…Fatoumata Sidibé dite Faty une malienne (d’origine) députée au parlement belge à Bruxelles : ” La crise actuelle résulte d’une régression de vingt ans… “

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– D’année en année, je sens la poussée de l’extrémisme religieux

 

Fatoumata Sidibé dite Faty une malienne (d’origine) députée au parlement belge à Bruxelles
Honorable Fatoumata Sidibé dite Faty

Peulh du Wassoulou, l’honorable Fatoumata Sidibé du parlement bruxellois est la fille du premier comptable de l’ambassade du Mali en Belgique. Cette grande dame, qui n’est pas encore au bout de ses ambitions, défend les couleurs du fédéralisme démocratique francophone (FDF) à l’Assemblée belge pour un second quinquennat. Mère d’un garçon de 26 ans qui vit en Californie et à qui elle a inculqué le respect des valeurs humaines, celle qu’on surnomme affectueusement Fathy est une fervente militante des droits humains, artiste peintre et écrivaine. Elle est issue d’une famille de dix enfants. Par le biais de la culture, la ravissante députée a su se frayer un chemin dans l’arène politique en étant, aujourd’hui, la seule députée originaire du Mali à un parlement européen.

 

Bamako Hebdo : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs?

Fathy : Je suis Fatoumata Sidibé, belge d’origine malienne. Je suis en Belgique depuis 34 ans d’affilée. Avant ça, j’avais passé quelques années avec mes parents en Allemagne et à Bamako où je suis née. Ensuite, je suis repartie début 1981 après les émeutes estudiantines. J’ai poursuivi mon cursus, j’ai fait le secondaire dans la section scientifique industrielle. Ce qui m’amènera à l’université catholique de Louvain (UCL) où j’ai entamé deux candidatures en sciences économique politique et sociale et, deux ans plus tard, en sciences de communication sociale (journalisme) où je suis sortie avec une licence. Avant la fin de mes études, j’ai beaucoup écrit dans les journaux français et belge issus de la diaspora. Quand j’ai terminé, j’ai beaucoup travaillé dans le journalisme comme freelance dans les journaux d’ONG sans vouloir y travailler à plein temps.

En 1991, j’ai commencé à travailler comme correspondante permanente du magazine ” Amina ” à Bruxelles toujours en tant que freelance. Une collaboration qui va durer 20 ans. J’ai travaillé pour des journaux français et belges, j’avais toujours mon boulot à côté. Je travaillais dans le secteur des relations publiques, de la communication, les organisations associatives et l’insertion professionnelle. Et, depuis 2009, je suis députée au parlement de la région de Bruxelles. J’ai été reconduite dans mon second mandat qui a commencé pour cinq ans depuis mars 2014.

 

Vous êtes Sidibé de quelle partie du Mali ?

Mon père Toumani Sidibé venait de Konfara Yanfolila, dans le Wassoulou. Les peulhs étant de grands nomades, la famille s’est installée à Mahina, dans la région de Kayes. A Bamako, ma famille paternelle est installée au quartier Hamdallaye, un des vieux quartiers de la capitale malienne. Mon père fait partie des premiers élèves de l’école coloniale qui ont eu la chance d’aller étudier en France en 1927.

 

Quel est l’objet de votre visite au Mali aujourd’hui ?

Je suis venue voir ma famille et aussi parce que j’ai des contacts çà et là, j’ai souhaité revenir à la source puisque ça fait deux ans et demi que je ne suis pas venue. Donc, comme j’avais un peu de temps, voilà, je suis venue. J’avoue que les choses sont chères.

 

Une Noire à un poste de responsabilité en Europe, ce n’est pas courant, alors, comment êtes-vous arrivée au parlement bruxellois ?

C’est tout un faisceau de circonstances, mais j’ai toujours été une femme présente sur plusieurs fronts notamment l’écriture, la peinture et j’ai été militante des droits humains. Ce qui m’a permis de me faire une certaine notoriété dans le paysage de la diversité. L’année 2006 a été l’élément déclencheur à travers le lancement avec quelques militants à Bruxelles de la branche de l’association du mouvement français ” ni pute ni soumise “. Cette association, née dans les banlieues françaises, avait pour mission d’attirer l’attention sur les conditions des filles, la diversité de l’immigration, les banlieues françaises abandonnées, le patriarcat, la violence envers les filles qui se battaient contre la montée de l’extrémisme.

