Francis Kpatindé, porte-parole du HCR en Afrique de l’Ouest : « Le jour où le Sénégal a basculé dans le camp du Sopi… »

0




Il s’agit d’un fin connaisseur de l’Afrique qui parle aux Africains. Un connaisseur de la presse internationale qui aborde ce sujet avec expertise. C’est pourquoi nous reproduisons cette grande interview accordée par Francis Kpatindé au “leSoleil” du Sénégal. Intéressant à plus d’un titre.




 

D’abord, comment êtes-vous « tombé » en journalisme ?

Diplômé en droit, sciences politiques et relations internationales, je n’ai jamais fait d’école de journalisme. Alors que je préparais un doctorat en droit à l’Université Paris XI, Béchir Ben Yahmed m’a accepté comme stagiaire au sein de la rédaction de Jeune Afrique en février 1986. Et comme j’écrivais relativement bien (depuis la fac), m’a-t-on dit, ils m’ont gardé et j’ai signé mon premier contrat en juin de la même année. J’ai donc appris le journalisme en écrivant, en regardant faire les autres que j’admirais et j’ai vite appris. D’ailleurs, c’est Sennen, mon parrain à la rédaction, qui m’a appris à faire des interviews. Le Sénégal a été mon premier contact avec le journalisme de terrain.

Je réalisais, en juillet 1986, un reportage sur les grèves perlées qui secouaient l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. J’étais accompagné par Siradiou Diallo qui était, à l’époque, le Directeur de la rédaction de Jeune Afrique. C’était un grand-frère que j’ai toujours respecté même si je n’étais pas d’accord politiquement avec lui sur certaines de ses prises de position. J’ai toujours été un militant de gauche et même d’extrême-gauche tandis que lui était plutôt conservateur. En outre, quand j’étais élève, puis étudiant, je lisais beaucoup. Et jusqu’à présent, je lis tout ce qui me passe par la main : les magazines féminins, la presse quotidienne, les revues oubliés par d’autres dans le train, les tabloïds…

Pour le cas du Sénégal, par exemple, je lisais tout : Sud Magazine, Walfadjri, également un magazine à l’époque, Le Politicien, Le Cafard libéré, etc.

Je lisais même des magazines qui sont contre mes propres idées comme ceux d’extrême-droite, par exemple. Je ne les achète pas mais quand je les trouve dans un train, par exemple, je les lis.

En janvier 2005, vous démissionnez avec fracas de Jeune Afrique où vous aviez, quand même, passé grosso modo 19 ans de votre carrière. Etait-ce pour des raisons déontologiques ou une question de « sensibilité » ?

Avec le recul, je pense que j’ai, sans doute, réagi comme un enfant gâté. Mais je suis un homme de principes et M. Ben Yahmed m’aimait bien pour cela. Nous avons eu des accrocs tout au long de l’année 2004. Et quand il est revenu de vacances, comme « cadeau de Noël », il m’a dit qu’il me déchargeait du « Post-scriptum » avec effet immédiat, le jour même de la reprise. Cela revenait à dire que je ne pouvais même pas faire un « Post-scriptum » d’adieu aux lecteurs. Cela m’a fait mal.

J’aurais aimé qu’on en parle à deux, comme d’habitude, dans son bureau car, après tout, j’étais rédacteur en chef ! J’ai estimé que c’est un manque de respect à mon égard et j’ai démissionné.

Cela dit, je n’ai rien personnellement contre M. Ben Yahmed et je lui sais gré de m’avoir mis le pied à l’étrier. Je ne regrette pour autant rien. Si c’était à refaire, je le referais.

Quelle expérience avez-vous tirée de votre long passage à JA ?

C’est d’abord une école de la vie que j’ai bien aimée parce que des gens comme Ben Yahmed, Sennen Andriamirado, Siradiou Diallo, François Soudan, Jean-Baptiste Placca, Renaud de Rochebrune, Sophie Bessis, Maud Sissung, Monique Thibout, Jean-Pierre Ndiaye, Albert Bourgi, Elimane Fall ont, chacun à un titre, contribué à ma formation. J’avais, bien entendu, mon caractère, mais je leur en suis reconnaissant d’avoir fait avec. C’est une école de la rigueur, dure, très dure. On ne devait pas laisser passer la moindre faute d’orthographe.

Quand tu écris ton papier, tu le relis dix fois avant de le faire circuler et il y a 5 ou 6 personnes qui corrigent et qui te le ramènent pour intégrer les corrections. Tout le monde y passait, l’édito de M. Ben Yahmed compris.

