Fototala King Massassy représentera le Mali aux Rencontres de Bamako 2017

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Nous connaissions Lassine Coulibaly, King Massassy, la figure de proue du hip-hop militant malien. Nous connaissions Lassine Coulibaly, le comédien. À présent, beaucoup connaissent Lassine Coulibaly, Fototala King Massassy, dont certains clichés sont exposés à Bamako, à Paris, et sélectionnés pour la Biennale africaine de la photographie. Interview.

King Massassy, parlez-nous de votre évolution professionnelle ? 

J’ai effectivement eu une assez longue carrière sur la scène du hip-hop malien, puis je suis monté sur scène comme comédien. Aujourd’hui, je me consacre presque entièrement à la photographie. Je m’y suis mis très sérieusement en 2015. Je me suis acharné pour définir mon angle de travail. Je fais beaucoup de contre-plongée, c’est-à-dire que je prends la photo du bas vers le haut. C’est un peu ma marque de fabrique ici. J’ai commencé à publier mes clichés sur les réseaux sociaux. Cela m’a beaucoup aidé à faire connaître mon travail. Je suis touché de constater que beaucoup de photographes maliens se mettent maintenant à cette technique. C’est étonnant d’inspirer les gens. Chaque fois que je publie une de mes photos sur les réseaux sociaux, j’y joins un proverbe ou une sentence africaine, c’est aussi ce qui rend atypiques mes messages.

Dites-nous en plus sur votre approche photographique.

Je fais quelques mises en scène de mes sujets, même si c’est très délicat. J’aime surtout photographier les gens sans préparation, les prendre sur le vif, comme on dit. J’essaie toujours d’étendre mes sujets. Ma façon de prendre une photo varie d’une fois sur l’autre. Je fais ce que j’appelle «le grand écart», c’est-à-dire que l’angle de mes clichés est très ouvert. Comme je vous le disais, je fais beaucoup de contre-plongée. Parfois, les gens ne savent même pas que je les prends en photo, ils restent donc naturels. Mais la plupart du temps, je vais vers eux pour leur demander l’autorisation, car je ne veux tromper personne.

Vous savez, au Mali comme ailleurs, les gens n’aiment pas toujours qu’on les photographie. Ils se méfient car souvent, les touristes, de manière involontaire je crois, les prennent en photo plus pour immortaliser leur misère que leur beauté. Dès qu’ils rentrent de voyage, ils postent leurs clichés sur internet pour montrer les misères africaines dont ils ont été témoins. Et pourtant, notre continent est celui de la joie palpable. Donc, parfois, ce n’est pas facile pour nous photographes professionnels. Il arrive assez souvent que les gens me reconnaissent, ils m’ont entendu chanter ou vu jouer sur scène ou à la télévision, donc établir le contact avec eux est moins difficile pour moi. J’aime beaucoup faire les photos en noir et blanc, parce que j’estime que c’est ce qui permet d’aller vers l’essentiel, c’est-à-dire l’esthétique, le graphique. Avec le noir et blanc, on va vers l’âme du sujet, l’âme des gens. Le noir et blanc me rend nostalgique d’une Afrique que j’ai vécue, celle des années 70, 80 et 90, celle des années «mali twist». Chaque période a son moment de gloire, de joie, de bonheur, de tristesse. Donc, j’essaie de saisir le moment de maintenant, celui de mon temps actuel.

Quel écart y a-t-il entre la photo africaine d’autrefois et celle d’aujourd’hui ?

En Afrique, il y a eu les photos de tresses, d’accoutrements traditionnels, puis les photographes ont mis en scène leurs sujets car ils cherchaient une esthétique originale. Aujourd’hui, dans la photo de mode, il y a beaucoup de jeunes photographes africains qui sont très hardis. Ils sont hardis dans le traitement du sujet, hardis dans l’angle de prise de vue. Ils font des choses différentes de ce qu’on voit dans les magazines de mode occidentaux. Les photographes africains osent, ils brisent les codes. À terme, leur nouvelle façon de photographier la mode apportera sans doute beaucoup à ce monde assez fermé. La nouvelle génération de photographes africains essaie de sortir de l’ancien style. Nous voulons sortir le regard sur l’Afrique de l’habituel regard focalisé sur l’Afrique de toutes les désolations.

