Le Secrétaire général de l’Association des Ecoles Privées Agréées du Mali(AEPAM), Boulkassoum Touré revient sur la situation des grèves des promoteurs des établissements privés avec précision. Ayant participé à toutes les démarches auprès du gouvernement pour décanter le blocage de payement, le chef des promoteurs d’écoles estime que la solution réside dans le paiement intégral de leur dû par l’Etat.
L’OBSERVATOIRE : Qu’est-ce qui vous oppose au gouvernement ?
B.T : Il n y’a pas de différends majeurs en dehors de cette crise de payement sinon il n’y a rien d’autre qui nous oppose au gouvernement. C’est à dire que nous venons de boucler une année scolaire et une nouvelle année se présente, nous ne sommes pas encore rentrés en possession de nos dues de l’année dernière. Je vois qu’il y a des situations d’infortunes qui sont là et qu’on n’est pas dans les bonnes dispositions pour une nouvelle année scolaire. Donc, c’est ce payement que nous avons demandé pour entrer dans nos droits et nous permettre d’aller au décollage pédagogique. C’est ce qui n’est pas encore fait malgré nos efforts.
La grève est-elle le dernier recours pour obtenir gain de cause ? Sinon quelles ont été les actions menées avant la grève ?
Nous avons mené beaucoup d’actions. Nous ne sommes même pas en grève dans notre entendement. Nous avons manifesté notre mécontentement par rapport à une situation sinon l’administration scolaire est en place, les parents et les enfants sont reçus, on communique avec eux, on remplit les documents administratifs, les courriers provenant des académies ou des directions nationales sont traités.
Mais, c’est le décollage pédagogique qui n’est pas effectif et pour qu’on arrive à ça, il y a eu beaucoup de situations parce que ce problème, il faut le comprendre à partir de son origine. Nous, nous sommes prestataires de service, nous avons un contrat qui nous lie avec l’Etat dans lequel les périodicités de payements et les montants sont définis. Donc, normalement notre première tranche devrait être versée au mois de mars et la deuxième au mois de mai avant les examens. Hors, nous sommes au mois de novembre, pour arriver à cela, il y a eu beaucoup de démarches et en tant que secrétaire général aucune autorité ne peut dire, de bonne foi, que je ne les ai pas approchées pour attirer leur attention sur la situation.
Que ce soit au département de la tutelle, au Ministère de l’économie et des finances, à la primature, à la présidence, à l’Assemblée nationale, donc tous ceux qui peuvent interférer d’une manière ou d’une autre pour nous aider à trouver la solution, je les ai approché et attiré leur attention sur ça et j’ai même fait des courriers de correspondance que j’ai adressé au Ministre de l’éducation et au Ministre de l’Economie et des Finances.
Le Gouvernement dit avoir payé certaines écoles, qu’en est-il réellement ?
La situation ce n’est pas payer certaines écoles mais de payer les établissements qui ont eu à encadrer les élèves de l’Etat. C’est un problème de prestation de service. Est-ce qu’au niveau de la fonction publique, on peut dire qu’aujourd’hui nous avons payé la région de Sikasso mais on ne va pas payer Mopti et Ségou. C’est un problème de prestation. Nous sommes habitués à un problème de retard de la part de l’Etat car cela fait plus de dix ans que l’arrêté interministériel n’a pas été respecté et nous sommes face à des payements uniques.
Mais aller jusqu’au mois d’octobre et commencer une nouvelle année scolaire sans être payé, ça c’est une première. Pour aller à ça, il n’y a pas de débat que nous n’avons pas mené. Nous avons attiré leur attention si c’était de mauvaise foi, on allait dire purement et simplement qu’au mois de juin qu’on n’allait pas faire les examens parce qu’on n’est pas payé. Hors on était dans le délai de payement car il faut la première tranche pour mars et la deuxième tranche pour mai. Si en juin on avait dit qu’on ne peut pas aller aux examens sans être payé, on allait dire qu’on veut prendre l’année scolaire en otage. C’est pourquoi on a accepté d’aller aux examens, les résultats ont été proclamés les trois mois de vacances finis et pendant ces trois mois nous avons continué de leur démarcher.