D’ailleurs, j’avais l’honneur de faire partie des 5 ou 6 personnes qui relisaient ses éditos. J’avais de bonnes relations avec M. Ben Yahmed, je disposais d’un bureau à moi tout seul. Il me respectait. Il m’a d’ailleurs invité plusieurs fois à son domicile. Très peu de membres de la rédaction ont eu cet honneur. Il me respectait aussi parce que je n’ai jamais demandé d’augmentation de salaire en 19 ans de présence. C’est mon côté béninois, stoïque et fier de l’éducation reçue de mes parents.

J’ai commencé avec un salaire dérisoire quoique doctorant en droit.

Qui sont les confrères qui vous ont le plus marqué dans cette rédaction ?

Sennen m’a formé, appris à écrire, à serrer l’écriture, à la rendre nerveuse. Il m’a toujours dit : « petit, quand tu écris, il faut te faire plaisir. Si tu te relis et que tu t’ennuies, cela veut dire que ce n’est pas bon. Il faut sourire quand tu te relis, sinon ton lecteur va bailler et abandonner la lecture ! » C’est le conseil capital que je donnerai à tous les jeunes journalistes.

Elimane Fall était mon frère même si nous ne nous sommes vus que rarement hors de la rédaction. C’était un philosophe, un garçon qui avait une belle plume. Il savait recevoir des coups, mais, hélas pour lui, il ne savait pas en donner, ce qui n’est, malheureusement, pas bon dans le milieu journalistique.

Jean-Pierre Ndiaye était un de mes parrains et il m’appelait « Boy ! ».

On mangeait souvent ensemble et il m’a beaucoup aidé à me doter de ma carapace. C’est un homme de caractère, original, un intellectuel au vrai sens du terme. Il fait partie des gens qui m’ont initié aux subtilités de l’art et du génie du saxophoniste John Coltrane, mon idole musicale et… politique.

Jean-Baptiste Placca a du cœur, mais c’est quelqu’un d’introverti, il ne se confie que lorsqu’il est en confiance. Il faut gagner son amitié.

François Soudan est un « Ch’ti », il est du Nord de la France, de la région lilloise. C’est un garçon qui a beaucoup de talent au niveau de l’écriture, le sens de la théâtralité et du journalisme. Il y a eu des moments où nous n’étions pas – disons – en phase, mais je l’aime bien. En plus, il a une mentalité à toute épreuve parce que tenir pendant trois décennies à Jeune Afrique, il faut le faire. Il sait dominer ses sentiments, ses joies comme ses colères, ce qui en fait quelqu’un d’impénétrable. C’est le dernier des Mohicans !

Albert Bourgi est mon grand-frère et un vieux complice. Il est plus africain que beaucoup d’entre nous.

Il y a aussi Marwane, qui est un garçon très poli, sensible, respectueux de la préséance, de l’âge, à l’écoute, bref sympathique. A mon sens, il inscrira JA dans la modernité, s’il est bien encadré, s’il ne renie pas l’Afrique et s’il veille à ce que le fort déséquilibre géographique au sein de la rédaction, qu’on note depuis un moment, ne se creuse et n’uniformise le contenu du journal.

Qu’est ce qui explique cette volonté de s’engager, de prendre part à l’histoire qui se fait sur le continent, quitte même à vous défaire souvent, de cette distance que vous impose pourtant votre métier de journaliste ?

Je ne suis pas un journaliste au sens d’observateur, mais un acteur, un Africain engagé. Tout ce que je fais dans ma vie répond à ce souci d’engagement. Que ce soit lorsque j’étais étudiant, journaliste ou aujourd’hui au HCR.

C’est que la gauche, au sens élastique, est ma famille politique naturelle en ce qu’elle incarne des valeurs universalistes, humanitaires et surtout de respect scrupuleux des droits de l’Homme. J’ai juste essayé de transposer ces valeurs dans le journalisme.

Moi, je ne demandais pas à couvrir dix mille pays. Je voulais en couvrir quelques-uns, de manière aussi indépendante et professionnelle que possible.

J’essayais de toujours apprendre, écouter, sentir le pays et, ensuite, de le restituer aux lecteurs. A priori, je n’écrivais pas pour tout le monde. J’écrivais d’abord pour les Africains, du Nord comme du Sud, et je veillais à ce que cela se ressente dans le choix des mots, des expressions, des sujets.

