Quelle stratégie adopter pour contenir le terrorisme ? Des hommes politiques se prononcent sur le sujet. Boubacar Mintou Koné, Président d’une jeune formation politique malienne ne va pas avec le dos de la cuillère pour décrier le manque d’une vraie armée africaine capable de défendre le continent noir. Votre hebdo préféré est allé à sa rencontre. Après l’attentat de Grand Bassam en Côte d’Ivoire, notre interlocuteur pense que : «Le Sénégal  n’est à l’abri et pourrait être probablement la prochaine cible des terroristes ».  Suivez plutôt.

Le Progrès : les attaques terroristes se multiplient et se déplacent dans l’espace et dans le temps. Après le Mali en Novembre 2015, le Burkina Faso en janvier 2016, c’est le tour de la Côte d’ivoire d’être dans le rétroviseur des assaillants. Quelle explication donnez-vous à ces actes terroristes?

 

Boubacar Mintou Koné : Tout d’abord, nous nous inclinons devant la mémoire des victimes de cet attentat ignoble. Nous souhaitons prompt rétablissement aux blessés de cet attentat. Au Mali également, votre confrère Birama Touré est porté disparu depuis plus d’un mois. Je souhaite qu’il soit retrouvé sain et sauf.

Nous revenons à votre question d’attentat dont a été victime notre voisin ivoirien. Ce qu’il faut retenir de cet acte, c’est que la situation est préoccupante et inquiétante. Avant, c’était la bande de la méditerranée qui était concernée par les actes terroristes notamment l’Algérie et la Tunisie. Cette bande a cessé d’être le terreau fertile des terroristes. La situation a évolué pour venir dans la  Bande Sahélo Sahélienne. Et maintenant, le phénomène évolue dans la savane ; donc, il y’a eu évolution. Aujourd’hui, c’est la Côte d’ivoire qui est frappée et que cela constitue un avertissement pour nous. Le Sénégal n’est pas à l’abri et pourrait probablement être la prochaine cible. Jean Paul Sartre disait : « Le désordre est le meilleur serviteur de l’ordre établi ». Ces actes pourraient être tributaire du mauvais état des armées africaines  qui en matière sécuritaire, dépendent  de l’extérieur. Aujourd’hui, il faut de réelles armées en Afrique pour assurer la défense des territoires et des populations. Avec ces actes, nous constatons un retour dans nos Etats des forces militaires étrangères.

 

L P : Y’a-t-il un élément catalyseur à l’origine de ces actes terroristes. Si oui lequel ?

BMK : L’élément catalyseur, il peut en avoir,  parmi lequel on peut citer la misère qui est grande. Les jeunes n’ont plus d’autres alternatives face au chômage, à la paupérisation, destruction des nos industries, de notre tissu économique. Donc, il y’a pauvreté criarde chez nos populations. Ventre vide n’entend point d’honneur. C’est pourquoi, nous assistons à l’utilisation des jeunes comme des boucliers humains, des chairs à canon qui tuent inutilement d’innocentes populations au nom de l’islam. Aujourd’hui, il faut qu’il y’ait de réelles synergies d’actions entre nos Etats pour initier de réel projet économiques et mettre ensemble un système de défense de nos territoires respectifs. Qu’on cesse de dépendre de l’extérieur.

 

LP : Au Mali, chaque fois que ces genres d’attaques se produisent sur le sol malien, on pointe  un doigt accusateur sur Iyad Ag Ghaly et Amadou Kouffa. Pensez-vous que ces hommes disposent toujours de leurs forces de frappe d’antan ou faut-il en vouloir à nos autorités par rapport aux dispositifs sécuritaires  mis en place ?