Donc est-ce que dans ces conditions-là, on peut aller à une bonne entrée scolaire ? Au ministre de l’Education aussi depuis le mois d’aout, on lui a envoyé une lettre pour lui dire que dans ces conditions-là, si on n’est pas payé totalement, nous suspendons notre collaboration avec eux jusqu’à nouvel ordre. Quand un partenaire dit ça à son département de tutelle ça veut dire qu’il y’a une crise réelle et de cette date jusqu’à aujourd’hui le département ne nous a pas appelé même une seule fois pour se mettre autour de la table discuter et trouver une solution au problème.
C’est le premier ministre qui a compris le danger quand je l’ai démarché pour lui dire que je vais créer un cadre d’arbitrage au niveau de la Primature et c’était le 28 septembre. Depuis cette date, il n’y a pas eu de concertations formelles hors nous sommes le 5, aujourd’hui. C’est pour dire que même s’ils ont payé par endroit il reste encore beaucoup à payer.
Car le restant dépasse les 6 milliards, hors les maliens commencent à ignorer le volume d’un milliard.
Nous avons fait le point de la situation de Kayes jusqu’à Kidal, académie par académie, les établissements qui ne sont pas payés à la date d’aujourd’hui et nous leur avons communiqué. Hors quand vous entendez ce qui se dit sur les antennes, c’est que à l’intérieur, partout ça été payé, il reste seulement quelques établissements de Bamako et ces établissements refusent de déposer des pièces justificatives mais ce n’est pas vrai. On est en train de nous faire un mauvais procès. Ce qui nous a été demandé dernièrement, c’était d’élaborer des états de payement et depuis le 1er octobre tous nos camarades ont déposé leurs états. Ils disent qu’il y’a de l’argent, ils n’ont qu’à payer, s’ils payent tout de suite on va rentrer car nous avons créé nos établissements pour encadrer les enfants, donc c’est un problème de payement. On les invite à régulariser cette situation pour que les enfants puissent reprendre le chemin de l’école.
Selon vous donc ce n’est pas un problème de pièces justificatives ?
Non ce n’est pas le cas parce que la seule recommandation de dernière minute qu’ils nous ont imposé pour le service fait, on a justifié. Ils ont dit maintenant que ce n’est plus un problème de service fait mais un problème d’état individuel. Vendredi nous avons tenue la réunion au niveau de la Primature, samedi j’ai tenue l’Assemblée générale, j’ai dit aux camarades, si on veut nous faire ce mauvais procès, j’invite tout le monde à aller déposer son état dès le lundi 1er octobre.
Donc mardi j’ai fait un contrôle, tout le monde avait déposé. Donc ce n’est pas un problème de pièces justificatives et c’est facile à prouver car au niveau de la mairie du district tout est vérifiable.
Quelle solution préconisez-vous ? Allez-vous continuer la grève alors que des négociations sont en cours ?
Les négociations n’ont jamais rompu entre nous. Négocier c’est attirer leur attention sur le payement, ce n’est pas négocier pour qu’ils payent une moitié de ce qu’ils nous doivent et laisser l’autre mais nous souhaitons être payés dans l’intégralité ce qu’ils nous doivent. C’est ainsi que nous pouvons faire une bonne entrée scolaire, car le fait de payer une partie ne nous permet vraiment pas de faire correctement le décollage pédagogique.
Il faut rappeler que la rentrée scolaire a des préalables. Le minimum à faire c’est de faire la salubrité de son établissement, sans parler des table-bancs cassés de l’année passée, les tableaux utilisés doivent être refaits, ceux qui sont en location les propriétaires ont attendu toute une année sans être payés, les enseignants sont là sans être payés les fournisseurs du matériel didactique et les banques auxquelles nous devons de l’argent.
Donc c’est un problème d’impossibilité de décollage, ce n’est pas un refus. Nous voulons seulement attirer leur attention à payer l’intégralité de ce qu’ils nous doivent.
Cependant quand nous avons tenu notre Assemblée générale ici, tellement que les promoteurs qui ont perçu la moitié de leur argent, dans le souci d’encadrer les enfants, ont demandé si nous ne pouvons pas reprendre le travail dans ces conditions-là ?
Moi, en tant que secrétaire général, je ne peux pas leur demander de reprendre le travail dans ces conditions. Mais s’ils ont des arguments pour convaincre les propriétaires d’établissements, les fournisseurs de matériels scolaires et les enseignants, qu’ils reprennent le travail.
Et si c’est leur décision de reprendre le travail, je la respecte et je me soumets à elle.
Seulement que je n’ai plus ce lourd fardeau de conscience sur moi pour dire, mon combat est que tout le monde soit soulagé.
Aida Koné