Ma priorité, c’était les lecteurs africains, mais tant mieux si les autres arrivent à me comprendre. A eux de faire un effort.

De mon point de vue, le HCR est une institution onusienne dont la feuille de route comporte, en bonnes places, le respect des Droits de l’homme, l’aide aux plus faibles, notamment les réfugiés, les déplacés, les rapatriés… C’est également une forme d’engagement pour moi.

Quels étaient vos rapports avec les chefs d’Etats africains ?

J’ai connu nombre de chefs d’Etat africains à une période où ils n’étaient pas encore au pouvoir où lorsqu’ils étaient dans l’opposition.

Je fréquentais, par exemple, des membres de l’opposition sénégalaise à une époque où il n’était pas de mode de les fréquenter. Le président Wade, qui dirige le Sénégal depuis 10 ans, je l’ai connu opposant. A l’époque, Jeune Afrique se trouvait sur l’avenue des Ternes et le bureau parisien du PDS était juste en face. Je fais d’ailleurs partie des privilégiés invités à bord du Falcon 50 qui l’a ramené au Sénégal en octobre 1999, à la veille de l’annonce de sa candidature à la présidentielle de février 2000. Il rentrait après un an d’absence.

Pour la petite histoire, je peux vous révéler que je disposais de deux places sur un total de 10 dans l’avion : le candidat Wade, Viviane son épouse, Karim leur fils, à l’époque banquier à la City (Londres), Alioune Diop, un Français de la Générale des Eaux, un communicateur corse du nom de Napoleoni, le pilote, le co-pilote, l’hôtesse de l’air laotienne et mon photographe, Vincent Fournier.

Seul le petit couloir central me séparait de Wade avec qui j’ai pu m’entretenir durant les cinq heures de vol. Une fois à Dakar, il nous a fallu trois heures pour aller de l’aéroport à Colobane, où était un grand meeting rassemblant toute l’opposition de l’époque. Et c’est sans doute ce jour-là que beaucoup ont compris que le Sénégal avait basculé dans le camp du Sopi. Alpha Oumar Konaré, je l’ai connu quand il était directeur de l’ONG Jamana. Il dirigeait également un groupe de presse. C’est un ami que je tutoie depuis cette époque. Quant à son prédécesseur-successeur, Amadou Toumani Touré, je l’ai connu alors qu’il assurait la transition au Mali dans les années 1990. Nous avons gardé le contact pendant sa traversée du désert. Je le connais bien, c’est mon « Koro » (grand-frère en Bamanan, une des langues nationales du Mali. Ndlr).

J’ai toujours rigolé lorsque, même dans les milieux les plus sérieux, j’entends les supputations sur les velléités supposées d’ATT de s’accrocher au pouvoir ! C’est un homme d’honneur.

En ce qui concerne Laurent Gbagbo, je l’ai connu lorsque j’étais étudiant en Normandie. Lui était opposant en exil. On est à tu et à toi. En revanche le président Wade me tutoie, mais je le vouvoie.

Vous étiez avec, Sennen Andriamirado, l’un des spécialistes du Sénégal à Jeune Afrique. Maintenant que vous vivez à Dakar depuis deux ans, quel regard portez-vous sur la vie politique sénégalaise ?

Le Sénégal est une démocratie dotée d’institutions solides. Un exemple : le pouvoir a perdu les dernières élections locales de mars 2009. Il y a, encore aujourd’hui, très peu de pays africains où le pouvoir perd des élections qu’il organise. Feu le président Omar Bongo-Ondimba, que j’ai également connu, disait, avec une franchise empreinte de cynisme, qu’il faut être bête pour organiser des élections et les perdre.

Au Sénégal, le pluralisme politique a “pris” et je suis persuadé qu’on ne peut plus revenir en arrière. On peut néanmoins souhaiter des correctifs allant dans le sens de plus de démocratie à la base. Depuis l’indépendance, et sauf au cours de l’intermède 1981-1983, les dirigeants qui se sont succédé à la tête de l’Etat (Senghor, Diouf et Wade) ont tous été élus. Et chacun a gouverné avec son propre style. Senghor a été le meilleur ambassadeur du Sénégal indépendant. Diouf a dû faire face à la crise économique et aux répercussions sociales de la dévaluation du franc CFA. Et l’avènement de Wade, avec l’alternance de 2000, est l’illustration de la maturité de la démocratie sénégalaise.