 

Ce lancement a été une boule de neige, on était sollicité à des colloques, des conférences. Ce mouvement était du bénévolat que j’exerçais à côté de mon travail. En 2007, le parti FDF (les fédéralistes démocratiques francophones) m’a sollicité pour être sa candidate aux élections législatives, j’ai décliné l’offre, mais je n’avais jamais fait la politique et secundo, je n’étais pas prête.

Après un an et demi de réflexion, on m’a de nouveau sollicitée en me disant que j’ai tort de ne pas tenter l’expérience, parce que «tu vas faire ce que tu fais d’une autre manière». J’ai donc tenté l’aventure et je me suis présentée en 2009 sur la liste des élections régionales du parlement belge.

 

Quelle lecture faites-vous de l’évolution de la démocratie malienne après les derniers évènements survenus au Mali?

J’ai quitté le Mali en 1981 lorsque la jeunesse estudiantine manifestait, se révoltait pour plus de démocratie. Je suis aujourd’hui étonnée de voir qu’en termes de démocratie, ceux qui sont à l’extérieur, dans la diaspora, ne sont pas pris en compte ou sollicités. Je pense que la démocratie n’a de sens que par rapport à la liberté d’expression de l’opposition et   ce que j’ai constaté par rapport à ce qui se passe actuellement, c’est que la grave crise économique, politique, sécuritaire que le Mali traverse est la résultante d’un long chemin de régression d’une vingtaine d’années pour moi qui viens de l’extérieur. Je n’ai pas été surprise de voir ce qui se passe au nord du Mali mais ça été un choc. D’année en année, je sentais la poussée de l’extrémisme religieux. Depuis 2000, je constate une mainmise des religieux dans un contexte international. A ce niveau, il n’y a pas que le Mali.

Actuellement, je ne peux me prononcer sur la démocratie à la malienne, parce que je ne la vis pas. Ce que je constate, par contre, c’est la longue crise économique, sociale, la désespérance dans laquelle vit le peuple malien. Depuis quelques années, on constate un fossé qui se creuse au sein d’une population majoritairement pauvre. Ce que vivent les Maliens c’est le rêve de la fatalité. Le peuple malien, aujourd’hui, mériterait qu’on l’entende, parce que ce peuple est arrivé à un degré de désespoir, de pessimisme immesurable. J’ai suivi les élections passées, les Maliens ont mis énormément d’espoir dans ce scrutin. Ils méritent qu’on les entende, écoute et qu’on pense à eux.

Avez-vous des rapports avec la classe politique malienne ?

Je n’ai pas d’accointance politique au Mali. Mes accointances politiques ne sont pas au Mali. Je n’ai pas de parti dont je me sens proche pour la simple raison que pour cela, il faut que je puisse m’impliquer. En tant que Malienne de l’extérieur, je n’ai jamais été sollicitée concernant le Mali. Et comme ma vie est bien remplie, je n’ai pas le temps de courir derrière l’information.

Pour coller à l’actualité, vous n’êtes pas sans savoir que le Mali a des difficultés avec le FMI. Vous en tant que députée au parlement de Bruxelles, quel peut-être votre apport pour rétablir la confiance et relancer la coopération entre le Mali et cette institution ?

Je ne me sens pas mieux placée pour discuter des difficultés que le Mali peut avoir avec les instances internationales. Je dirais que le Mali, comme beaucoup de pays africains, a des problèmes de bonne gouvernance. La bonne gouvernance, c’est ce qui permet aussi à l’extérieur de se faire respecter. L’Afrique en général, le Mali en particulier, a toutes les potentialités pour se prendre en main. Je constate que le continent noir est un continent étranglé où sévit la mondialisation, la crise économique. Mais je pense aussi qu’il est temps, urgent, que nous fassions notre rétrospection, que nous puissions nous demander ce que nous pouvons changer de l’intérieur. La corruption, la mal gouvernance ne sont pas une question de FMI. Il y a un problème de mentalité qu’il faut changer et tant qu’on ne le fera pas, on aura du mal à être crédible de l’extérieur. On ne doit pas toujours aller demander là où il y a la responsabilité.

