Housseini Amion Guindo, dit « Poulo » (jeune peulh), 43 ans, est un candidat de terrain. A la tête de la Convergence pour le développement du Mali, Codem, cet opérateur privé de la région de Sikasso, dans le sud du Mali, s’est fait élire député en 2005 et a fait de son parti la quatrième force politique du pays. Peut-il créer la surprise dimanche prochain ? A Bamako, il répond aux questions de RFI.
RFI: On dit que vous êtes le « candidat de la brousse ». Est-ce vrai ?
Housseini Amion Guindo: Tout le monde le reconnaît. Je suis l’homme politique, ces dernières années, qui a été le plus sur le terrain. Je suis né en brousse, j’ai grandi en brousse. Aujourd’hui encore, je réside en brousse. C’est pourquoi on peut m’appeler « candidat de la brousse ».
Vous êtes un opérateur économique. Vous construisez des écoles, vous êtes un élu de terrain. Mais peut-être n’êtes-vous pas encore très connu comparé à d’autres poids lourds de la politique malienne. Pourquoi vous présentez-vous ?
Je me présente pour sortir ce mensonge de la politique, sortir les responsables politiques qui promettent de régler les problèmes , et qui, au même moment, sortent leurs enfants du système qu’eux-mêmes ont eu à mettre en place et les envoient à l’étranger.
Et vos enfants, à quelle école sont-ils ?
Mes enfants sont ici au Mali, scolarisés dans les mêmes écoles que les enfants des pauvres. Donc nous ne sommes peut-être pas connus à l’étranger, mais au Mali aujourd’hui, il y a 703 communes. Sur les 703, j’ai fait plus de 600 communes en cinq ans.
Vous avez mangé beaucoup de poussière ?
Bien sûr, j’ai commencé à manger cette poussière depuis l’enfance parce que j’ai eu à marcher 8 kilomètres tous les jours pour aller à l’école. J’étais avec un de mes frères et une de mes sœurs dans mon village. Les deux sont morts en l’espace d’une semaine, sous mes yeux. Je ne sais pas encore de quoi ils sont morts, parce que dans un rayon de 40 kilomètres, il n’y avait pas un seul infirmier, a fortiori un centre de santé ou un médecin. Donc, ce dont souffre aujourd’hui notre pays, nous en avons été victimes. C’est pourquoi nous voulons aujourd’hui un tournant générationnel. Nous ne sommes pas des rentiers de l’Etat. Je suis un opérateur privé. Je n’ai jamais géré un franc de l’Etat.
Il y a quelques mois, vous avez refusé l’argent que l’Etat accorde aux partis politiques. Mais n’est-ce pas bon pour la démocratie, justement, que les partis soient financés par l’argent public ?
Si je suis élu président, l’Etat va arrêter de financer les partis politiques, parce que si vous voyez aujourd’hui qu’au Mali, on a plus de 160 partis, c’est parce que tout le monde est financé.
Ce sont des « partis alimentaires » ?
Bien entendu. Et nous parlons aujourd’hui de tournant générationnel, parce que quand vous voyez la classe politique malienne, à un certain moment, ils étaient tous dans le même parti et ils ont tout géré ensemble. C’est souvent sur des questions de personnes que les gens se sont divisés. Et aujourd’hui, si l’un d’entre eux revenait prendre le pouvoir, je suis sûr d’une chose, il ne pourra pas lutter efficacement contre cette gangrène parce que tout simplement, les autres vont lui rappeler ce qu’ils ont fait ensemble dans le passé. Moi je suis un homme neuf.
S’il y a un deuxième tour, avec qui pourriez-vous former un ticket ?
Nous sommes réalistes : avec 27 candidats, il est très difficile aujourd’hui de gagner au premier tour. Il y aura forcément un second tour. Et notre lutte, c’est d’arriver au second tour et de remporter cette élection.
Mais quel est le leader politique dont vous vous sentez le plus proche aujourd’hui ?
Sincèrement, nous n’avons pas de plan B. Nous ne voulons pas nous mêler des anciennes querelles. Nous ne voulons pas choisir aujourd’hui entre des vieux amis. Nous savons que, de façon très visible, ce n’est pas caché, des gens qui n’auraient pas dû prendre position dans une élection sont en train de prendre position pour des candidats.
A qui pensez-vous ?
Je pense à l’armée. Après tout ce que nous avons vécu, l’armée, une fois pour toutes, doit s’écarter de la politique.
Qui est ce candidat choisi par l’armée selon vous ?
Je ne souhaiterais pas nommer ici les candidats, mais c’est dangereux. L’éthique doit nous éviter ce comportement de vouloir gagner à tout prix.
Par RFI