Entretien avec Welé Ahmed

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Dans une interview qu’il a accordée à votre journal, M. Welé Ahmed, président du Centre d’Etude du parti CARE, la formation politique du fils du général Moussa Traoré, livre la position du parti sur quelques questions brûlantes de l’heure.

Qu’est ce que le Centre d’étude de la CARE ?

L’idée de création du Centre d’Etude du parti CARE part du constat que la plupart du temps, depuis notre indépendance, les politiques publiques dans notre pays ont été mises en œuvre sans une connaissance réelle de la société malienne ni des problématiques qu’on est censé résoudre. Le parti CARE a mis sur place un département autonome de son directoire national, chargé d’étudier la société malienne, d’essayer de comprendre l’histoire et la culture malienne et de traduire ces études en une politique publique destinée aux prises de décisions du directoire du parti. Au Centre d’étude, nous avons une équipe pluridisciplinaire composée de politologues, de géographes, d’économistes  qui travaillent à donner au parti une vision sur toutes les questions nationales. Le Centre  mène une réflexion approfondie couplée à une consultation des personnes ressources: anciens directeurs d’école, société civile, etc.

Quel but vise le parti CARE ?

Le parti CARE existe depuis deux ans. Ayant fait le constat de l’échec des politiques publiques jusqu’ici mises en oeuvre, nous proposons une nouvelle méthode de gouvernance.

Avez-vous des affinités avec d’autres partis ?

Notre positionnement sur l’échiquier politique est assez spécial. Nous voulons changer les politiques de gouvernance, les adapter à nos réalités socioéconomiques, à notre histoire, à notre culture. Il faut harmoniser notre démocratie. Il n’y a pas beaucoup de partis politiques qui pensent cela. Nous voulons mettre le peuple malien au cœur de décisions en lui donnant le pouvoir. Notre peuple possède en lui un génie qui n’a jamais été exploité car les partis politiques maliens se résument à un conglomérat de l’élite politico-administrative ou politico-intellectuelle qui ne croit pas au génie du peuple. C’est pourquoi, sans nourrir d’animosité envers les partis,  nous cultivons nos spécificités. Entrte autres partis amis, nous citons le MPR, le CNID, YELEMA.

Que pense votre parti du putsch du 22 mars ?

Pour ce qui est du coup de force du 22 mars, nous ne pouvons, en tant que républicains et démocrates, l’encourager. Mais il l faudra aussi se poser la question de savoir pourquoi le Mali en est arrivé là. Nous avons pris acte du coup d’Etat et nous avons dit qu’il faut profiter de cette situation pour refonder la politique au Mali. Remettre l’Etat à sa place, renforcer l’armée, créer une vraie armée républicaine… Il faut accompagner ceux qui ont fait le putsch parce que ce n’est pas à eux de mener un pays; ils n’en ont ni es compétences ni la légitimité. On ne doit pas leur jeter la pierres mais les aider à organiser une transition, à rétablir l’intégrité territoriale du Mali et à organiser des élections afin de remettre le pouvoir politique aux mains des civils. Nous ne sommes pas dans aucun clan: ni un clan pro-putsch, ni un clan anti-putsch.

Quelle appréciation faites-vous du retour à l’ordre Constitutionnel ?

Le retour à l’ordre Constitutionnel n’est qu’un slogan. Je pense qu’il est difficile de retourner à l’ordre constitutionnel normal avec le bicéphalisme que nous connaissons. Aujourd’hui, en fait de retour à l’ordre Constitutionnel, on a un serpent à 2 ou 3 têtes. L’on se demande qui a la réalité du pouvoir au Mali: est-ce dans les mains du président intérimaire, dans les mains des militaires, du premier Ministre ou de la CEDEAO ? Donc, le retour constitutionnel reste à construire. Par retour à l’ordre constitutionnel, nous entendons une refonte constitutionnelle et non   un retour à l’ancien système qui a conduit le Mali où il est. Il faut repartir sur de nouvelles bases afin qu’il ne soit plus possible, au Mali, ni de faire un coup d’Etat, ni de laisser occuper une région par quelque groupe armé que ce soit. Le retour à l’ordre Constitutionnel a été travesti par l’élite politico-intellectuelle qui a géré le pays depuis 20 ans et qui a mis notre pays à son propre service et non au service du peuple. Le Mali doit désormais être géré uniquement dans l’intérêt des Maliens et non d’une élite.

