Le Soir de Bamako : M. Dembélé, avant, on vous appelait Guimba national, et aujourd’hui, Guimba national est devenu international, pouvez-vous nous en dire les raisons?
Habib Dembélé Guimba : Avant de répondre à la question posée, je tiens tout d’abord à remercier le journal “Le Soir de Bamako” pour m’avoir donné l’occasion de m’exprimer. Alors, les raisons de mon exil ne sont dues qu’à la force des choses. Vous savez, j’ai eu beaucoup de chance, ces dernières années, d’être au devant des scènes internationales. Peut-être que c’est mon destin qui vient de m’ouvrir cette voie. Sinon, je ne crois pas que j’ai beaucoup plus de mérite que d’autres artistes comédiens, qui font la même chose que moi. C’est par un concours de circonstance qu’il m’est arrivé donc de rentrer dans un réseau qui a fait que, il y a 5 ans, j’ai fais le tour du monde et joué dans tous les grands théâtres du monde. Toute chose qui ne me permettait de venir chez moi, au Mali, que seulement un mois dans l’année.
Le Soir de Bamako : Pouvez-vous nous parler de Guimba et l’art?
Habib Dembélé Guimba : En tant qu’artiste, je ne peux avoir quelque chose de plus précieux que l’art. Alors, l’art, c’est toute ma vie et c’est dans cette activité que je nourris ma famille. Et c’est grâce à lui que je suis aujourd’hui ce que je suis. Il fait partie de la culture qui, aujourd’hui, contribue au développement d’un pays.
A mon avis, je pense que la culture est notre matière première, au Mali. Et moi Guimba, je n’ai d’autres ressources que l’art, car je n’ai pas d’autre vertu dont je peux me vanter si ce n’est que cet art-là. C’est à travers ça que j’entretiens ma famille, mes parents, que je paye l’éducation de mes enfants. De cet art aussi, je tire l’admiration du public Malien. Quand les gens me voient tout de suite, ils sont très contents, cela me fait beaucoup plaisir.
Le Soir de Bamako : Est-ce que Guimba peut nous évoquer son programme, à l’extérieur du Mali?
Habib Dembélé Guimba : Mon programme, à l’extérieur du Mali est assez énorme. Le savez-vous, depuis plus de quatre ans, une pièce de théâtre à Paris a fait recours à moi. Là, je travaille avec M. Peter Brook, qui est l’un des plus grands metteurs en scène du monde aujourd’hui et qui, depuis 25 ans, est le directeur du plus grand théâtre du monde. Donc, je me suis engagé avec lui et tout de suite,on a monté une pièce intitulée “Hamlet” de Shakespeare, avec laquelle on a fait le tour du monde. Après ça, on a monté la pièce “Tierno Bocar” de Amadou Hampaté Bah avec laquelle on a fait le tour du monde également.
Alors à l’heure actuelle, nous sommes en train de monter la pièce “le Ziziwé Banzi est mort” qui est un texte sud-africain, qui parle de la condition de vie des noirs au moment de l’Apartheid, en Afrique du sud, et qui continue d’être un problème réel aujourd’hui, avec les problèmes d’immigration, de papiers d’identité, et d’humanité. Avec cette pièce, nous avons fait beaucoup de tournées qui nous ont conduits en Israël, en Palestine, à Beyrouth, à Stockolm, en Pologne, en Amérique latine, au Mexique, au Brésil, au Canada, etc. On a presque fait le tour du monde.
Aujourd’hui, avec le concours de M. Peter Brook, je suis en vacance, c’est pourquoi je suis là, au Mali. Et mes vacances doivent prendre fin le 23 août prochain. Je retourne le 24 Août 2007, où une autre tournée va commencer sur d’autres continents.
Le soir de Bamako : Qu’est ce que Guimba tire comme fruit de ce partenariat ?
Habib Dembélé “Guimba” : Ce partenariat m’a ouvert une autre voie. D’abord, je joue sur de grandes scènes, c’est une chance pour moi. Et jouer une fois de plus, c’est une chance de plus. Ensuite, c’est une question de survie financière. C’est vrai que je ne suis pas un homme à investir, je n’ai aucun sens de l’économie, mais j’avoue que n’ayant pas le sens de l’économie et de l’argent, le plus gros investissement que j’ai pu faire, c’est d’envoyer mes enfants pour des études à l’extérieur et de payer leur éducation.
