Louis Michel, membre du Parlement européen de nationalité belge, est le chef de la Mission d’observation électorale de l’Union européenne pour les législatives, après avoir déjà conduit de juin à octobre la Mission d’observation de l’UE pour l’élection présidentielle. De retour au Mali pour le premier tour des élections législatives ce 24 novembre, il a accepté de répondre à nos questions.
Pouvez-vous nous dire le cadre de votre visite au Mali ?
Après plusieurs visites dans le pays au cours des derniers mois, je me suis rendu une nouvelle fois à Bamako du 15 au 17 octobre en qualité de chef de la Mission d’observation électorale de l’Union européenne au Mali (MOE UE Mali) afin de présenter le Rapport final de la Mission pour l’élection présidentielle.
Lors de la conférence de presse tenue à cette occasion, j’ai lancé officiellement la Mission d’observation électorale de l’UE pour les élections législatives des 24 novembre et 15 décembre. Ces deux Missions de l’UE ont été mises en œuvre sur invitation du gouvernement du Mali. La Mission d’observation électorale de l’UE pour les législatives est en place depuis le 13 octobre et restera sur le territoire malien jusqu’au terme du processus électoral prévu fin décembre 2013.
La Mission de l’UE pour les élections législatives comprend au total plus de 100 observateurs qui seront présents dans les bureaux de vote le jour du scrutin. Ce dispositif se compose ainsi : 20 observateurs à long terme déployés dans le pays pour deux mois depuis le 28 octobre, 20 observateurs à court terme, présents dans le pays depuis le 19 novembre pour dix jours à l’occasion de ce premier tour du 24 novembre, ainsi que plusieurs dizaines de diplomates de l’UE en poste au Mali mobilisés lors du vote.
Nous disposons également d’une équipe de 8 experts basée dans la capitale malienne depuis le 13 octobre, soit une chef observateur adjointe, quatre analystes dans les domaines électoral, juridique, politique et médias, un analyste des données de l’observation, une coordinatrice des observateurs et un attaché de presse chargé de l’information.
Dans l’ensemble, ces observateurs sont originaires de 23 des 28 États membres de l’Union européenne, ainsi que de la Norvège et de la Suisse, pays partenaires pour l’observation.
Nos observateurs, qui entretiennent des contacts avec tous les acteurs de ces élections, vont analyser les différentes phases du processus électoral : établissement des listes électorales, validation des candidatures, campagne électorale, jour du scrutin, dépouillement, agrégation et publication des résultats, contentieux électoral.
Je tiendrai une conférence de presse lundi 25 novembre à 8h du matin au Radisson Blu Hôtel de Bamako pour rendre publiques les premières conclusions de la Mission à l’occasion d’une Déclaration préliminaire. Le Rapport final de la Mission, rassemblant une évaluation plus détaillée du processus électoral, ainsi que des recommandations pour les scrutins à venir, sera présenté aux autorités maliennes et à l’ensemble des citoyens dans un délai de deux mois suivant la proclamation des résultats définitifs du second tour.
Après la présidentielle, avez-vous des appréhensions particulières pour les législatives ?
J’ai toute confiance dans la classe politique malienne. Il est essentiel que les élections législatives se déroulent avec la même sérénité et avec la même hauteur de vue que l’élection présidentielle qui a constitué un excellent exemple de respect du vote des électeurs. La population, en votant massivement (48,98% et 45,73% de taux de participation respectivement lors du premier et du second tour), s’est réapproprié son destin démocratique. Elle a ainsi exprimé sa profonde adhésion à la démocratie, et a adressé à tous les partenaires du Mali un message d’espoir extraordinaire. On a ainsi pu mesurer la réelle aspiration des Maliens au changement.
L’ensemble du processus électoral est capital pour assurer la stabilité du pays et, au-delà, de la sous-région et de la région. L’élection présidentielle ainsi que ces élections législatives constituent une avancée majeure dans la perspective du plein retour à l’ordre constitutionnel au Mali.
Naturellement, les défis ne manquent pas et le pays est encore fragile. Les élections législatives sont par définition plus laborieuses que les précédentes car il y a plus de candidats. Tout acteur, que ce soit l’administration électorale, la DGE, la CENI, la Cour constitutionnelle, les acteurs politiques, la société civile, la presse et les électeurs, porte une responsabilité directe dans le retour effectif à l’ordre constitutionnel.