 

Quel est votre coup de cœur?

Je crois qu’aujourd’hui, nos gouvernants, nos dirigeants doivent être un peu plus près des attentes du peuple. Le peuple attend une éducation de qualité. Au Mali, l’éducation est défectueuse depuis de nombreuses années. Tant que le Mali va continuer à maltraiter sa jeunesse, il n’aura pas l’occasion de construire son avenir. Le peuple cherche à manger, le coût de la vie est tel que les gens ne pensent plus comme il le faut. Bamako est devenue une ville effarée, l’urbanisation n’est pas bien faite. Donc, les besoins de base des Maliens ne sont pas assurés. Ça, c’est une question de volonté politique. Il faut imposer, édicter à la population les règles de conduite.

 

Par ailleurs, pendant la crise au Mali, j’ai bougé dans mon petit coin en animant des conférences, des communiqués de presse, j’ai alerté l’opinion, pour essayer d’aider mon pays d’origine, tous ceux qui me connaissent le savent. J’ai été frustrée de savoir que des parlementaires sont partis au parlement européen pour témoigner, je n’ai pas été informée. Ça fait mal au cœur de savoir, étant la seule députée en Occident d’origine malienne, que la Belgique me reconnaisse, pourtant je ne suis pas née belge. Et, dans mon pays d’origine, sachant bien mon existence, on ne me reconnait pas et on me nie, c’est pire. Ça fait très mal, mais c’est malheureusement mon coup de gueule, ceci parmi tant d’autres.

 

Etes-vous féministe ?

Je suis une grande féministe qui se bat beaucoup pour les droits humains. Je pense qu’il est important que les femmes soient présentes à tous les niveaux. 14 femmes sur 147 députés, il n’y a pas de quoi être fier. Je souhaiterais rencontrer ces femmes du parlement malien pour qu’ensemble on fasse avancer la visibilité de la femme dans notre société.

Quel est votre passe-temps favori ?

La peinture, l’écriture et le sport. J’ai écrit un premier roman en 2006 ” Une saison africaine “ publié chez Présence africaine. Cela va me conduire à Tombouctou avec Etonnants voyageurs. Parallèlement à ça, je peins les masques essentiellement depuis février dernier, j’ai mis dans les bacs un second livre d’art poétique de 370 pages où les masques parlent aussi. Le sport, je le pratique une fois par semaine et, comme une vraie peulh nomade, j’adore voyager, au moins trois à quatre fois dans l’année.

Quel est votre secret de garder la ligne et une peau bien soignée ?

(Rire), je me suis donnée le droit d’exister. Mon secret, c’est de dire aux femmes qu’il y a un temps pour donner la vie et un temps pour se donner la vie. Souvent, on est mère et on oublie qu’on est aussi une femme. Il faut savoir dire non à toutes ces charges qui vous empêchent de penser à vous, de faire un peu de sport surtout. C’est mieux d’éduquer les enfants, mais les femmes doivent pouvoir se dire: nous sommes les gardiennes des traditions, on vit dans un monde patriarcal, c’est vrai, mais nous sommes celles qui perpétuent les traditions.

Alors, il faut que chaque mère se dise: ” il faut que mes enfants aient plus de droits et de devoirs que ce que j’ai eu, éduquons nos enfants non pas comme des rois mais comme des êtres humains, car une femme épanouie donne des enfants épanouis, les enfants parfois regardent ce qu’on fait, pas ce qu’on leur dit de faire “. Mon fils, je l’ai éduqué avec ce respect de l’égalité des droits et de devoirs entre les hommes et les femmes et c’est fondamental.

 

Votre mot de la fin

Ce beau pays que j’ai laissé quand j’étais petite, j’y crois encore. Mon pays, je l’ai toujours dans mon cœur, dans mes écrits et dans mon comportement de tous les jours. Je suis heureuse d’être au Mali aujourd’hui, parce que je suis fière d’être une Malienne, mais il faut un changement de mentalité et que chacun à son niveau soit en mesure de faire quelque chose. Mais il faut que ceux qui tiennent les rênes du pouvoir inoculent le virus du changement. Le Mali doit absolument tendre la main à sa diaspora en intégrant ceux qui désirent revenir.

