Après une tournée auprès de ses combattants dans la région de Gao, le Secrétaire général du Front populaire de l’Azawad (Fpa), Hassane Ag Mehdi, souhaite une inclusivité dans l’application de l’accord. Il pense que l’accord connaît des entraves dans son application. Cela, malgré les avancées notoires. Le Fpa est membre de la Plate-forme mais n’est pas satisfait de son traitement au sein de ce groupe, qui mène souvent des actions isolées, sans le convier. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, Jimmy, l’ex-rebelle, nous avoue qu’il a déjà déposé la liste définitive de ses combattants. Cela, conformément aux recommandations du gouvernement malien et des autres parties engagées dans le processus d’application de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale.
Le Reporter Mag : Un an après la signature de l’accord pour la paix et la réconciliation, quel bilan tirez-vous ?
Hassane Ag Mehdi : Pour moi, cet accord est en train d’avancer dans une lenteur indescriptible. On a toujours dit qu’il faut aller lentement, pour arriver sûrement. Mais cela fait un an maintenant que nous sommes en train de gérer cet accord. Chacun de nous est convaincu que c’est un problème qui n’est pas facile, on devrait aller plus loin que là où nous sommes aujourd’hui. Nous avons fait des pas. Malgré les bonnes volontés, il y a toujours des blocages. Parce que, pour moi, il faut commencer par le point numéro 1. Il s’agit de mettre un accent sur son inclusivité, car il faut la participation de tous les Maliens à un processus qu’eux-mêmes sont en train de gérer. Qui appartient à tous, qui va les sauver tous ou les égarer tous. À mon avis, l’accord est en train d’avancer, mais son processus est entravé par un manque de sincérité. Il y a des personnes qui veulent se l’approprier et en faire un problème personnel. Ce qui n’est pas normal.
Le deuxième problème de cet accord, c’est qu’il n’a pas été bien expliqué, mais ceci commence à être corrigé à travers l’Ortm, avec les points que l’on explique tous les soirs dans le journal parlé. Maintenant, pour ce qui est des parties, elles doivent comprendre qu’elles sont constituées toutes de Maliens et que certains hommes ou groupes d’hommes ne peuvent pas se mettre ensemble, en cherchant à écarter d’autres.
Vous étiez quatre groupes dans la Compis 15, deux sont partis avec la Cma, alors que le Fpa et le Mpsa sont avec la Plate-forme. Quel est votre degré d’implication au niveau de ladite Plate-forme ?
Je pense que par rapport à la Compis 15, il a été dit que des solutions ont été trouvées. En un moment, on avait demandé aux différents Secrétaires généraux des mouvements d’adhérer à la Plate-forme ou à la Cma. Le Fpa et le Mpsa ont été acceptés dans la Plate-forme à travers un document signé et présenté à toutes les parties. La Médiation et le gouvernement du Mali ont pris connaissance de ce document signé par Me Harouna Toureh dans lequel la Plate-forme les a acceptés. La Cpa et le Cmfpr2 ont été acceptés par la Cma. Mais, le problème, ce n’est pas de signer un document pour notifier votre affiliation, il faut maintenant aider à trouver des solutions pour faire avancer ce processus de paix et de réconciliation nationale. Il ne suffit pas seulement qu’à chaque approche d’une réunion du Comité de suivi de l’accord (CSA), qu’on fasse semblant que les choses sont réglées, et qu’après cela, les mêmes problèmes reviennent. Aujourd’hui, on est en train de préparer un MOC, une patrouille mixte, le cantonnement. Ceci ne peut pas être fait, si les différents responsables des mouvements, qui détiennent des hommes sur le terrain, qui ont des populations à leur écoute, ne sont pas impliqués dans les différentes réunions qui se passent à Bamako.
Est-ce à dire que vous n’êtes pas impliqué dans les activités de la Plate-forme, comme vous le souhaitez ?
