Ibrahim Simpara, chef de bureau des Domaines de Kati : «Une gestion morale du foncier nécessite un toilettage des textes actuels»

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Irahim Simpara est un exemple de réussite. Ouvert et réceptif, il a occupé tous les postes stratégiques qui lui ont valu, aujourd’hui, la confiance de ses chefs hiérarchiques. Il fut respectivement Chef de section Législation et Contentieux de la Direction régionale (de 2006 à 2009) et Chef de Division des Recettes en 2009, avant d’être promu le 16 février 2011, chef de bureau des Domaines de Kati. Nous l’avons rapproché pour connaître les missions, les difficultés, le bilan et les perspectives du service des domaines qu’il dirige. Lisez !

 

 

Le Katois : Pouvez-vous nous présenter le bureau des Domaines et du Cadastre du Cercle de Kati ?

 Ibrahim Simpara : Le bureau du service des Domaines et du Cadastre de Kati est l’un des services subrégionaux créé par décret N°00544 du 1er novembre 2000. Le bureau des Domaines est ainsi représenté auprès de chaque Cercle et de chaque Commune du pays pour s’occuper de deux missions essentielles : la gestion du domaine de l’Etat que ce soit le domaine privé ou public et la mobilisation des ressources liées aux transactions foncières. Le bureau des domaines est organisé de telle sorte qu’il y a en son sein, outre le chef de bureau, les agents chargés de la gestion foncière et des agents chargés de la mobilisation des ressources qu’on appelle agents chargés des recettes. Si nous prenons l’historique du service des Domaines, il existait déjà ce service avant 2000. En son temps, c’était la recette de l’enregistrement du timbre et des domaines qui relevait du service des impôts. C’était une division des impôts qui avait des représentations au niveau local et qui s’occupait de la gestion foncière et de la mobilisation des ressources liées au foncier. C’est à l’issue du remaniement de 2000 que l’Etat a institué tout un Département s’occupant des affaires foncières. Le Ministère chargé des Domaines de l’Etat et des Affaires  a vu le jour avec une Direction nationale des domaines et du cadastre qui a une représentation au niveau locale : la Direction régionale au niveau régional et un bureau des domaines au niveau des Cercles et des Communes. Il y a des bureaux spécialisés et des bureaux ordinaires. Le service des Domaines du bureau de Kati est un bureau ordinaire. La différence fondamentale entre un bureau ordinaire et spécialisé réside au fait que le bureau ordinaire s’occupe des titres fonciers, alors que les bureaux spécialisés sont institués auprès des représentants de l’Etat et des collectivités pour pouvoir les épauler dans la délivrance des titres provisoires ou des titres précaires. Le bureau ordinaire s’occupe de la gestion foncière à travers les suites à donner aux demandes d’immatriculation et aux demandes de titres fonciers. Il s’occupe du recouvrement des droits afférant aux transactions foncières.

 

 

Quel est l’apport du bureau des Domaines et du cadastre du Cercle de Kati dans le budget de la Direction régionale des Domaines de Koulikoro ? 

Le bureau ordinaire du Cercle de Kati est un bureau pilote dans la région de Koulikoro, aussi bien au niveau de la gestion foncière que dans le recouvrement des recettes. Même au plan national, le bureau de Kati a le plus grand volume d’activités. Par rapport aux recettes, du 1er janvier  à juillet 2011, le bureau de Kati a réalisé plus de 1,3 milliards de francs CFA. Donc, en 7 mois d’activités, l’apport du bureau de Kati dans le budget régional (plus de 1,5 milliards) est très important.

 

 

 

L’intensité des activités engendre des difficultés. Qu’est-ce que vous faites pour atténuer ces difficultés, notamment la grande pression foncière que subit votre bureau ?