 

Réalisée par Fatoumata Mah Thiam KONE

Commentaires via Facebook :

11 COMMENTAIRES

  1. Ma sœur , n'attend pas qu'on parte te rechercher pour une cause nationale! il faut venir de soi même! chacun doit jouer le rôle qui est le sien dans la construction de cette grande nation!

  2. Fatoumata Sidibé est l’exemple type de l’africain-e qui, une fois qu’il a percé à l’étranger, essaie d’apporter son expérience à son pays natal.
    Seulement en Afrique la très grande majorité des présumés élites sur place sont des “ayant fait fonction de”. Ils n’ont pas la compétence requise pour leurs postes et cela les conduit à considèrera leurs compatriotes de l’extérieur comme une menace pour leur bonne situation.

    Certains maliens ont eu les mêmes mésaventures qu’elle dans d’autres domaines en essayant d’aider le Mali.

    Les élites de l’intérieur pensent qu’on doit les corrompre, les supplier pour pouvoir les aider à faire avancer le Mali.
    Et comme ils savent que ceux de l’extérieur n’aiment pas ces choses alors ils essaient de les contourner.

    Seulement les PTFs qui ne sont pas des i-d-i-o-t-s ont fini eux aussi par en avoir marre. D’où la création des ONGs.

    C’est aussi pourquoi le parlement européen a fini par prêter une oreille attentive aux rebelles.

  3. Félicitations mme Fatoumata SIDIBE.Mais n’oublies pas ceci: Au Mali, nous sommes tous “hassidi” plusqu’autre chose!Rien qu’à lire certains commentaires on sent que les gens sont AIGRIS MÊME QUOI!Sinon un compatriote malien qui “perce” à l’étranger doit être une fierté pour tous.Quoi de plus merveillé que de voir une malienne d’origine, député à l’AN Belge! 🙄

    • Sambou-le-raciste, toi et tes diatigui IBK et Moussa Joseph ne voyent que des hassidi partout, on se pose la question si vous n’etes pas les meilleurs hassidi et niango sur terre?

  4. Vous êtes Sidibé de quelle partie du Mali ?
    Qu’est ce qu’on a à foutre?

    La Belgique connait une situation politique plus compliquée que le Mali, les Belges ont fait plus de 15 mois sans gouvernement…Mais pas un seul coup de feu et d’autre forme de barbarie.

    “La crise actuelle résulte d’une régression de vingt ans”
    La seule particularité de ma chère Lady c’est d’être en Belgique, à part cela je ne la reconnait ni talent ni patriotisme plus que les acteurs politiques du Mali.
    Mais bon…pouvoir MOBILISER Fatoumata Mah Thiam KONE pour qu’elle jubile là où il n ‘y a rien à pavoiser, ce n’est pas trop difficile.
    De cet article, la seule information que j’ai retenue est que cette bonne dame est dépité belge,… Disons qu’elle a bien rentabilité son billet d’avion!

    Enfin, elles ont pu se dire des trucs de femme aussi:
    Quel est votre secret de garder la ligne et une peau bien soignée ? 😀 😀

  5. Cette malienne merite d’être encouragée,malgré tout ce temps passé à l’exterieur et ses avantages,elle se reconnait toujours malienne et pensé á apporté sa Pierre à l’ediffice maliba l’objecti de tout bon malien,ce qu’elle a est pertinent,la plaie de l’afrique en generale et du mali en particulier,c’est la mauvaise gouvernence car,ceux qui gouvernent ont etudié dans les pays developpés,une fois au pouvoir ils se doivent d’expliquer au peuple comment amener le changement,en commençant par eux même,le changement dans le mental,le comportement de tous les jours,je l’encourage dans son combat pour le bien être de la persone.merci

    • Sikasso, vous pensez que si elle n’avait pas cette nationalite belge, elle allait pouvoir y rester pdt 34 ans et aussi etre au parlement? et ensuite vouloir apporter cette experience aux services de son pay d’origine.

    • Sikasso,le fait qu’elle soit belge de nationalité ne la rend pas moins malienne. Au contraire c’est un plus pour mieux aider et se rendre utile à sa patrie.En plus elle est députée ce qui est une fierté pour ses compatriotes.
      Bravo!! à cette dame ,bonne continuation pour elle

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