 

BMK : Cette question est d’actualité. Au parti FRAFISNA, nous n’avons pas de main pour applaudir un homme, Président de la République  soit-il. Qu’on arrête de  penser, de réfléchir à notre place et de nous faire faire des choses à leur place. Il est reproché à Iyad Ag Ghaly, des crimes de guerre odieux. N’oublions pas que le Mnla a égorgé nos soldats à Aguel Hoc. Le Capitaine Sékou Traoré dit BAD et compagnons  ont été assassinés dans la défense de la patrie malienne. Après eux, nos préfets ont été également égorgés comme des bêtes de somme à Kidal. Tous ceux qui ont commis ces crimes sont des Maliens et ont été pardonnés, leurs mandats d’arrêt internationaux levés. Ils se promènent librement dans les hôtels les plus luxueux du pays au nom de la réconciliation nationale. Il revient à nos autorités de ne pas accepter qu’on nous dise il faut négocier avec un tel, il ne faut pas négocier avec un tel. Quand il s’agit de la libération des otages occidentaux, ils font recours aux services d’Iyad. Il est temps aujourd’hui qu’on arrête de penser de tout dire à notre place et nous faire faire des choses à leur place.  Si la paix doit revenir au Mali, si aujourd’hui, on peut éviter la mort de  nos soldats sur le terrain et que cela passe par la négociation avec Iyad, il faut aller à sa recherche pour l’amener à rejoindre la mère patrie en vue de faire la paix. Aujourd’hui, il nous faut la paix, car il y’a eu beaucoup de morts, de familles endeuillées. Cette situation ne peut pas continuer. De jeunes soldats, policiers, douaniers tombent  tous les jours sous les balles des criminels.

Concernant Amadou Kouffa, nous au FRAFISNA pensons que  cette personne n’existe pas au monde. C’est un être imaginaire crée par les puissances militaires occidentales et étrangères pour nous vendre leurs armes. C’est aussi pour nous divertir en nous  faisant croire que les terroristes du Mnla sont des gentils hommes et que les vrais terroristes sont les Peulh. Nous disons haut et fort que les Peulh ne sont pas des terroristes, encore moins des jihadistes. Au contraire, ces gens ont cherché à se procurer les armes pour  défendre le caractère laïc et républicain du Mali. Ils sont au contraire, des victimes collatérales de tous ces conflits armés et rébellions. On les arrache leurs animaux par le fait de certains administrateurs véreux. Qu’on arrête l’amalgame, la stigmatisation. Les marchands d’armes veulent fabriquer de toute pièce une rébellion peulh pour embraser toute l’Afrique Occidentale qui fera leur bonheur et crée le malheur des populations. Qu’on arrête la pourchasse des peulh et les jeter de façon injuste dans les prisons. Martelons une fois de plus que les peulh ne sont pas des terroristes, ni des jihadistes. Mais au contraire, ils se sont battus pour organiser la défense de l’intégrité territoriale et la sauvegarde de la laïcité et l’indivisibilité de notre pays.

LP : Un forum sur la paix  est prévu à Kidal du 27 au 30 mars 2016. Ce forum suscite de réels espoirs chez les populations pour le retour de la paix définitive au Mali. Dans la capitale malienne le sujet est au centre des débats.

Selon vous, y’a-t-il opportunité à tenir un forum à Kidal ?

 

BMK : Notre interrogation est toujours ceci : pourquoi un forum et pas à Gao, à Tombouctou ? Tout çà sont des manœuvres qui ont tendance à montrer que Kidal est particulier. C’est nous montrer que Kidal ne fait pas partie du giron du Mali, c’est dangereux. Ce sont des manœuvres dilatoires pour conduire à la partition de notre pays. Un autre danger est la remise en cause de l’accord d’Alger de façon progressive par l’engagement de nouvelles négociations différentes de celles d’Anéfis. Car,  il y’a eu  l’accord de Kidal entre le GATIA et la CMA. Encore,  on veut nous déporter à Kidal, pourquoi cette localité. On doit se dire que Kidal est partie intégrante de l’Etat malien. Le drapeau malien doit y flotter, l’armée nationale et l’administration  malienne doivent être présentes  à Kidal. Arrêtons d’instaurer le particularisme que suscite le cas de Kidal. En l’entretenant, çà nous fait toujours échapper cette partie du territoire national du contrôle de l’Etat malien et c’est regrettable.

Propos recueillis par Hassane Kanambaye

 

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