Comment devenir soi-même quand vos aînés figurent sur la liste des plus grands photographes du monde ?

Après celle consacrée à Seydou Keita en 2016, l’exposition «Malick Sidibé, Mali Twist», permet à ceux qui sont à Paris actuellement, d’apprécier à nouveau l’envergure du patrimoine photographique malien. Cette reconnaissance internationale donne confiance aux jeunes photographes africains en général, et maliens en particulier. Keita et Sidibé sont nos grands aînés. Ils ont apporté au Mali la réputation de pays des grands photographes. Les jeunes ne peuvent pas uniquement se reposer sur cette réputation. L’art de Keita et Sidibé est un très bel héritage, mais c’est un héritage lourd à porter. Les jeunes qui ont envie d’assurer après eux, de reprendre le flambeau, doivent créer, ils doivent innover, ils doivent devenir eux-mêmes.

Dans quelques jours débutent les Rencontres de Bamako, la biennale africaine de la photographie. C’est un grand défi pour vous, n’est-ce pas ?

En 2015, j’ai eu l’honneur d’être sélectionné pour participer aux Rencontres de Bamako. J’ai été considéré comme la révélation de cette 10ème édition, ce à quoi je ne m’attendais pas, car je débutais dans ce domaine.  Les Rencontres de Bamako 2017 qui débuteront le 2 décembre prochain ont pour thème «Afrotopia». Afrotopia, c’est l’utopie africaine, ce qui pour moi signifie «joie, couleurs, folie atypique, rage de vaincre en apportant un boulevard d’espoir là où on se guette en chiens de faïence». Voilà pourquoi j’ai candidaté à cette 11ème édition  avec quinze clichés en couleurs. J’ai été sélectionné. Je suis content. Je suis le seul photographe malien à avoir été accrédité. C’est à la fois un grand honneur et un lourd fardeau. Il va falloir que j’assure ensuite. On m’attend au tournant, donc j’ose vous dire avec le sérieux de l’humour que je prendrai la ligne droite. Beaucoup de photographes africains célèbres sont passés par les Rencontres de Bamako. Donc, pour moi, c’est une opportunité incroyable, mais je mesure la portée du travail que je dois fournir. Je ferai tout pour porter haut le drapeau malien, pour porter haut la photographie africaine.

Quel danger les «selfies» font-ils courir à la photographie ?

Le monde actuel de la photographie malienne est très hétéroclite. Pour les photographes professionnels c’est de toute façon un métier. Pour certains c’est avant tout un choix alimentaire. Tous prennent la photographie au sérieux. Pour les photographes amateurs, c’est autre chose. Ils utilisent souvent les logiciels de leur smartphone pour améliorer leurs clichés. Il y a un phénomène ici à Bamako. Les gens se prennent en selfie, ils envoient leurs photos à des techniciens auto-proclamés, assis quelque part en ville, qui vont traiter le fichier reçu, le modifier comme bon leur semble. Ce qui a été photographié est parfois méconnaissable, mais les gens qui leur ont passé la commande sont contents du résultat et le partagent sans préciser que la photo a été retouchée. C’est le nombre de «like» et de commentaires récoltés pour la photo qui les intéresse. Nous sommes très loin de l’objectif qualitatif que les photographes souhaitent atteindre.

Je vous laisse le mot de la fin, Fototala King Massassy.

Je vais vous surprendre car je vais sortir du champ purement visuel de la photographie. J’estime que l’alphabétisation et l’apprentissage pour toutes et tous nous permettront d’aller plus loin. J’incite donc toutes les Maliennes, tous les Maliens à lire, à lire beaucoup, car la lecture est un tremplin vers la connaissance. Nous savons que pour connaître l’Autre, nous devons d’abord  passer par la connaissance de nous-mêmes. Chacun doit commencer par faire le tour de lui-même avant de faire le tour de l’autre. C’est la lecture qui le permet. Les talents de chacune et chacun pousseront alors sur le terreau de cette connaissance.

Françoise WASSERVOGEL

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