La Plate-forme nous a acceptés, il y a un document pour attester de cela, mais depuis lors on ne voit rien. Il ne suffit pas d’appartenir à une partie, mais, une fois que cela est fait, il faut qu’on contribue au sein de cette partie pour faire avancer les choses. Il faut que cette partie prenne en compte nos aspirations. En réalité, nous nous sentons délaissés. Nous exigeons et nous demandons, si nous faisons partie d’un groupement, qu’on soit partie prenante de ce qui s’y passe. Nous avons besoin d’être représentés dans les sous-comités, dans le CSA qui est le cerveau de tout ce qui se passe actuellement. Parce qu’en aucun cas, nous ne serons les bagages de personne. Nous sommes là, nous existons, nous sommes sur le terrain, nous voulons la paix, mais personne ne nous mettra dans ses valises. Nous travaillons pour un pays ; nous somme avec le gouvernement pour le faire avancer. Le gouvernement est en train d’abattre d’énormes sacrifices pour que les choses bougent. Nous sommes un mouvement et nous devons contribuer à l’aider à travers des solutions qui peuvent faire avancer le processus de paix en cours. Cet accord doit être inclusif, sinon il n’ira nulle part sans nous tous, sans tous les Maliens, sans les dix mouvements qui ont été reconnus dans les deux grandes parties. Au sein de la Cma, il y a le Hcua, le Maa, le Mnla, la Cpa et la Cmfpr2, tandis que dans la Plate-forme, il y a le Gatia, le Maa, la Cmfpr1, la Fpa, le Mpsa, soit 5 mouvements de chaque côté. Je pense que c’est une solution qui a été trouvée.
On parle de cantonnement, d’élaboration de listes des combattants, êtes-vous prêts ?
Pour ce qui est de l’aspect sécuritaire, surtout du cantonnement et du MOC, il a été clairement dit qu’il faut être prêt avant la localisation des sites de cantonnement. Il y avait des sites de regroupement dans lesquels nous, nous avons regroupés nos combattants qui ont été visités. Ce sont des sites qui sont connus, ce sont des éléments qui sont là jusqu’à présent. Dans le cadre de l’élaboration des listes, nous avons fourni nos listes, nous les avons produites et elles sont au niveau des parties et du gouvernement. Au niveau de la Plate-forme et au niveau des endroits où on devrait les déposer, nous l’avons fait. On nous a demandé encore de refournir des listes dans le cadre du MOC, dans le cadre des commissions et pour les patrouilles mixtes. Nous avons fait ces listes aussi et elles ont été déposées. Nous sommes donc prêts et nous sommes disposés à œuvrer dans le sens de l’avancée dans l’application de l’accord.
Un dernier mot ?
Nous avons eu un acquis incroyable qui n’est autre que l’accord. Que Dieu nous aide à conserver cet acquis et à le faire avancer. Parce qu’il y a d’autres choses qui ne disent pas leurs noms qui nous attendent. Notre souci, c’est d’être dans un pays reconstruit. Et il ne peut être reconstruit que par nous tous. Celui qui se met dans la tête qu’il peut bâtir ce pays sans l’autre, se trompe. Celui qui pense qu’il va monopoliser ou prendre cet accord en otage, se trompe. Aujourd’hui, tous les Maliens sont déterminés à aller vers la paix et à trouver une solution. Personne ne peut faire chanter X ou Y. Ce qui est important, c’est la représentativité des gens qui sont sur le terrain. Leurs combattants, leurs armes, leurs moyens, c’est ce qui est important. Nous réaffirmons notre disponibilité à aller de l’avant, nous tendons la main, comme toujours, à tous ceux qui veulent la paix pour nous accompagner. Aujourd’hui, si vous voyez que le gouvernement du Mali et la communauté internationale sont en train d’insister qu’on aille vers des patrouilles mixtes, c’est un point important qui peut faciliter les choses. Parce que s’il n’y a pas de sécurité, il ne peut pas y avoir de cantonnement. Et pour cause, tu ne peux pas cantonner des hommes, sachant bien qu’il y a des ennemis autour d’eux. Il est aussi important qu’on arrête les jeux de cache-cache, qu’on se dise la vérité, qu’on se comprenne et qu’on aille vers l’essentiel : la paix et la réconciliation nationale.
Propos recueillis par Kassim TRAORE