Permettez-moi d’insister sur les aspects positifs des deux mandats de Wade. Il a réalisé des infrastructures. On ne mange pas les routes et les ponts, disent certains. A mon sens, à tort. Dans dix ans, on sera bien content de les utiliser, à condition, bien entendu, que la maintenance suive.

Quelle est votre appréciation des relations tendues entre le président Wade et son opposition ?

C’est l’expression du jeu normal de la démocratie. Les opposants sont des républicains. Ils font partie du jeu politique. Je ne crois donc pas que la situation sociopolitique soit plus tendue aujourd’hui qu’hier. Souvenez-vous-en : l’opposant Wade ne laissait aucun répit au président Diouf. Il ne se passait pas de semaine sans qu’il ne mette la pression sur lui. Chacun était dans son rôle. L’observateur politique de la scène politique sénégalaise que je suis note seulement qu’il n’y pas, aujourd’hui, l’équivalent d’un Abdoulaye Wade face à Wade, autrement dit un opposant de la taille de Wade contre le président Wade.

L’avis de l’observateur sur le monument de la Renaissance africaine ?

Une fois achevé, je le trouve plutôt bien. Le président Wade en est le concepteur et mon vieil ami Pierre Goudiaby, un des meilleurs architectes africains, y a mis de son talent. Il a été construit par des ouvriers nord-coréens et non, semble-t-il, par le gouvernement de la Corée du Nord. Mondialisation oblige, il semble même que l’entreprise qui emploie ces ouvriers ait une représentation en France. Il fallait rendre l’ouvrage dans les délais impartis. On a donc recouru à des ouvriers asiatiques qui sont, de réputation, des forcenés du travail.

Cela dit, on aurait pu, c’est vrai, construire en lieu et place du monument le plus grand hôpital ou la plus grande université de l’Afrique de l’ouest, mais je suis persuadé que, très vite, le Monument de la Renaissance africaine deviendra une attraction qui drainera du monde et générera des subsides appréciables pour le secteur touristique et, au-delà, pour l’Etat.

Trouvez-vous fondées les spéculations selon lesquelles le président Wade a le dessein de se faire succéder par son fils à la tête de l’Etat ?

On en parle pratiquement tous les jours dans la presse sénégalaise. Le président n’a jamais dit, sauf erreur de ma part, qu’il avait pour projet d’installer ce dernier à la tête de l’Etat. Le seul fait avéré, pour l’instant, c’est qu’il a annoncé qu’il briguerait lui-même sa propre succession en 2012.

Tous ceux qui remplissent les conditions légales pour briguer la magistrature suprême pourront, le moment venu, s’aligner sur la ligne de départ. Une fois dans l’isoloir, ce sera aux électeurs de trancher.

Vous connaissiez bien Wade et Idrissa Seck avant qu’ils n’accèdent au pouvoir. Avez-vous été surpris par leur brouille ?

Je les ai connus ensemble et Idrissa Seck était un jeune prometteur, l’espoir de Wade surtout après le départ d’Ousmane Ngom. Il était celui qui avait conçu la campagne de Wade en 1988 : les lâchers de ballons, l’hélicoptère, la fanfare, une campagne à l’américaine. Idrissa et moi n’étions pas vraiment des proches. Je connaissais davantage Wade, Boubacar Sall, Ousmane Ngom, Aminata Tall…

Tenez ! Je vais vous faire une révélation : j’étais à Jeune Afrique et lors de l’un de mes passages à Dakar, Idrissa Seck m’a fait l’honneur de m’inviter à dîner chez lui. J’avoue avoir été surpris, car on n’était pas « close ». A ce moment il était Directeur de cabinet du président Wade. Au cours du dîner, il m’a dit :

« Ecoute, il est question de me nommer Premier ministre et je vais accepter la proposition du chef de l’Etat. Si je suis Premier ministre et que le président ne se présente pas à la présidentielle de 2007, je serai en position d’aller à la bataille comme candidat du PDS. Qu’en penses-tu, toi qui es un bon observateur de la vie politique sénégalaise ? »

Et moi de lui répondre : « Merci de la confiance que tu fais en ma modeste personne, mais je vais être franc avec toi : je te déconseille d’accepter le poste de Premier ministre ! Tu seras exposé, alors que le scrutin présidentiel est encore loin. Reste où tu es. C’est un poste stratégique. C’est un observatoire de choix. »

C’est la première fois que j’évoque cette conversation à deux, sans doute parce que le temps a fait son œuvre et que l’information présente aujourd’hui moins d’intérêt.

