Entretien avec Habib Dembélé dit Guimba : «Ces Maliens semblent donc visiblement désespérés quant à l’avenir du pays commun, et à leur propre devenir»

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Les raisons de sa candidature, la situation sociopolitique et la situation sécuritaire ont été les grandes lignes de cet entretien que Guimba national a accordé au professeur Assadek. D’après lui, les Maliens semblent donc visiblement désespérés quant à l’avenir du pays commun, et à leur propre devenir, et ils tiennent pour responsables les politiques qui leur ont fait des promesses d’espérance. «Visiblement, ceux-là, dont le vote réel est déterminant pour le résultat des élections, ont perdu espoir en ceux qui les ont fait rêver, ils veulent quelqu’un de nouveau, car comme les disent les connaisseurs, ‘On ne peut avoir assez de ce qu’on n’a jamais goûté».

Vous vous présentez à l’élection présidentielle prochaine. En quoi cette candidature répond aux aspirations de changement de la population malienne ?

Habib Dembélé : Les Maliens dans leur immensité, pas ceux qu’on voit à la télévision d’Etat remercier le président de la République pour telle ou telle action, donnant l’impression qu’elles sont des raisons aux couleurs électoralistes ( ils ne sont pas tous forcément ses amis, car le chemin de l’hypocrisie longe de tout temps celui de la sincérité), mais ceux-là qui ont faim, ceux-là qui ne peuvent pas se soigner, ou qui se soignent par tâtonnement, ceux-là dont les enfants sont défavorisés sur le plan des études, ces enfants dont les conditions sont prises en otage pour que le fils du cordonnier reste cordonnier, pour que le fils du petit laboureur reste laboureur de champs alimentaires, pour que le fils de l’apprenti conducteur reste conducteur ou au mieux chauffeur, pour que le petit commerçant soit petit boutiquier, ceux qui ont peur de la fin du mois pour le loyer, l’électricité, les remboursements des petites dettes contractées auprès des connaissances…pour que le fils du petit demeure tout petit au mieux petit…tous ceux-là, qui, après avoir pu manger aujourd’hui, disent : DIEU MERCI POUR AUJOURDHUI, PUISSES-TU NOUS FACILITER LE DUM KA FA DE DEMAIN….

Ces Maliens semblent donc visiblement désespérés quant à l’avenir du pays commun, et à leur propre devenir, et ils tiennent pour responsables les politiques qui leur ont fait des promesses d’espérance. Visiblement, ceux-là, dont le vote réel est déterminant pour le résultat des élections, ont perdu espoir en ceux qui les ont fait rêver, ils veulent quelqu’un de nouveau, car comme les disent les connaisseurs, “On ne peut avoir assez de ce qu’on n’a jamais goûté”. C’est vrai que je n’en suis pas à ma première expérience, mais ceux-là savent que je ne suis pas un vieux nouveau.

Avez-vous la volonté de représenter une minorité à cette élection ?

Si la minorité, c’est ceux-là sans voix, c’est-à-dire ceux qui crient au secours, parce qu’un seul type favorisé par le système en place depuis des décennies pèse plus lourd que des milliers d’individus, alors ma voix est celle de la minorité. Mais, je pense que, en voix, si j’ai cette minorité, le résultat final me sera favorable.

Expliquez-nous brièvement votre projet pour le Mali ?

Les problèmes maliens sont connus de tous les Maliens, qu’ils soient instruits dans la langue française ou non, car la langue n’est pas le savoir, c’est le transport du savoir vers une destination bien donnée, c’est-à-dire grosso modo les peuples, évidemment que pour ceux qui ont fait des études de langue, une langue de plus est un diplôme de plus. Les problèmes du Mali, disais-je, sont connus de toutes les Maliennes et de tous les Maliens, y compris les élus, les futurs et anciens candidats eux-mêmes. Quand nous étions candidats en 2002, j’ai découvert qu’il existait des faiseurs de programmes pour candidat, qui, à l’époque d’ailleurs, ont pu se faire beaucoup d’argent auprès des candidats riches.

