La place qu’occupent les nouvelles technologies de l’information et de la communication dans le développement d’un pays est importante. Afin de mieux comprendre les enjeux de ce secteur en pleine mutation, nous avons rencontré ce vendredi 24 juin dernier le Directeur général de l’Agence des technologies de l’information et de la communication, AGETIC. Dans son bureau à l’ACI 2000, M. Camara Hamed Salif nous parle de sa structure.
Le Pays : Parlez-nous de votre structure.
Camara Hamed Salif : L’Agence des Technologies de l’Information et de la Communication (AGETIC) a été créée par la loi N° 05- 002 du 10 janvier 2005 en tant qu’Etablissement Public à caractère Scientifique et Technologique.
Elle comporte de nombreuses missions dont :
– concevoir, développer et faire entretenir les infrastructures TIC des services publics et parapublics et des collectivités territoriales en entreprenant toute activité de recherche et de développement dans le domaine des TIC ;
– veiller à la mise en œuvre de la stratégie nationale dans le domaine des TIC ;
– élaborer le plan national pour la formation et le renforcement des capacités au sein des services publics et parapublics de l’Etat et des collectivités territoriales ;
– gérer le nom de domaine .ml ;
– participer à la mise en œuvre de l’accès universel et appuyer toutes les initiatives visant à l’appropriation des TIC par les couches les plus larges ;
– développer la coopération régionale, africaine et internationale dans le domaine des TIC.
En ce qui concerne les projets réalisés et en cours, nous avons :
– la réalisation par phases de l’Intranet de l’Administration ;
– l’interconnexion des Communes du Mali ;
– la connexion à Internet des établissements scolaires et universitaires du pays ;
– l’implantation des Centres Multimédia Communautaires à grande échelle.
La stratégie de mise en œuvre de l’Agetic comporte de nombreux aspect à savoir :
– mettre en place une infrastructure robuste, mutualisée et sécurisée pour l’acheminement des fichiers, données, sons, images et vidéos ;
– développer des contenus et applications adaptés aux besoins ;
-former le personnel utilisateur afin de maîtriser la chaîne des technologies et des contenus en procédant à un véritable transfert de compétence.
A sa création les ambitions de l’Agetic étaient énormes. Mais aujourd’hui, certains médias n’hésitent plus à dire que votre structure se meurt. N’est-ce pas un demi-échec ?
Je respecte bien leurs points de vue. Cependant, il faut retenir que pendant plus de dix ans l’AGETIC a fait de grands progrès et a par la même occasion réalisé d’énormes infrastructures et applications pour l’administration malienne. Toutefois, l’AGETIC n’a pas beaucoup communiqué sur ses réalisations et ses activités au quotidien. Nous gagnerons tous à soutenir et renforcer davantage les capacités d’opérationnalisation de cette agence car c’est d’elle et par elle que le Mali moderne se fera.
Le Président de la République, Ibrahim Boubacar Keita, a promis la création de milliers d’emplois pendant sa campagne électorale. Racine Thiam, le chargé de la communication à la présidence a affirmé dans la presse qu’un bon nombre de ces emplois ont déjà été créés. Votre structure a-t-elle pu bénéficier de tels emplois ?
Nous ne cherchons pas à bénéficier des emplois créés dans le cadre de la politique du chef de l’Etat. Au contraire, nous y participons. L’AGETIC forme et encadre plus de 1000 jeunes par an.
Selon le rapport issu par la Banque Mondiale « Les TIC au service du développement 2009 », l’accès aux télécommunications et à l’Internet stimule la croissance économique mondiale et, pour les pays en voie de développement, à chaque augmentation de 10% dans les connexions Internet à haut débit correspond une augmentation de 1,38% dans la croissance économique. Il convient de remarquer que la connexion à large bande a une rentabilité plus importante que la simple connexion Internet qui, à son tour, a une rentabilité plus importante que la connexion de base fixe ou mobile. Le « Plan Mali Numérique 2020 » est un vaste chantier qui permettra de créer des milliers d’emplois à l’horizon 2020.
La lutte contre le terrorisme est devenue une priorité pour nos autorités. Le directeur général de la police nationale, lors de sa dernière rencontre avec la presse a évoqué des débuts de solutions, grâces au TIC. Il s’agit notamment de nouvelles dispositions en vue de renforcer les capacités de la police à analyser les données des ordinateurs et téléphones portables. Y a-t-il des projets dans ce sens entre l’Agétic et les instances concernées ? Comment comptez-vous apporter votre pierre à la lutte contre le terrorisme, grâce aux NTIC ?
Le ministère de l’Economie numérique et de la Communication à travers l’AGETIC a réalisé un système d’information pour la police qui traite les personnes recherchées, les véhicules volés, le flux migratoire, le trafic d’armes… Bamako et Sikasso sont déjà sous vidéo surveillance et d’autres capitales régionales le seront bientôt. Un autre projet appelé SIG (Système d’information géographique) est en cours. L’utilisation de l’outil SIG dans le domaine militaire, plus particulièrement dans la défense et les renseignements, représente un atout considérable pour mieux préparer les missions et intervenir à bon escient. Le domaine militaire a longtemps utilisé la cartographie dans l’élaboration de missions, dans le ravitaillement de ses troupes et ses déplacements. Mais aujourd’hui, avec la possibilité d’utiliser l’informatique couplée à un SIG, l’anticipation, le ciblage et la réactivité deviennent beaucoup plus simples et rapides. La transmission d’information est facilitée énormément et un éventail d’applications se rattache à cet outil. On sera capable de suivre à temps réel l’ensemble des mouvements sur notre territoire.
En tant que spécialistes des TIC, expliquez-nous pourquoi et comment la cybercriminalité est devenue un fléau au Mali.
Le Mali n’est pas le seul concerné. A la faveur du développement des nouvelles technologies et d’internet, cette nouvelle forme de criminalité s’est développée ces dernières années partout dans le monde. Notre gouvernement a déjà adopté des projets de lois contre ce phénomène. L’AGETIC est en train de renforcer ses capacités techniques pour sécuriser les services de l’administration. Nous envisageons également apporter notre expertise pour le secteur privé.
Le Mali est un pays privilégié par les ‘’brouteurs’’ venant en majorité d’autres pays. Quelles solutions proposez-vous aux populations afin de se prémunir des attaques de la cybercriminalité ?
Lorsque qu’on décide de faire ses courses au marché et qu’on y va avec son sac à main ouvert il ne faut pas être surpris de le voir vidé de son contenu. L’internet est à peu près ce marché. Quand on y va, il faut savoir pourquoi, comment, quand, où, avec qui… ? Il faut être très prudent.
Les réseaux sociaux en l’espace de quelques années sont devenus des plateformes incontournables pour des millions d’internautes. Basés en occident et aux Etats-Unis, leurs contenus ne sont pas toujours adaptés à l’Afrique. Avez-vous imaginé un Facebook à l’africaine pour l’avenir ?
Nous sommes en train de développer un réseau social sécurisé pour l’administration malienne, les forces de police, de la sécurité intérieure et de l’armée pour échanger entre elles à temps réel et partager la même base de données.
Un mot pour conclure ?
Je vous remercie de l’opportunité que vous m’offrez afin de partager la vision de l’AGETIC avec les citoyens et vous exhorte à vous professionnaliser davantage. Je salue votre présence sur Internet et vous encourage à faire la différence. Vivement une paix durable et définitive au Mali !
Interview réalisée par Boubacar Yalcouyé et O Roland