Idrissa a alors repris la parole : « Je t’ai bien écouté et je te remercie d’avoir accepté mon dîner, mais je vais faire ce que j’ai dit ! J’accepterai le poste de Premier ministre. »

J’ai apprécié sa franchise et je ne l’ai revu qu’au mois de janvier 2009 à Roissy, lorsqu’il s’apprêtait à s’envoler pour Dakar pour une rencontre avec le président Wade. En le voyant, je lui ai lancé : « Te souviens-tu de notre dîner ? »

« Oui, oui, tu avais raison ! »

Nous avons tous les deux éclaté de rire.

Les relations entre un dauphin putatif et celui qui occupe le fauteuil présidentiel sont toujours complexes. Jusqu’à la dernière minute, le titulaire du poste peut changer d’avis. L’expérience montre que, pour avoir les chances d’être adoubé, il faut se faire insignifiant, voire invisible, se faire oublier et attendre.

Benno peut-il présenter une candidature unique à la présidentielle de 2012 ?

Il n’est pas exclu que Benno se regroupe derrière un des ténors de l’opposition. A un titre personnel, j’en doute. Gbagbo m’a dit un jour : « Il n’y a pas de banc présidentiel, mais un fauteuil sur lequel il n’y a de place que pour une paire de fesses ! » Il y a de fortes personnalités à Benno qui pourraient être tentées de se compter, de peser leur audience propre au sein de l’électorat. On peut citer Macky Sall, que je n’ai jamais rencontré, Moustapha Niasse, Ousmane Tanor Dieng, que je connais. Les uns et les autres sont des vétérans de la vie politique et ont leurs farouches partisans.

Que pensez-vous de la décision du président Wade de procéder à la fermeture des bases militaires françaises au Sénégal ?

J’ai toujours trouvé inacceptable la présence, des décennies après l’indépendance, de bases militaires étrangères, quelles qu’elles soient, en Afrique. C’est donc une bonne nouvelle d’autant plus qu’elle semble avoir été décidée de manière concertée entre Dakar et Paris. J’espère que d’autres pays africains emboîteront le pas au Sénégal. La France a, aujourd’hui, les moyens d’assurer la défense de ses intérêts et de ses ressortissants sans entretenir à grands frais une base à l’étranger. Un pays souverain ne devrait pas accepter d’abriter une base étrangère. C’est ce qu’a compris le général de Gaulle en exigeant et en obtenant la fermeture des bases américaines en France.

Cette année, 17 pays africains célèbrent leur jubilé en tant que nations indépendantes. Existe-t-il vraiment des raisons de pavoiser ?

Disposer de la souveraineté internationale est déjà une bonne chose et il n’y a pratiquement plus de pays africains sous domination étrangère directe.

Mais 50 ans, c’est aussi l’heure du bilan. Il n’est guère reluisant : aucun pays africain, même pas l’Afrique du Sud, n’appartient à la catégorie des pays émergents.

Qu’avons-nous fait de nos rêves ? Pourquoi 95% des Africains n’ont-ils pas au moins le bac ? Pourquoi tous les Africains n’ont-ils pas accès aux soins de santé ? Pourquoi les nantis vont-ils se soigner en Europe ne laissant à la multitude d’autre choix que de mourir dans des hôpitaux-mouroirs africains ? Pourquoi notre agriculture ne parvient-elle pas à nourrir tous les fils du continent ? Pourquoi tous les Africains n’ont-ils pas accès à l’Internet ? Et pourquoi, au moindre soubresaut, l’étranger intervient-il ?

Ce sont les vraies questions qu’il faut se poser et, mieux, en identifier les causes pour éviter de transformer l’Afrique en un vaste espace d’indigence.

Estimez-vous réaliste le projet des Etats-Unis d’Afrique ?

Je fais partie des gens qui rêvent depuis des décennies d’une véritable union africaine. En attendant d’y arriver, essayons déjà de vivre ensemble à travers nos cultures, nos musiques, de militer pour l’expansion des règles démocratiques à travers le continent. Au plan économique, il faudra consolider les marchés communs, améliorer la communication entre pays africains, édifier des routes, des ponts…

De quelle Afrique rêvez-vous ?

Je rêve d’une Afrique qui cherche ses propres modèles et référents sur le continent. Il existe des compléments démocratiques à puiser dans chacun des pays africains démocratiques.

Propos recueillis par Amadou Oury Diallo    

le soleil

 

Commentaires via Facebook :