On m’a souvent dit ” Hé Guimba, c’est moi qui as conçu le projet de société de tel ou de tel candidat…. Le problème est que les candidats, de tout temps, n’ont jamais été clairs quant à la solution à apporter pour la concrétisation de leur projet… même si certains, avec leur argent, payent de brillants économistes pour fournir des solutions possibles, solutions jetées la plupart du temps dans le panier de la vendeuse d’arachides. La question, c’est la volonté d’utiliser les vrais moyens pour résoudre les vrais problèmes du pays. LA VOLONTE. Evidemment que je n’ai pas le droit de dévoiler le plan qui est le nôtre, sinon mon équipe de campagne va me tuer à juste titre… Je n’oublie pas qu’il y a des usurpateurs d’idées qui rodent partout… Ne sommes-nous pas déjà dans une «campagne ouverte» qui ne dit pas son nom ?

Qu’est-ce que vous préconisez pour l’accès des handicapés à l’emploi ?

Il y a toutes sortes de handicapés dans notre pays. Les handicaps sont multiples et différents. Une solution globale ne peut être adaptée à tous. Je pense qu’il faut créer un organe très opérationnel, ou un ministère chargé des handicapés qui aura pour tâche, d’identifier et d’essayer de trouver des solutions fiables à chaque groupe de cas, car aucun cas n’est ni humainement ni politiquement négligeable. Il faut y travailler de sorte que la société elle-même comprenne que dans la vie toutes les âmes s’équivalent… Notre père, Ismael Konaté, paix à son âme, aura été une remarquable personne, dans tous les sens, pour le Mali. Qui peut douter une seule seconde de l’intelligence et de l’immensité du service rendu à la nation par Amadou Bagayogo ? Que dire de Salif Keita qui a su, avec honneur et dignité, rehausser l’image du Mali sur tous les chemins du monde répertoriés ?

Qui mieux que lui ? Le Professeur Assadeck est connu pour être un des plus grands mathématiciens de notre époque, et dont les anciens élèves se sont versés dans tous les domaines de l’Etat… Ceux-là sont en effet des exceptions mais, avec la volonté politique, beaucoup de handicapés pourront réaliser leur rêve, servir le Mali comme ils l’entendent, et bien le servir… Un handicapé n’a généralement pas de handicap à être patriote et à le prouver, ceux qui s’illustrent dans des hauts faits de traîtrise à l’égard de la patrie sont des handicapés inutiles. Il faut réveiller dans la conscience populaire la vérité qui dit que dans la vie toutes les âmes s’équivalent, sans distinction de race, de rang social, de sexe, d’âge, de condition physique, etc.

Mais comment valoriser l’image des handicapés ?

Pour valoriser l’image des handicapés, il faut tenir compte de toutes les réflexions faites dans la réponse précédente, mais il faut y ajouter les moyens financiers et la considération pour cette question qui a de tout temps souffert du laisser-aller. Il faut de plus entreprendre une vaste campagne de sensibilisation.

Qu’est-ce qui bloque réellement le décollage économique du pays ?

Les informations auxquelles nous avons accès par le travail gigantesque de certains patriotes, les faits saillants qui parlent d’eux-mêmes parce qu’ils sont têtus les faits, nous permettent aisément de dire à voix haute, qu’avec tous les audits possibles de toute la gestion dans tous les secteurs du pays, le mauvais fonctionnement de l’Etat, le “j’menfoutisme” financier dans tous ses états, le train de vie des responsables politiques et administratifs, la bonne négociation ou renégociation des contrats miniers (ça, je le dis avec beaucoup de réserves car nous ne savons pas qui a signé quoi et jusqu’à quand, peut-être jusqu’à la fin du monde )… pour ne citer que ces points-là …. Attention des voleurs d’idées rodent…, rien qu’avec le manque qu’à gagner dans ces secteurs, et un nouveau départ ferme et rigoureux, l’économie du Mali peut, je pense, décoller par la grâce de Dieu pour que toutes les Maliennes et tous les Maliens sentent réellement que Mali «yé an bè de ta yé».

Compte tenu de l’urgence de problèmes issus de cette crise, le prochain président n’aura point de période de grâce. Quelles seront vos décisions prioritaires pendant les trois premiers mois, si vous êtes élu ?