Effectivement, il y a une forte pression foncière. Cela est dû surtout à la proximité avec Bamako où il y a peu de terres, c’est seulement les transactions entre les particuliers. Mais à Kati, il existe encore beaucoup de terres et les regards sont essentiellement tournés vers Kati, qui ceinture carrément le District de Bamako. Nous ressentons cette pression dans nos activités quotidiennes. De la date de création (1991) du service des Domaines de Kati à nos jours, nous en sommes à plus de cinquante mille titres fonciers créés. De 2006 à nos jours, le nombre de titre a passé de 19 000 à 50 000 et, il y a encore des dizaines de milliers qui sont en cours de création. 30 000 titres ont été créés en 6 ans, ça veut dire que la pression s’accentue d’année en année. Afin de faire face à la pression, il nous a fallu un organigramme qui puisse prendre en compte les besoins exprimés par nos contribuables. Aujourd’hui, nous avons au niveau du bureau des Domaines et du Cadastre une quarantaine d’agents et sept sections. Chacune de ces sections a des missions spécifiques. Les agents sont très dévoués à la tâche. Déjà à 7h30, ils sont tous sur place. Moi qui suis là pratiquement tous les jours jusqu’à 18h, je ne suis pas le seul à l’être. Quand vous vous promenez, il n’est pas hasardeux de rencontrer d’autres agents. Les gens travaillent souvent même les week-ends et à la maison. Personne ne fait exception à cette règle. Nous faisons tout cela pour donner une entière satisfaction aux usagers du service des domaines et dans un délai raisonnable. Donc, nous donnons le meilleur de nous-mêmes pour satisfaire nos concitoyens et mobiliser le maximum de ressources pour l’Etat.

 

 

 

Le Cercle de Kati regorge de plusieurs sites d’exploitation minière. Quelle stratégie allez-vous mettre en place pour inciter ces miniers à payer leurs taxes ?       

C’est vrai que cet état de fait constitue une difficulté à laquelle le bureau de Kati est confronté. Il se trouve que les textes ne sont pas souvent connus de ceux-là qui doivent les appliquer. J’ai personnellement approché beaucoup d’exploitants miniers et il s’avère qu’ils n’ont pas souvent connaissance des taxes et impôts qu’ils doivent payer surtout au niveau des Domaines. Ils ont l’habitude de payer au niveau de la Direction Nationale de la Géologie et des Mines (DNGM). Les actions de concertation que nous avons menées avec la DNGM ont fait ressortir que les produits provenant de l’exploitation et de l’aliénation du domaine de l’Etat sont recouvrées par le service des Domaines et du Trésor public. C’est une disposition du Code domanial et foncier et elle a été portée à la connaissance de certains exploitants miniers ainsi que certaines administrations, notamment l’administration minière. C’est une action de sensibilisation que nous avons menée. C’est une stratégie qui consiste a rencontré les miniers et à leur faire savoir que c’est un droit pour nous de réclamer ces impôts et que c’est également un devoir pour eux, en tant qu’entreprises citoyennes de s’acquitter de ces impôts et taxes. Ce sont ces impôts et taxes qui permettront de faire face aux dépenses de l’Etat, donc, il est important que les gens sachent cela.

 

 

 

Quelles sont vos perspectives pour une meilleure mobilisation des ressources ?

Dans un avenir proche, nous envisageons de renforcer le cadre de concertation. Il s’agit de multiplier les échanges entre le bureau des Domaines de Kati et les autres services chargés du foncier et l’administration, de façon générale. Nous avons déjà eu une réunion à la préfecture de Kati, présidée par le Préfet, Ibrahima Mamadou Sylla. L’objectif est de favoriser une meilleure gestion des domaines de l’Etat et de mobiliser des ressources. Une autre perspective, c’est le renforcement des capacités tant humain que matériel. Au niveau local, nous avons instauré une dynamique où les anciens partagent leurs expériences avec les nouveaux agents et les stagiaires. Cela a fait que les nouveaux ont un niveau acceptable de connaissances. C’est un exercice continuel et nous n’allons jamais baisser les bras. De concert avec la hiérarchie, des actions de sensibilisation sont en cours pour inciter les exploitants miniers et autres usagers, notamment à travers les spots publicitaires télévisés.

 

 

 

Face aux litiges fonciers très fréquents, quelles dispositions envisagez-vous ?    

