Ayant hérité du département de la Refondation de l’Etat, en relation avec les Institutions, Pr Ibrahim Ikassa Maïga, est au four et moulin pour relever ce défi. Conscient que les Maliens ont soif du renouveau, il table sur le consensus pour réformer. Nous l’avons rencontré pour en savoir plus. Entretien !
22 Septembre : Qu’est ce que la refondation de l’Etat ?
Ibrahim Ikassa Maïga : La refondation de l’Etat revient à créer les bases d’un Mali nouveau. En quoi cela consiste ? Depuis quelques années, notre pays traverse une crise multidimensionnelle qui a affecté tous les secteurs de l’Etat de notre intégrité, la souveraineté, la forme laïque et l’unité nationale sont menacées. La Communauté internationale nous soutient aujourd’hui. Alors il faut reconstruire, selon les ressorts nous avons l’habitude de faire des réformes sectorielles, mais cette fois-ci, il s’agit d’une refondation totale. Auparavant, on prend une loi électorale, qu’on réforme en pensant que cela va résoudre les problèmes. Malheureusement, on a toujours assisté à des crises pré ou post électorales. On a fait aussi des réformes dans plusieurs secteurs comme l’éducation, la santé, la justice et l’agriculture, mais cela n’ a rien donné. Nous avons fait beaucoup de forums, de concertations, beaucoup d’états généraux qui n’ont abouti à rien dans le sens du changement voulu par les Maliens. Alors une refondation de l’Etat passe par une réforme globale. C’est à dire sur les questions institutionnelles, santé, politique, école nous allons appliquer les meilleures propositions.
22 Septembre : Est ce que vous avez déjà établi un chronogramme ? Si oui, quelles sont les priorités ?
I.I.K: Le chronogramme final va être établi par les Maliens. Nous sommes dans un cadre d’engagements internationaux pour encadrer notre transition de 18 mois dont il reste 8. Il nous reste très peu de temps, mais à cœur vaillant tout est possible. Nous allons tenir les assises nationales pour que les Maliens où qu’ils soient s’expriment. Ces assises permettront de prendre en compte les résolutions issues des forums, concertations qui n’ont pas été appliquées. Ce qui est possible sera appliqué pendant la transition et le Président démocratiquement élu se chargera de l’application du reste de ces résolutions. Pendant les assises nationales, on ne va pas faire de débat sur les questions économiques, politiques, institutionnelles, car les gens ont déjà fait des propositions qui n’ont pas été prises en compte. Nous allons les appliquer. Donc aux Maliens d’établir un chronogramme pour aller à ces réformes. Ce qui urge aujourd’hui, c’est d’aller à des élections sécurisées, transparentes, crédibles, et acceptées de tous pour éviter des crises post électorales.
22 Septembre : La création de l’Organe unique de gestion des élections fait débat aujourd’hui. Qu’en pensez-vous ?
I.I.K: La création de l’Organe unique de gestion des élections est une bonne initiative. Les experts internationaux disent que c’est possible. Il faut que les Maliens se mettent ensemble pour le faire. Aujourd’hui, il y’a des résistances par rapport à sa création. Certains estiment que nous n’avons pas assez de temps pour le faire, donc qu’il faut aller aux élections avec une CENI renforcée. Alors que la CENI est dissoute, si on garde la CENI, on va obligatoirement la reconstituer, ensuite passer à son implantation sur l’ensemble du territoire national. Cela va prendre du temps. C’est ce même temps qu’il nous faut pour mettre en place l’Organe unique de gestion des élections. Maintenant pourquoi mettre du temps sur l’ancien système qui a montré ses limites et qui nous a conduits dans des contestations après chaque élection. On peut créer l’Organe unique de gestion des élections dans ce même temps qui nous évitera une sans doute des crises. Ce qui doit changer, c’est de prendre les prérogatives du ministère de l’Administration territoriale en matière d’organisation des élections pour renforcer l’Organe unique de gestion des élections indépendantes. Cet organe peut être constitué de deux façons : soit avec la classe politique et la société civile en ce moment, il ne sera plus indépendant. Il peut être indépendant à travers les modalités de désignation de ses membres. C’est des appels à candidatures, les personnes qui seront retenues seront coupées de tout lien avec la politique. Elles seront indépendantes. Ces personnes seront bien rémunérées pour leur permettre de garder leur indépendance. Les fonctionnaires du ministère de l’Administration territoriale peuvent compétir, s’ils sont retenus, ils vont travailler librement dans cet organe.
Les résistants disent aussi que l’expérience de CENI autonome a échoué . Elle avait organisé les élections de bout en bout sans associer le ministère de l’Administration territoriale. Cela n’est pas possible. Le ministère de l’Administration territoriale doit être cantonné dans son rôle de sécurisation, car il a les représentants de l’Etat sur toute l’étendue du territoire. Il donne la logistique, mais nous oublions aussi que les départements de la Défense, de la Sécurité, de la Justice interviennent dans le processus électoral. CENI renforcée, Organe unique, c’est la même chose. Sauf qu’il y a un challenge à relever, c’est le fichier fiable à standard international. Nous allons organiser les élections municipales avec les enjeux nationaux mais les présidentielles seront organisées avec le fichier à standard international. Je pense aussi qu’après la rencontre entre le Premier ministre et la classe politique, il y a eu de l’apaisement autour de la création de l’organe unique de gestion des élections.
22 Septembre : Quelles sont vos perspectives pour asseoir un Mali nouveau ?
I.I.K: C’est très simple, il faut aller aux assises nationales pour avoir des résolutions consensuelles. C’est de cela qu’il s’agit.
22 Septembre : Quel appel avez vous à lancer au peuple malien à cette période difficile ?
I.I.K: L’appel que j’ai à lancer à la classe politique, à la jeunesse, aux femmes, aux institutions étatiques, à la société civile, aux groupes signataires de l’accord issu du processus d’Alger, aux organisations communautaires, aux syndicats et à la diaspora, c’est de se donner la main pour rebâtir notre patrie qui est le Mali. Le Gouvernement est résolument engagé sous le leadership du Président de la transition, Colonel Assimi Goïta et le Premier ministre Dr Choguel Kokalla Maïga pour redorer le blason. Le maître mot, c’est le consensus. Aucune réforme n’est possible sans le consensus. Je vous remercie.
Interview réalisée par
Seydou Diamoutené