Dans la plupart des cas, tous ceux qui, dans notre pays, ont fait des promesses fermes avant d’arriver au pouvoir, se sont après retrouvés dans l’incapacité et l’impossibilité de tenir leurs promesses dans les délais qu’ils se sont fixés… Mais quand le pouvoir ment, personne n’a menti. Ils ont presque tous essayé, soit après, soit avant, de maquiller les promesses non tenues, en essayant d’accélérer un certain nombre de chantiers dont l’idée date de Mathusalem. La vérité, c’est que, quoiqu’on ait été, dramaturge, économiste, médecin, politologue, politicien, maire, député, enseignant, ministre ou autre, personne de ceux qui cherchent le pouvoir ne peut connaître le pouvoir de l’extérieur du pouvoir. Ceux qui ont déjà eu le pouvoir et prétendent l’avoir de nouveau, peuvent avoir les astuces de la mascarade plus que les autres.

Au fond, le goût des honneurs, et de tout ce qui va avec, les pousse, volontairement ou involontairement, à l’individualisme qui, comme le dit Alexis de Tocqueville, est d’origine démocratique… Avec le mouvement «MALI YE AN BE DE TA YE», nous allons essayer d’être différents, de ne pas faire du nouveau avec du vieux. L’unité du Mali, dans l’esprit de toutes les Maliennes et de tous les Maliens, sera une des priorités, en sachant que tout est prioritaire dans un pays comme le nôtre. D’entrée de jeu, une volonté de procéder à un audit de tous les services dans tous secteurs, de lutter contre le grand banditisme financier, de réduire le train de vie des responsables de l’Etat, et plein d’autres de ce genre seront affichées.

Nous allons essayer (les grands intellectuels me diront qu’on ne construit pas un pays en essayant de kalan ni kodon dè kélén yé, ils auront oublié que c’est en parlant que l’on risque se faire coincer …), nous allons donc essayer de faire en sorte que les ministre de la République soient des vrais ministres, c’est-à-dire des ministres pleins, des ministres avec portefeuille qui peuvent prendre des initiatives en toute liberté sans avoir à craindre personne, mais en assumant devant le peuple du Mali, et pour l’Histoire, leur responsabilité et toutes les conséquences liées à leurs initiatives, car on ne peut pas donner un âne à quelqu’un et lui retirer la tête de cet âne… Ce faisant, tu lui auras donné la chair de l’âne, mais pas l’âne lui-même.

Il faudra donner au ministre les moyens moraux de dénoncer sans crainte ce qui bloque son secteur, devant la presse et sur les plateaux des chaînes de télévision, y compris la télévision nationale, etc. Nous pensons que deux autres grands secteurs peuvent à eux seuls aider de façon formidable à ce travail noble, le secteur de la justice et celui de la presse, quand ils n’ont aucune pression, quand ils travaillent en toute honnêteté, en toute liberté, quand ils sont à l’aise, comme dirait un certain Guimba national… Nous essayerons donc de mettre en place cet esprit de fonctionnement dès le départ au cours des 3 premiers mois qui suivront notre investiture…

Ça va être très difficile, cela ne peut marcher pour le bonheur du Mali commun que si chaque Malien et chaque Malienne s’y préparent en acceptant les sacrifices qui vont avec, le genre de sacrifice que le Roi Christophe a demandé aux Haïtiens, le même sacrifice que Thomas Sankara a demandé en son temps au peuple du Burkina. On ne peut pas vouloir une chose et son contraire, comme aimait à le rappeler souvent Maître Alioune Blonden Bey.

Quel est votre avis sur l’état du pays après les 5 ans d’IBK ?

