Le gouvernement de la transition a décidé, lors du conseil des ministres du mercredi 5 février, d’augmenter la « Taxe sur l’Accès au Réseau des Télécommunications Ouvert au Public », en abrégé TARTOP, dont le taux était fixé à 5% selon la loi de finances de 2013 et qui passe à 7%. Cette somme sera prélevée sur le chiffre d’affaires des entreprises de télécommunications opérant au Mali.
L’exécutif a également introduit une contribution spéciale de solidarité, consistant en un prélèvement spécifique sur la consommation des services de communications téléphoniques et les opérations de retrait d’argent via le mobile money. Concrètement, pour chaque recharge de 1 000 francs CFA, le consommateur recevra 900 francs CFA de crédit, soit une retenue de 10%. Ce n’est pas tout, une taxe de 1% est également instaurée sur les transferts via mobile money.
Afin de mieux comprendre le sujet, le journal Le Wagadu s’est entretenu avec Modibo Mao Makalou, président du cabinet de conseil IBS. Selon l’ancien sherpa de la Commission de l’Union africaine et du Nepad, l’instauration de ces nouvelles taxes vise à renflouer les caisses de l’État, lequel est confronté à une rareté de ressources financières.
Le Wagadu : Que pensez-vous de l’adoption par le gouvernement de nouvelles mesures fiscales lors du conseil des ministres du 5 février 2025 ?
Modibo Mao Makalou : Selon le Code général des impôts du Mali, il est institué, au profit du budget de l’État, une taxe dénommée « Taxe sur l’Accès au Réseau des Télécommunications Ouvert au Public », en abrégé TARTOP dont le taux était fixé à 5% selon la loi de finances 2013 et qui augmente à 7%.
L’assiette de la TARTOP est constituée par le montant hors TVA du chiffre d’affaires réalisé par le titulaire d’une licence d’exploitation du réseau des télécommunications ouvert au public. Ce sont les trois titulaires de licences d’exploitation du réseau des télécommunications ouvert au public fixes et/ou mobiles qui sont les redevables réels et légaux de la TARTOP.
L’Ordonnance No.2025-007/PT-RM du 7 février 2025 institue, au profit du budget de l’Etat, une contribution dénommée « Contribution spéciale de Solidarité », en abrégé « CSS » qui est assise sur le chiffre d’affaires hors taxe réalisé par les entreprises relevant de l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux ou de l’impôt sur les sociétés. Le taux de la contribution spéciale de solidarité est fixé à 0,5%.
L’Ordonnance No.2025-007/PT-RM du 7 février 2025, institue par ailleurs, au profit du budget de l’Etat, une Contribution spéciale sur la Consommation des boissons alcoolisées qui est à la charge du consommateur desdites boissons. La base de la contribution est le volume en litres pour la production locale et importée
Le Wagadu : Est-ce que l’adoption de ces différentes mesures n’est pas l’illustration des difficultés économiques que connaît le Mali ?
Modibo Mao Makalou : Selon le projet de loi de finances 2025, la politique budgétaire viserait à maintenir un solde budgétaire global compatible avec la viabilité de la dette publique en 2025. Le solde budgétaire global (dons inclus) serait orienté à la baisse de -4,4% dans la LFR2024 à -3,5% dans le PLF2025, les normes des critères de convergence fixant la limite du solde budgétaire à -3%.
Les recettes fiscales nettes augmenteraient d’environ 1,4 point de pourcentage en 2025 pour se situer à 16,2% du PIB contre 14,8% dans la loi de finances rectifiée 2024. La prévision des recettes fiscales nettes, constituées d’impôts directs et indirects, est fixée à 2 334,491 milliards de FCFA en 2025 contre 2 071,369 milliards de FCFA dans la loi de finances rectifiée 2024, soit un accroissement de 263,122 milliards de FCFA, ou un taux d’augmentation de 12,70%. Les dons devraient baisser de 0,1 point de pourcentage, passant de 0,6% du PIB en 2024 à 0,5% en 2025.
En ce qui concerne les dépenses budgétaires, elles augmenteraient pour atteindre 21,1% du PIB en 2025 contre 20,6% dans la loi de finances rectifiée 2024. Les dépenses courantes représenteraient 16,2% du PIB en 2025, tandis que les dépenses en capital (elles s’élèveraient à 4,9% du PIB.
Ainsi, le déficit budgétaire (dons inclus) diminuerait de 0,9 point de pourcentage pour s’établir à 3,5% en 2025 contre 4,4% dans la loi de finances rectifiée 2024, soit 581 milliards FCFA en 2025 contre 683 milliards FCFA en 2024.
Le Wagadu : Est-ce qu’il n’y a pas une autre manière de financer l’économie malienne sans passer par l’augmentation des taxes qui aura des répercussions sur les citoyens ?
Modibo Mao Makalou : Dans presque tous les pays du monde, les dépenses budgétaires dépassent les recettes budgétaires. Le fonctionnement d’un Etat qui agit en puissance publique exige des missions régaliennes comme les services sociaux de base, la défense, la justice… Le déficit budgétaire est financé par la dette publique (qui est constituée de la dette intérieure qui est libellée en monnaie locale et de la dette extérieure qui est libellée en monnaie étrangère qui lorsqu’elles sont librement convertibles sont appelées devises).
Aussi certains pays qui bénéficient de l’assistance extérieure ou l’aide publique au développement l’utilisent pour combler une partie des déficits budgétaires. Malheureusement, cette aide publique au développement est en train de tarir car ceux qui fournissent l’aide sont eux-mêmes confrontés à des difficultés financières et budgétaires ou ont décidé de réformer l’assistance extérieure.
Notons que les 8 pays membres de l’Union monétaire ouest- africaine (UMOA), qui ont en partage le FCFA en Afrique de l’Ouest, utilisent constamment le marché sous-régional monétaire et financier pour financer la trésorerie des 8 États membres et combler les déficits budgétaires. Ce qui fait augmenter aussi la dette publique qui s’élevait à 49,1% du PIB en 2024, un niveau encore soutenable selon les critères de convergence de l’UEMOA, qui exigent un seuil de l’encours de la dette en deçà de 70% du PIB.
Selon la stratégie d’endettement de notre pays, le besoin de financement net sous forme d’emprunts est estimé à environ 1480,7 milliards de FCFA en 2025 contre 1476,3 milliards FCFA en 2024.
Propos recueillis par Abdrahamane SISSOKO