Le Coronavirus (Covid-19) est une maladie qui a troublé l’ordre mondial. Avec des milliers de morts, cette pandémie est une catastrophe qui dépasse l’humanité. Elle a perturbé le monde et engendré de nombreuses conséquences économiques. Le rôle du psychologue est très important dans la lutte contre cette pandémie. Et pour connaitre les implications psychologiques du Covid-19 sur les citoyens, nous avons tendu notre micro au psychologue de renom, Mohamed Mahamar Touré. Détenteur d’un Diplôme d’études approfondies (DEA) en Sciences psychologiques de l’Université centrale de Las Villas, à Santa Clara, au Cuba, M. Touré est un fonctionnaire de classe exceptionnelle, Inspecteur à l’Inspection des Affaires au ministère de la Santé et des affaires sociales. Administrateur des affaires sociales, il n’a jamais rompu avec l’exercice de la psychologie très utile pour la société. Dans les lignes qui suivent, le psychologue Touré explique, entre autres, le rôle et la place du psychologue dans la lutte contre le Covid-19, les conséquences psychologiques de la pandémie… Lisez plutôt !
Le Démocrate Mali: Le monde est aujourd’hui bouleversé par la pandémie du Coronavirus. Quelles sont ses implications psychologiques sur les citoyens ?
Mohamed Mahamar Touré : Pour commencer, je préfère le terme Covid-19 pour la simple raison que le terme virus conserve en lui une charge émotionnelle négative et pathogène, une pesanteur psychologique qui inhibe le cerveau et l’expose à des risques de déséquilibre mental. L’inquiétude autour du Covid-19 est tout à fait normale pour les raisons suivantes: le Covid-19 est une réalité. Il n’y a aucun doute. Il a une dimension universelle, presque toute notre planète. Aucun pays n’est épargné; le Covid-19 prend une ampleur incroyable et indescriptible par des cas nombreux de cas positifs, de malades et de morts. L’absence à ce jour de solution radicale et définitive comme un vaccin fiable et rassurant; les moyens d’intervention techniques et technologiques et sanitaires limités pour stopper la maladie; la propagation très rapide de la maladie et la transmission interpersonnelle non contrôlée à défaut d’une utilisation efficace des moyens de prévention suite au respect des mesures barrières et des dispositions de protection des populations prises par les autorités; la non maîtrise de la période de fin de la pandémie du Covid-19 et de toutes ses conséquences multidimensionnelles sur la vie toute entière des citoyens, des pays et des peuples. C’est comme une autre guerre qui vient ébranler le monde, défier l’intelligence et l’expérience humaine. L’ennemi est invisible, comme dans une situation de guerre asymétrique contre une molécule.
En plus de la pandémie du Covid-19, notre pays traverse des périodes de peur excessive, due à l’insécurité et ses conséquences stressantes et traumatisantes sur les victimes, leurs parents et proches et les populations en général. Compte tenu de tout ceci, les citoyens du monde et ceux du Mali en particulier sont désemparés. Que d’interrogations, de méfiance, d’angoisse, d’anxiété, de frustration, voire de d’impuissance collective ?
Il y a comme une sorte d’embarras collectif et même de désespoir qui s’empare de l’humanité. C’est tout à fait normal que l’ensemble de ces facteurs puissent impacter les consciences, les attitudes et les comportements des citoyens qui se sentent désorientés…
Quelles sont les conséquences psychologiques de la pandémie ?
Elles sont très nombreuses. Il y a chez les citoyens une peur irrationnelle de l’infection. Chaque citoyen croit être dans sa tête la prochaine victime de la pandémie. Ce que l’imaginaire populaire appelle la psychose qui devient à la fois individuelle et collective. L’ennui et la frustration dus au pré-confinement, à la mise en quarantaine des cas suspects, à l’hospitalisation des cas positifs et à l’isolement des citoyens qui sont obligés de rejoindre leurs domiciles depuis tôt et y rester jusqu’au matin pour raison de couvre-feu. Les rencontres à caractère de réjouissance sociale entre amis de ‘’grins’’, de voisins, de parents au cours des mariages, baptêmes et autres sont suspendues ; la stigmatisation qui se manifeste par la méfiance vis-à-vis de l’autre et souvent du plus proche, pointé du doigt comme étant l’agent contaminateur qui porte la maladie en soit; le sentiment de culpabilité qui se manifeste par le risque d’infection des autres, de sa propre famille, de ses amis et collègues de service. Les différentes formes de stress et leurs conséquences qui peuvent occasionner des perturbations psychiques chez les personnes se manifestant par des états de situations émotionnelles de nervosité, d’anxiété, de dépression par une attitude de suspicion, de situation cognitive de désorientation de difficultés de raisonnement et de décision et de situation comportemental comme les crises de larme, l’accès facile à la colère et le repli sur soi… de situation spirituelle comme la perte de foi ou la religiosité exagérée tout comme les troubles physiques comme la fatigue, les troubles de sommeil et d’appétit; le stress traumatique et l’état de post-traumatique qui, devant un tel événement ou incident critique et inhabituel, constitue une menace pour la vie en ces temps-ci et pourrait l’être des mois plus tard.
Faut-il croire à une descente aux enfers pour tous, ou la fin du monde ?
