IBK à propos du referendum : « Dans un Etat de droit, le droit doit être l’unique référence… »

3
KOULOUBA : L'Interview du Président de la République, S.E.M Ibrahim Boubacar KEÏTA, en langue Bamanakan, sur les consultations en cours
Ibrahim Boubacar Keita

Le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita, a accordé, la semaine passée, une interview à nos confrères de l’ORTM dans laquelle il a été essentiellement question du projet de loi portant révision de la constitution du 25 février 1992. Malgré les consultations populaires en cours, le chef de l’Etat souhaite que le processus aille à son terme car cette révision est envisagée dans le cadre de l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali. Nous vous proposons l’intégralité de cette interview.

 Monsieur le Président de la République, nous avons remarqué que depuis le mois de juillet, vous écoutez beaucoup, vous consultez. Après les Institutions de la République, c’était au tour des partis politiques y compris ceux qui ne sont pas d’accord avec votre initiative de révision constitutionnelle. On peut savoir quel sens vous donnez à ces consultations ?

Ibrahim Boubacar Kéita : Dans un pays, il arrive des moments où le sommet doit essayer de prendre le pouls de la Nation. Et cela peut arriver à tout moment même quand on ne s’y attend pas ; un événement peut amener un autre. Et cela amène à interroger les uns et les autres sur la pertinence d’une décision que l’on prend sur le plan de l’intérêt général de la Nation. C’est le cas aujourd’hui. Chacun aura remarqué que depuis qu’on est entré dans ce projet de révision constitutionnelle, de la voie référendaire, il y a beaucoup de mouvements, beaucoup d’agitations. Mais de quoi s’agit-t-il ? Nous avons eu comme mandat du peuple malien d’instaurer toutes les voies, tous les chemins qui peuvent conduire à la paix. Les consultations auxquelles je me consacre en ce moment sont de l’ordre de convenance qu’en cas de besoin, le chef de l’Etat rencontre telle ou telle catégorie sociale, telle ou telle catégorie de citoyens, rien que de plus normal dans une démocratie. C’est dans ce cadre que j’ai rencontré les Institutions de la République et les partis politiques. Aujourd’hui, c’était le cas des notaires et des avocats. Nous leur avons expliqué notre démarche qui ne souffre d’aucune malice, elle entre simplement dans le cours de l’action gouvernementale. Il est des moments où il faut décider. Chacun sait que la question de la révision constitutionnelle au Mali est récurrente. C’est la troisième tentative. Les deux premières fois, il y a eu surtout le souci essentiel de conformation avec la gouvernance institutionnelle souhaitée au sein de l’UEMOA dans la création d’une Cour des Comptes, laquelle création ne peut se faire que par voie référendaire. Nous avons également fait le constat qu’au sortir de l’Accord pour la paix et la réconciliation, il y a des attendues au plan institutionnel, notamment comment faire en sorte que certaines catégories et couches sociales puissent être dans la décision nationale, couches et catégories dont le concours s’est avéré utile dans la médiation intercommunautaire. C’est le cas des légitimités traditionnelles (chefferies et autres) que nous avons dû solliciter. Comment le faire ? La voie de la création d’un Sénat a paru la plus idoine pour ce faire. Pour beaucoup, cela devrait être convié dans le cadre d’un quota que le chef de l’Etat pourrait gérer à hauteur de souhait et avec des critères d’accord parties pour que les personnalités en question soient les plus représentatives possible. Et également aussi voir certaines choses qui, au cours de l’application de la Constitution de 92, se sont avérées difficiles ou impossibles. Il reste attendu qu’une Constitution, comme toute œuvre humaine, est perfectible. Il est bon qu’au bout d’un moment, l’on puisse revoir la copie et convenir les changements opportuns à apporter. C’est cela qui a motivé ce projet de révision constitutionnelle qui est de la prérogative du chef de l’Etat et de l’Assemblée nationale. Donc, nous avons usé de cela pour soumettre à l’Assemblée nationale un projet de révision constitutionnelle, lequel projet a fait l’objet de beaucoup d’examen, de va-et-vient pour qu’enfin de compte l’Assemblée nationale statue. Elle a adopté le projet de révision constitutionnelle. Après le vote qui était favorable à l’exercice, l’opposition républicaine a estimé devoir ester en justice. Elle a saisi la Cour constitutionnelle, laquelle a rendu un avis et un arrêt. Je crois que, jusqu’à preuve du contraire, l’arrêt de la Cour constitutionnelle n’est pas susceptible de recours. Voici la phase dans laquelle nous nous retrouvons aujourd’hui. La Cour constitutionnelle a estimé que la révision est tout à fait constitutionnellement recevable, mais que çà et là il y a des aspects à revoir. C’est ce qui en cours aujourd’hui.