Le Soir de Bamako : Peut-on dire aujourd’hui que Guimba a divorcé avec la Musique.
Habib Dembélé “Guimba” : “Pas du tout, quand on sait que ma femme, elle est une chanteuse de renommée internationale, elle a une voix très suave, avec la danse dans son corps, une présence scénique, elle a l’intelligence de la musique. Il est de mon plein droit de l’aider, en tant qu’époux et artiste à la fois. Pour le moment, mon programme ne me permet pas de faire la musique. Mais c’est pas du tout exclu.
Cette question sur la musique m’incite a rendre un hommage mérité à mon épouse, Fantani Touré, la brave dame qui me supporte avec mes voyages de routine. Là, mon devoir est de l’entretenir de façon solide, de lui apporter tout mon soutien, et de lui ouvrir des réseaux à l’intérieur et à l’extérieur du Mali
Le Soir de Bamako : Que pensez-vous de la fête de la musique ?
Habib Dembélé “Guimba” : La fête de la musique est une très belle initiative. Elle encourage les musiciens à sauvegarder leur savoir-faire. Cette année, j’ai célébré cette fête de la musique dans un grand restaurant, le “MAMA Africa” à Paris. Et c’est Djénéba Seck et son époux, Sékou Kouyaté, qui ont tenu le public en haleine. Je profite de cette interview pour confirmer mon soutien aux artistes, griots du Mali, et leur dire que je suis porteur d’un projet de construction d’une fondation pour la sauvegarde de l’art et la culture.
Je suis là-dessus, puisque je crois à la culture, je rêve de voir des comédiens sénégalais, guinéens, Ivoiriens et Maliens se retrouver dans cette fondation pour échanger leurs expériences, dans la mise en scène d’un Zimbabwéen sur un texte algérien, parce que l’art n’a pas de frontière. Et l’idée de la construction de cette fondation, c’est aussi dans le souci de s’ajouter aux structures déjà existantes comme le Act-Sept, de Adama Traoré, Blomba de Alioune Ifra N’Diaye, le Nyogolon, le Kora-film et d’autres, dont je trouve le travail excellent.
Cette fondation viendra en aide à tous ceux qui veulent travailler dans le domaine de l’art au Mali, un grand espace, leur permettant de créer un engouement chez les jeunes sortants de l’INA.
Le soir de Bamako : C’est quoi les raisons de votre absence à la dédicace de ton épouse, alorque vous étiez cité parmi les artistes invités.
Habib Dembélé “Guimba” : J’étais empêché par la signature de mon contrat avec M. Peter Brook. Je devais venir, mais le jour J m’a trouvé à Lisbonne. Donc, je n’ai pas pu faire le déplacement comme prévu.. Mais j’étais de coeur avec elle et avec toutes les personnes qui ont voulu lui rendre service.
Je tiens aussi à remercier tous les maliens, pour leur encouragement à ma femme. Je n’étais pas là, mais mon esprit, mon nom étaient là. Mes obligations ne m’ont pas permis de venir, sinon venir était mon souhait le plus ardent.
Le Soir de Bamako : Parlons de la rumeur qui circulait sur votre arrestation, pour une affaire de drogue ?
Habib Dembélé “Guimba” : (rires) je ne le souhaite pas, sinon ma vieille maman, elle va faire une crise cardiaque. Si j’étais en prison, c’est vraiment une prison du succès. Je ne sais pas d’où vient cette rumeur-là. Mais la meilleure façon de répondre aux provocations, c’est le silence. Pour moi, ce sont des provocations.
Vous savez, je suis bien payé par ma maison de théâtre qui est l’un des plus grands du monde. Je gagne une grosse somme d’argent dans son contrat. Pourquoi se mêler dans de sales affaires? Que Dieu le tout puissant m’en garde !