Le phénomène est réel et c’est surtout dû au fait qu’il y a beaucoup d’intervenants dans la gestion foncière et souvent dans l’illégalité. Non seulement, les textes prévoient l’intervention de plusieurs autorités dans la gestion du foncier, mais aussi le comportement des hommes est tel qu’une même parcelle est vendue à plusieurs personnes qui n’ont souvent rien à voir dans la gestion foncière.  Donc, l’intervention des personnes non habilitées à gérer le domaine de l’Etat amène beaucoup de litiges. Aussi, la non compréhension des missions assignées aux différents services fait que le bureau des Domaines est souvent interpelé pour des problèmes dont il n’a rien à voir. J’ai eu la chance de diriger durant quatre années la Section Législation et Contentieux et j’en ai beaucoup vu. Des actions comme cela doivent être menées à tous les niveaux pour amener les gens à comprendre le rôle que joue chaque service dans ce domaine. Elle permettra aux différentes structures de mieux appréhender leur mission, mais aussi aux concitoyens de savoir à qui s’adresser en cas de problèmes.

 

 

 

Pensez-vous que des mesures sont nécessaires pour moraliser le foncier au Mali ?   

Bien sûr que Oui, cela s’impose. En décembre 2009, il y a eu les Etats généraux sur le foncier au Mali. C’était dans le souci d’améliorer la gestion foncière. Plusieurs thématiques ont été traitées, mais le module sur la gestion consensuelle du foncier a été abordé à tous les niveaux, parce que les gens ont compris qu’une gestion consensuelle peut prévenir contre les litiges plutôt que d’aller en rangs dispersés. Une gestion morale du foncier nécessite non seulement un toilettage des textes actuels qui sont d’inspiration coloniale et certaines dispositions ne méritent plus de figurer dans le Code domanial du foncier, ainsi que dans d’autres textes régissant le foncier au Mali. Donc, il y a lieu pour l’Etat de faire une relecture des textes pour les adapter à l’évolution de la société, parce qu’un texte qui était valable il y a cinquante ans, ne l’est pas aujourd’hui. Donc, l’Etat doit penser à cela parce que le Code actuel date de 2000 et les dispositions sont pratiquement les mêmes termes que la législation de 1960. Pour pouvoir bien moraliser le foncier, il faut nécessairement des textes qui soient à la hauteur et qui s’adaptent au contexte actuel. Si nous prenons la spéculation foncière, il y a des gens qui n’ont que pour profession d’acquérir et de revendre les parcelles et ils ne sont même pas souvent des promoteurs immobiliers, mais de simples particuliers qui acquièrent des terrains et qui les revendent comme de petits pains. Il faut que l’Etat se dote d’une législation qui puisse moraliser la spéculation foncière en mettant en place des conditions pour l’acquisition et la vente des terrains plutôt que d’opter pour la libéralisation. C’est aussi ça le revers de la médaille. Avec la démocratie, les gens sont libres d’acquérir et de revendre. Si nous sommes face à cette forte spéculation, c’est que les textes ont montré leurs limites. Pour moi, il y a lieu de les revoir pour une meilleure gestion du foncier qui est notre patrimoine à tous.

 

 

 

Votre mot de la fin ?         

D’abord, remercier particulièrement notre hiérarchie parce que si nous parvenons à réussir, c’est que nous sommes soutenus quelque part à travers des moyens adéquats de travail. Il y a quelques jours nous avons reçu des engins pour les agents de recouvrement afin qu’ils puissent mieux exercer leurs tâches. Il y a une semaine, nous avons réceptionné du matériel informatique et tout cela rentre dans le cadre de l’amélioration du service public. Donc, il est de mon devoir de remercier nos supérieurs hiérarchiques pour tout l’appui dont nous bénéficions.

A l’endroit de nos contribuables, nous leur disons merci et félicitation pour le devoir bien accompli. Depuis bientôt sept mois, les recettes du bureau des Domaines de Kati s’élèvent à 1,3 milliards de francs CFA et ce n’est pas négligeable du tout. Je les encourage à continuer dans ce sens et pour ceux qui ne l’ont pas encore fait, il n’est jamais tard pour mieux faire.

Réalisée par Mamadou DIALLO «Mass» 

 

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