Quelle lecture faites-vous de l’Accord-Cadre ?

Nous avons en son temps adhéré à cet accord parce qu’il a été signé par les différents protagonistes. Nous apportons notre soutien à cet accord s’il permet au peuple malien de tirer son épingle de jeu. Dans le cas contraire, s’il permet aux protagonistes du pouvoir de se tirer  d’affaire tout en oubliant le peuple, nous tirerons les conclusions qui s’imposent.Mais pour l’instant, c’est le seul instrument qui permet aux Maliens de discuter.

Le parti CARE était-il représenté à Ouaga ?

Nous avons décidé de ne pas aller à Ouagadougou. Cela était une humiliation. Pourquoi mener la médiation à Ouagadougou et non à, Bamako ?  Quand on analyse  ce qui s’est passé à Ouaga, nous sommes fiers de n’y avoir  pas participé: Ouaga a étalé aux yeux du monde la faiblesse de la classe politique du Mali, son incapacité à trouver des solutions endogènes; en réalité, c’est cette classe politique  qui se trouve à la base de la crise.  Nous sommes d’accord avec la médiation, mais contre la méthode de la médiation. On pouvait trouver entre Maliens une solution au Mali.

Le président intérimaire doit-il continuer au-delà des 40 jours constitutionnels  ?

L’Accord-cadre et la Constitution du Mali disent que le président de l’Assemblée nationale assure l’intérim du président de la République. Cet intérim est fixé à 40 jours au plus. Donc, si on veut respecter l’ordre Constitutionnel, on ne peut pas envisager que Dioncounda reste au-delà de 40 jours. Maintenant, à partir des négociations entre protagonistes, si on décide de son maintien, ce sera une autre histoire. La question qu’on se pose au niveau du parti, ce n’est pas de savoir qui sera président mais si les problèmes des Maliens sont en train d’être gérés. Depuis un mois d’ailleurs,  nul ne se préoccupe plus du Nord.

Que pensez-vous de la nomination du gouvernement sans consultation de la classe politique ?

La question de la consultation des partis politiques pose problème car quel parti consulter ? Est-ce qu’il fallait consulter ceux qui ont gouverné depuis 1991 ou ceux qui ont participé depuis 20 ans à la destruction de ce pays, ceux-là qui ont amené l’armée dans la déliquescence morale et  matérielle ? C’est un gouvernement d’union nationale qui a été renversé par les militaires! Est-ce qu’il fallait remettre en place ce même gouvernement, juste en changeant des têtes ? Notre président, Cheick Bougadari Traoré, avait signifié qu’il fallait un gouvernement de technocrates qui connaissent leurs dossiers, qui peuvent mener une transition, remettre le Mali sur les roues. Nous avons toujours dit que le Premier Ministre ne devait pas être un chef de parti. Grande a été notre surprise de voir nommer un premier Ministre chef de parti. Cela ne nous rassure pas du tout.

Quelle solution pour la crise du Nord ?

Le 17 janvier, notre parti a adressé une lettre à l’ancien président ATTv pour lui souligner la déliquescence de l’armée, la déperdition de l’Etat; malheureusement il ne nous a pas écoutés.Il est ainsi arrivé ce qui est arrivé. La résolution de la crise au Nord passe par la formation d’une vraie armée républicaine, dotée des moyens nécessaires pour récupérer les régions perdues et garantir l’unité du pays. Ensuite, le temps de la négociation entre Maliens viendra. Ce n’est pas la première fois qu’on a une crise au Nord. On a toujours procédé à la négociation pour sa résolution, à la seule différence que l’armée a été toujours présente au Nord. La discussion ne peut jamais porter sur la partition du pays mais prendre en compte les préoccupations particulières d’une communauté reste possible. Il faut signaler que l’armée a tout le soutien de notre parti.

Interview réalisée par Abdoulaye Koné

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