L’observation électorale est un outil incontournable de renforcement des processus démocratiques dans les pays en transition comme c’est le cas au Mali.
Nous allons tout faire pour accompagner ce mouvement et tout faire pour que ces élections législatives connaissent le même succès que l’élection présidentielle. Lors de ma conférence de presse du 17 octobre à Bamako, j’ai rappelé qu’un certain nombre de recommandations faites dans le Rapport final de la Mission d’observation de l’UE pour la présidentielle pourraient facilement être réalisées afin de perfectionner encore davantage le cadre électoral. Par exemple : un plan de ramassage public des enveloppes destinées à la Cour constitutionnelle, supervisé et garanti par l’Administration, l’adoption d’un nouveau procès-verbal de bureau de vote qui intègre l’obligation de procéder à une véritable «réconciliation des bulletins de vote», la conservation des bulletins de vote utilisés après le dépouillement jusqu’à la proclamation des résultats, l’affichage systématique des récépissés de résultats dans chaque bureau de vote, la pérennisation par l’administration électorale de la transparence et de la traçabilité des résultats provisoires désagrégés par bureau de vote, leur mise à disposition des citoyens sur Internet, la mise en place par la CENI et le Ministère de l’Administration territoriale de procédures de supervision et de contrôle des activités interdites pendant la campagne électorale, etc.
Quelles seront les circonscriptions électorales qui seront observées par vos délégués ?
Les circonscriptions électorales que nous observerons sont globalement situées dans les mêmes zones géographiques suivies lors de l’élection présidentielle. Ainsi, les observateurs à long terme et court terme sont déployés dans 5 des 8 régions administratives du pays et dans le district de Bamako, un secteur regroupant au total 91% de l’électorat potentiel.
Pourquoi la Mission n’a pas envoyé de délégué à Kidal ?
C’est un choix qui a été effectué par l’Union européenne à Bruxelles en raison de considérations évidentes liées à la sécurité de nos observateurs sur place, notamment en ce qui concerne leur transport et leur logement dans des conditions sécurisées.
Au-delà du processus électoral, quels sont les autres domaines d’intervention de l’UE ?
Au-delà du processus électoral, nous apportons tout notre soutien au Mali afin que les autorités puissent s’attaquer aux véritables problèmes et aux préoccupations réelles des citoyens, notamment pour assurer la mise en œuvre d’un accord de paix final, le rétablissement de l’ordre constitutionnel et le relèvement de l’économie, dans la perspective d’une stabilisation à long terme du Mali.
Sur le plan du développement, il s’agit de travailler ensemble sur le suivi de la Conférence de haut-niveau des donateurs pour le développement du Mali tenue à Bruxelles le 15 mai dernier, conférence qui a permis de mobiliser près de 3,28 milliards d’euros au total, dont 523 millions d’euros engagés par la Commission européenne.
Par ailleurs, je tiens à rappeler que l’allocation totale du 10ème FED (Fonds européen de développement) pour le Mali s’élève à 727,8 millions d’euros. Nous nous concentrons essentiellement sur les questions de gouvernance, de développement dans le centre et le nord du Mali, et sur l’aide budgétaire.
La programmation du 11ème FED est actuellement en cours. Les axes prioritaires sont la réforme de l’Etat, la règle de droit, le développement rural et la réalisation des infrastructures comme la construction de la route menant de Gao à Kidal.
Sur le plan sécuritaire, l’EUTM (European Union Training Mission) Mali a formé deux bataillons de l’armée malienne entre avril et septembre derniers. Un troisième bataillon est actuellement en cours de formation. La formation de chaque bataillon s’effectue sur un cycle de 10 semaines. Le mandat de l’EUTM qui court jusqu’en mai 2014 a pour objet de former environ 2800 hommes, soit quatre bataillons sur les huit que compte l’armée malienne. En plus de ce volet formation, il est important de souligner que l’EUTM Mali est également chargée d’appuyer la refondation de l’armée malienne, par le biais d’un détachement de liaison et d’expertise mis en place auprès de l’état-major de l’armée malienne.
En ce qui concerne la dimension régionale, nous nous sommes doté en 2011 d’une stratégie pour la sécurité et le développement au Sahel et nous poursuivons actuellement sa mise en œuvre. Grâce à cette stratégie, l’UE à une position et une ligne d’action commune, elle peut mobiliser des ressources substantielles pour la réalisation de ses actions.
Réalisée par Chahana Takiou