Aménagement du territoire, eu égard à l’expertise développée par le Réseau Apem avec le POCE ; la consolidation de l’observation électorale nationale et citoyenne, gage du raffermissement de la confiance des acteurs politiques à la crédibilité des élections, entre autres.

 

 

 

Quelles conclusions tirez- vous du processus ?

 

En dépit des insuffisances mineures notées par endroits dans le processus électoral, la Mission d’observation nationale du Réseau Apem considère qu’elles ne sont pas de nature à entamer la libre expression de la volonté du peuple malien. Elle tient à reconnaître les mérites du peuple malien et à le féliciter pour la maturité politique dont il a fait montre au cours de cette élection présidentielle qui s’est déroulée dans une atmosphère de paix. Et le candidat battu Soumaïla Cissé,  son geste a écrit une belle page de l’histoire politique et démocratique d’un Mali qui gagne, d’un Mali qui renaît, enfin d’un Mali réunifié, fort, uni et prospère  dans la paix, facteur de tout développement.

 

 

Entretien réalisée par Seyni TOURE

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