Comme je le répète souvent, nous ne ferons campagne contre personne, nous ferons une campagne pour le Mali qui est notre «MALI YE AN BE DE TA YE». Nous allons essayer de faire une campagne civilisée. La plupart des responsables du Mali sont des frères et amis, nous ne souhaitons jamais déchirer ni une amitié, ni une fraternité, car chacune de ses valeurs ont une âme, c’est cette grande âme qui fait battre le cœur du Mali qui nous appartient à tous. Son excellence Ibrahim Boubacar Keita, malgré tout l’effort qu’il a fourni avant et après son élection, effort consistant à mettre son amour du Mali en avant, l’attachement de son cœur au Mali nôtre, pendant l’exercice de son pouvoir, s’est retrouvé entouré de vautours, de personnes qui ont trahi l’objectif qu’il dit vouloir défendre, de personnes vivant indécemment aux dépens de lui et du Mali, des personnes qui n’ont pas, par méchanceté ou par naïveté, aidé le président de la République. On ne voit son ennemi le plus proche que quand il est trop tard. Et quand le bras a failli, l’on en punit la tête.

Et la démocratie des 26 dernières années ?

La démocratie, comme le dit Churchill, est le pire des systèmes de gouvernance qu’on ait inventé. Mais, pour l’instant, ajoute-t-il, on n’en a pas de mieux. Mais Tocqueville, encore lui, avait dit bien avant Churchill, que la démocratie est un fait providentiel. La démocratie chez nous est née dans la douleur, ceux qui en constituaient le garant, ont été les premiers à stopper sa croissance avec les pratiques que nous savons…. Et dans le même temps, pour que les populations soient informées, et parce que les dirigeants n’avaient pas de volonté politique poussée, ils se sont limités à leur filer la plus simple traduction : BE JE FANGA, très juste et pareille dans les autres langues de chez nous. Guimba National ne parle pas les autres langues, et il en a honte.

Au-delà de cette traduction BE JE FANGA en bamanankan, et celles dans les autres langues, la plupart des concitoyens ne peuvent pas expliquer ce que c’est que la démocratie, des gens semi-lettrés comme Guimba ne peuvent pas aller à un mètre de plus en profondeur sur des milliers de kilomètres en profondeur. Le peuple du Mali s’est aussitôt retrouvé inconsciemment dans la position de complice des responsables malins, oui c’est bien le mot -malin-. Le peuple s’est trouvé complice de la détérioration du pays. Les vautours pouvaient donc se pavaner en toute liberté au milieu des cadavres… Evidemment que cette ignorance inconsciente arrange ceux qui auront pris goût au pouvoir…. Voilà, à mon avis, comment la démocratie, dont le Mali aurait dû profiter depuis 26 ans, est en passe de devenir le cauchemar du Mali.

La région de Kidal retient toute l’attention des Maliens. Quelle analyse faites-vous sur l’absence de l’armée nationale dans cette localité ?

Il y a sûrement quelque chose qui nous échappe dans cette affaire de Kidal. Mais le néophyte -que je suis-peut croire que la France qui, jusque-là interdit à notre armée et à notre administration l’accès à Kidal, a dû signer un pacte avec les séparatistes. Les responsables maliens impuissants, parce que la super puissante France en un clin d’œil peut renverser le «pouvoir», restent aphones. Il faut savoir ce que l’on veut dans la vie. Si cela ne tenait qu’à son Excellence Ibrahim Keita, et à l’armée du Mali, Kidal ne serait pas aujourd’hui un organe détaché du corps-Mali. Que dit ce pacte ? Nous chercherons à le savoir… en essayant d’y apporter des solutions appropriées.

Pensez-vous que les Occidentaux jouent un rôle dans cette situation ?

La réponse à la question 11 se trouve dans la réponse 10.

Comment envisagez-vous la perspective des négociations avec la CMA pour l’application de l’accord d’Alger ? Envisagez-vous de dénoncer cet accord ?

L’Etat étant une continuité, un accord ayant été signé, nous n’avons pas d’autres solutions que de continuer le dialogue, d’engager une autre forme de dialogue avec tous les partenaires ayant participé à l’élaboration de cet accord. Nous allons essayer de renégocier, au besoin, de passer par une autre forme de négociation. L’idéal serait d’engager une discussion «maliano-malienne». Ne dit-on pas que le linge sale se lave en famille ?

Propos recueillis par Pr. Aboubacrine Assadek Ag HAMAHADY

Paris-Angers, le 4 novembre 2017.

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