Dans cette vie, même par amour pour toi, il y a des gens qui peuvent créer des choses pour toi, pour qu’ils soient intéressants eux aussi. A mon avis, que les rumeurs parlent de toi en bien ou en mal, en tant qu’artiste, cela entretien l’âme artistique. Je parle à haute voix, haut et fort, je n’ai connu aucune difficulté dans ma vie artistique, à plus forte raison une arrestation. Je fais mon travail à l’aise et je me promène avec le drapeau du Mali à travers le monde entier, et je suis fier de cela, d’arriver là où je suis arrivé avec le chapeau du Mali.
Aujourd’hui, je me considère comme un ambassadeur du Mali à l’extérieur. Non seulement de part mon art, je suis à travers le monde avec le drapeau du Mali, mais aussi dans chaque ville où je passe à travers le monde, je donne des conférences-débats pour parler du Mali, pour dire aux gens qu’au Mali, nous sommes unis et solidaires, que nous sommes humains, que la richesse que nous avons est plus considérable que la richesse matérielle sur lesquelles les gens peuvent compter. C’est le sens de l’humain, le bon sens, l’amour de l’autre, le pardon, la tolérance, l’acceptation, le partage.
En dehors de ce que je joue comme rôle d’artiste, c’est ce discours-là que je tiens et devant des personnalités de marque, c’est ça, ma fierté.
Le Soir de Bamako : Que pensez vous du devenir de la musique et l’art du Mali ?
Habib Dembélé “Guimba” : Déjà l’évolution de la musique et l’art du Mali est assez satisfaisante. Surtout, avec la création d’une nouvelle émission sur Africable, Case Sanga, et qui vient s’ajouter à Top étoiles de Baye Boubacar Diarra de l’ORTM, ça fait beaucoup plus pour la culture malienne. Je pense que les gens sont en train de donner de la valeur à la culture. Sinon, au moment où nous étions à l’INA, on ne nous faisait pas confiance ; mais cela a changé.
Maintenant, tout le monde sait de quoi un artiste est capable. Je prends l’exemple sur Oumou Sangaré, avec son Hôtel et sa société de véhicules, Salif Kéïta avec son Studio d’entregistrement, Habib Koïté et Seydou Coulibaly “Dougoutigui”, tous se sont investis. Donc, moi, je crois à un bon avenir pour la musique et l’art du Mali. En un mot, la musique, le cinéma, le théâtre et la peinture iront de l’avant.
Le Soir de Bamako : Guimba compte t-il donner des spectacles avant son départ ?
Habib Dembélé “Guimba” : Mais bien sûr, vous savez, j’ai écrit une pièce intitulée “Konaté Kavizako”-l’ histoire de visa de Konaté- que j’ai envie de présenter au public malien. Mais je compte le jouer à Kayes avant de jouer à Bamako. Cette pièce sera en bamanan et je vais le faire avec mes frères comédiens avec qui j’ai fait l’INA
Le Soir de Bamako : Avez-vous des messages ?
Habib Dembélé “Guimba” : Il ne faut pas s’amuser avec son travail. Souvent même, les gens me disent de les faire rire. Je vais leur dire de ne pas confondre les choses. Quand je suis en ville, je suis quelqu’un d’autre, et sur scène, je suis quelqu’un d’autre aussi. A vrai dire, ma nature est très timide. Ce que je préconise est que les artistes pensent à faire du bon travail. Car, tout ce qu’on fait avec sérieux et conviction finira tôt ou tard par être rentable.
Pour moi, si l’art n’est pas engagé, ce n’est pas un art. Etre fier de l’art dans le but d’avoir uniquement de l’argent, je ne sais pas quel plaisir on peut avoir pour faire cet art.Comme le dit Frédérico Garcia Loca, un théâtre qui ne prend pas en compte toutes les pulsions de son peuple est un théâte moribond. Alors, que ce soit la musique, la peinture, le théâte, le cinéma, etc, si ça n’a pas d’engagement, c’est-à-dire une âme ou une conviction, qui fait un constat pour le peuple, même si c’est une bonne chose, ça ne peut pas pénétrer.
Même si c’est une belle oeuvre, ça ne sera pas un art charmant. Un art charmant est un art qui a une âme, qui respire, et qui dit au peuple : fais attention et dis aux dirigeants “vous avez tort de faire ça.”
Mariétou KONATE
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