Nous avons appris que vous allez rencontrer d’autres acteurs, notamment la société civile (jeunes, femmes, chefs de quartiers). Quelle est la finalité recherchée à travers de toutes ces consultations ?

Ibrahim Boubacar Kéita : Le consensus, l’apaisement et nous souhaitons toujours à ce qu’une décision prise au nom de la Nation, dans l’intérêt bien compris de la Nation, soit partagée par cette Nation-là. Il est évident que cet effort-là, nous le continuons et nous ne le laisserons pas jusqu’à ce que nous fassions le constat peut-être qu’il y a impossibilité ou refus d’avancer ensemble. Mais nous ne baisserons pas les bras et nous continuerons de voir les uns et les autres, telle est notre mission et nous l’utiliserons bien volontiers. Après la décision de la Cour constitutionnelle, je pense qu’il était vraiment logique d’attendre que l’ensemble au niveau national accepte cette décision et s’y plie conformément, ce qui est dans un Etat de droit souhaitable et attendu. A notre grande surprise, il semble que certains de nos concitoyens veuillent remettre en cause cette décision ou en cas la refusent et estiment d’ailleurs que le débat est clos, qu’il s’agit purement et simplement ici et maintenant d’abandonner ce projet de révision constitutionnelle au motif que différentes raisons sont évoquées. Il y a également de contres arguments. Tout cela est respectable, respecté du reste, simplement que dans un Etat de droit, le droit doit être l’unique référence… Nul ne peut aujourd’hui dire qu’il s’oppose à ce que le peuple malien exerce son droit de vote. Or dire aujourd’hui qu’il n’y aura pas de révision constitutionnelle, cela ne pourra se faire que sur des violences, c’est séditieux quelque part, ce n’est pas républicain et c’est anti national, en tout cas contraire au droit. Et dire aussi que le devoir de l’Etat est de faire en sorte de garantir le droit et les droits de l’Etat, tous les droits des citoyens de la République, y compris celui de vote. C’est le devoir de l’Etat républicain. Je le dis très clairement : nul ne peut s’opposer à l’exercice de ce droit sans violer la loi. Dès lors, je vais encore appeler chacun à la raison, chacun à savoir garder cette raison et faire en sorte que notre vivre ensemble, notre devoir aujourd’hui d’être ensemble au chevet du Mali, se confirme, se poursuit dans le seul but de faire en sorte que ce pays gagne en paix qui est et doit être l’objet essentiel. Et ce qui est fait dans le cadre de cette révision constitutionnelle participe à cette recherche de paix car il faut le dire c’est bien évidemment dans la suite de l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali que cette révision est envisagée. Et si nous n’y allions pas, nous pourrions donner argument a beaucoup d’autres, pas seulement à certains de nos frères, de penser que nous sommes en train de revoir notre engagement pour faire la paix et cela ne serait pas très heureux. Dans la chaleur aujourd’hui des tensions, j’entends également de bruits qui sont assez inquiétants. Des bruits assez inquiétants qui tendent à mettre en cause les pays alliés, notamment qui furent à nos côtés quand le pays était en danger, quand la survie du pays était en cause. Qu’aujourd’hui, on en vienne à manifester bruyamment contre pays ami dans des termes inamicaux n’est pas conforme à la tradition malienne. Ce n’est pas conforme à nos valeurs et civilisations. Nous ne tolérons pas ce genre de comportement. Je dis aussi qu’il faut savoir quels sont les intérêts stratégiques du Mali aujourd’hui et demain dans un temps où ce pays ami est fortement engagé à nos côtés dans la mise en place de la Force du G5 Sahel dans les conditions non pas données à tout le monde…La France est un pays ami qui doit être traité comme tel et nous y veillerons.

AKM

 

Commentaires via Facebook :

3 COMMENTAIRES

  1. Comment comprendre qu’IBK exige la tenue du référendum dans cette période d’insécurité ? Il s’est bien qu’il ne contrôle pas le tiers du territoire national. Comme seule référence une exigence de la communauté internationale . Ce qui est étonnant ! Il s’agit de la vie d’une nation et non d’un individu. La France ne peut et ne doit pas exiger la tenue du référendum pour adopter la constitution a un accord pour la paix. Simplement pour faire plaisir à la CMA. Cet accord dont il est question n’a jamais connus un début d’exécution du côté des bandits armes .

  2. IBK parle pour ne rien dire. Si l’unique reference est la loi, c’est bien lui le premier a la violee. Toutes les Lois se referent a la loi fondamentale (la constitution), que lui il veut reviser pour des aspirations personnelles. Dans ce cas il est contre ce que lui meme fait.

Comments are closed.