(Rires). Non et Non ! Ni apocalypse ni désespoir humain, encore moins fin du monde. Ce sont des épreuves de grande dimension et de très haut risque qui s’imposent aux humains pendant des moments bien déterminés. Par le passé, nous avons connu deux grandes guerres qui ont presque dévasté l’humanité, des maladies comme le Sida et l’Ebola qui ont connu leur temps de panique. Des catastrophes de type naturel ou provoquées par les hommes comme les guerres, des maladies comme le paludisme, les maladies diarrhéiques de forte intensité de morbidité et de mortalité, les maladies psychosomatiques comme l’hypertension et le diabète aux conséquences sur la santé des populations. Face à tout cela, l’intelligence humaine, la solidarité et la responsabilité institutionnelle et civique sont là pour inventer des solutions, agir et réagir pour le bien-être des populations.
Il faut avoir la certitude que malgré toute la gravité de la situation actuelle de la pandémie Covid-19, il n’y a aucune raison de voir ce destin macabre perdurer. Dieu veille sur les peuples ; il va sauver l’humanité et il sait offrir à l’homme les intelligences, opportunités et énergies nécessaires pour se ressaisir et reprendre sa marche vers des horizons pleins d’espoir et d’espérance.
Qu’est-ce qui vous incite à cet optimisme pour une situation qui panique tout le monde, qui nous perturbe de jour en jour?
A mon entendement, notre foi en Dieu, l’élévation de notre vie spirituelle, la mobilisation tous azimuts de toutes les ressources pensantes et l’engagement indéfectible par les mesures barrières et les décisions de haute portée politique et institutionnelle, conjuguées à la responsabilité civique auront sûrement raison de la pandémie dans un très bref avenir. Si chacun de nous se rassure qu’on peut vaincre la pandémie en s’y mettant comme on le peut et aussi comme on le doit, la guerre contre le Covid-19 sera gagnée et sera dans les annales des sombres souvenirs de l’humanité. Pour y parvenir, nous demandons à nos concitoyens des actions concrètes sur le les plans cognitif, affectif et conatif. A savoir :
Évitons le déni de la réalité sur la pandémie. Elle existe bel et bien chez nous comme ailleurs avec des cas de contaminés positifs, des malades déclarés et des cas de morts; évitons des scénarios catastrophiques et des idées négatives autour de la pandémie et de distiller des rumeurs et surtout de fake news, d’intox et d’infox; limitons les sources d’information; acceptons et respectons les mesures barrières et les décisions des autorités; restons calmes et sereins en toute circonstance et en tout lieu; développons notre vie spirituelle, croyons et ayons confiance en Dieu; ne cédons en aucun cas à la panique, car nous portons en nous des valeurs, des capacités de résilience insoupçonnées; aimons-nous davantage comme des frères; écoutons et acceptons les conseils utiles des spécialistes ; formons un front uni, une union sacrée contre le Covid-19; adoptons le Covid-19 pour neutraliser la tonalité émotionnelle négative relative au virus; restons humains, solidaires et confiants en l’avenir.
Au-delà de tout ce que vous venez d’indiquer, que doit-on attendre du Psychologue comme contribution professionnelle pour rassurer les citoyens et les aider à surmonter l’épreuve ?
Excellente question ! Tout comme pour les situations de stress, de traumatisme et d’angoisse pour d’autres situations critiques, le psychologue a un rôle déterminant pour amoindrir les effets de stress et d’anxiété, maintenir la qualité des relations sociales qui pourraient être entachées par le Covid-19 et aussi, prendre des mesures professionnelles d’assurance, de résilience et de réparation des cas de victimes, directes, indirectes ou collatérales: Il se sert des instruments d’aide ou du soutien psychologique, de prise en charge psychosociale et de la prise en charge psychiatrique au besoin à travers les actions suivantes: réaliser des entretiens individuels de counseling et de groupe avec les victimes directes ou indirectes dans la communauté, dans les structures de prise en charge (services sociaux, hôpitaux, les CSRéf, Cscom) pour une meilleure connaissance et maîtrise de la situation ; organiser des visites à domicile pour les besoins de prise en charge psychosociale à travers la fiche de visite à domicile, des groupes de parole au sein de la communauté, des espaces d’information, d’éducation de sensibilisation sur l’épidémie (prévention, orientation et gestion des cas), des activités de plaidoyer auprès des leaders politiques, communautaires et administrer sur la situation de l’ épidémie ; animer des émissions de masse sur les médias pour la diffusion et le partage de messages efficaces de qualité centrés sur l’action, l’intérêt et les différents groupes cibles; référer/ orienter les cas au besoin; intégrer ses interventions dans une approche multidisciplinaire et holistique de soutien et de prise en charge des différentes catégories de victimes du Covid-19.
Que dernier appel avez-vous à lancer ?
J’en appelle à la responsabilité professionnelle de tous les psychologues du Mali individuellement ou collectivement pour occuper leur espace de contribution à l’effort national de vaincre la pandémie du Covid-19. A mes concitoyens maliens, de l’intérieure et de l’extérieur, restez sereins, respectez et faites respecter les mesures et instructions des services socio-sanitaires et des autres autorités. La lutte est certes hardie, mais la victoire est à portée de mains. La vie continue. Ce ne serait pas la fin du monde, mais le début d’un nouveau monde.
Réalisée par Agoumour