Entretien avec le Secrétaire général du Conseil National du Patronat du Mali (CNPM) Modibo Tolo « La crise a impacté sur les secteurs de l’hôtellerie et du tourisme, des BTP et de la manufacture »

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Dans cette première partie de la  grande interview qu’il a bien voulu nous accorder  le Secrétaire général du Conseil National du Patronat du Mali (CNPM) aborde l’impact de la grave crise sécuritaire et politico-institutionnelle que traverse notre pays, le nécessaire assainissement de l’environnement des affaires et l’indispensable adéquation entre le marché de l’emploi et la formation professionnelle. 

Monsieur le Secrétaire Général, on peut facilement imaginer que la grave crise qui agite notre pays depuis une année a eu un impact négatif sur le monde des affaires. Pouvez-vous  nous donner une idée sur son ampleur ?

 La crise que notre pays traverse a effectivement eu un impact négatif sur le monde des affaires parce que, comme on le dit très souvent, l’argent n’aime pas le bruit. Donc, quand il y a du bruit quelque part les investisseurs sont frileux  et  tout le monde attend la quiétude  pour faire ses activités.  Résultat : sur les activités existantes, surtout quand on prend le nord du pays il y a beaucoup d’entreprises membres du Conseil National du Patronat  du Mali qui ont subi les conséquences de cette crise. Certains secteurs ont carrément fermé. Même scénario pour les entreprises de ces régions parce que le Conseil National du Patronat  du Patronat du Mali, en plus des groupements professionnels qui existent au niveau de Bamako, a des conseils patronaux pour les régions. Nous avons un Conseil patronal des régions à Gao et un autre à Tombouctou. Les membres ont été obligés de fermer leurs entreprises et de se replier sur Bamako. Sur le plan national, des entreprises qui  avaient des engagements -d’autres avaient même signé des contrats – à cause la situation dans laquelle ont vu ces contrats, malheureusement, résiliés au cas où leur exécution n’a pas été reportée. Des entreprises qui avaient déjà exécuté  des activités  et qui, à cause de la crise financière que l’Etat connait, n’ont pas pu être payées. Ce qui a négativement impacté sur le développement des affaires dans notre pays.

Par ailleurs, au niveau de beaucoup d’entreprises, vu qu’il n’y a plus d’activité et que les partenaires ont trouvé que la destination Mali était risquée les ont vus la bouder. Ce qui a amené des entreprises de certains secteurs à fermer et à mettre les travailleurs en chômage technique qui s’est souvent prolongé pour devenir un chômage définitif. Voilà un peu dépeints  les niveaux d’impact de la crise de façon générale  sur les affaires au Mali.

 Avez-vous un chiffre sur le chômage induit par la crise ?

 On n’a pas un chiffre précis, mais ce qui est sûr il y a beaucoup d’entreprises qui ont été obligées de fermer dans les secteurs que vous connaissez très bien. Quand on prend le secteur de l’hôtellerie à Bamako l’on constate que beaucoup d’hôtels ont été fermés. S’agissant de Mopti, le patronat de cette localité nous a demandé de recycler certains travailleurs et certains entrepreneurs évoluant dans le secteur du tourisme dans d’autres secteurs d’activité pouvant être menées durant cette période trouble. Dans le secteur des BTP, à cause du fait que des marchés ne s’exécutaient pas pour raison de crise, beaucoup d’entreprises ont eu à mettre les travailleurs en chômage technique.

 Quels sont les secteurs les plus touchés ?

Les secteurs les plus touchés sont ceux de l’hôtellerie et du tourisme, le secteur des bâtiments et travaux publics et le secteur de la manufacture.

  Quelles mesures envisagez-vous  pour faire face à la situation ?

 

Pour faire face à la situation, nous avons élaboré un document de préoccupations du CNPM. Ce document recense les problèmes que nos membres ont connus face à la crise qui secoue notre pays. Ce document nous l’avons transmis aux autorités de notre pays et en faisant des propositions de solution. Il y a des préoccupations qui ont été soulevées auxquelles des propositions de solutions ont été faites. Si ces questions sont traitées nous estimons que cela peut être une solution aux problèmes des entreprises.

 

 Quels sont les principaux axes de ces solutions ?

Les principaux axes de ces solutions, c’est d’abord la sécurité, parce que nous estimons que pour les affaires puissent prospérer, il faut assurer la sécurité des personnes et des biens. Cette condition réunie, nous pensons que les investisseurs peuvent venir et les affaires peuvent aller rapidement. C’est une première préoccupation. Nous avons également constaté que les entreprises ont perdu beaucoup d’argent. Elles ont été cassées, donc nous pensons que l’Etat doit réparer ces dommages qui ont été causés aux entreprises.

 Avez-vous évalué ces dommages ?

On a fait une évaluation sommaire parce qu’à ce stade on ne peut pas accéder à certaines régions touchées, notamment les trois régions du Nord où les banques ont subi beaucoup de dégâts. Donc on a une évaluation sommaire qu’on est en train de finaliser  en vue de la soumettre aux autorités.

Quid du montant ?

On n’a pas encore arrêté un montant.

 Dans une économie libérale comme la nôtre, le secteur privé devrait être la locomotive de la croissance et le plus grand pourvoyeur d’emplois. Des gisements insoupçonnés d’emplois existent dans ce sens qui ne demandent qu’à être exploités. Malheureusement, force est de constater que peu choses ont été faites pour saisir les différentes opportunités. Qu’en pensez-vous ?

C’est une réalité. Comme vous l’indiquez, il y a des opportunités qui ne sont pas tout à fait exploitées. C’est vraiment dommage. Là-dessus, il faut dire qu’il y a des investissements à faire qui sont du ressort de l’Etat. On le voit, par exemple, avec le Millenium Challenge Account qui est en train de mettre les terres de l’Office du Niger en valeur sur lesquelles on peut installer des entreprises modernes. Quand on prend le cas du Mali force est de constater qu’on n’a pas de zone industrielle. Si l’on veut réellement promouvoir un tissu industriel, le minimum c’est de créer une zone industrielle. Depuis l’indépendance on parle de zone industrielle, mais on n’arrive pas à la réaliser. On a un projet à Dialakorobougou qui avance difficilement à cause de la crise. Ce sont-là des préalables à réaliser pour promouvoir les investissements. Un seul industriel ne peut pas faire certains investissements lourds. C’est à l’Etat de faire ce travail. En plus de cela, pour exploiter  ces gisements d’emplois dont vous faites cas, il faudra que le cadre des affaires soit amélioré. Tant que le cadre des affaires n’est pas assaini les gens se posent des questions quand il s’agit d’investir. Dans un cadre qui n’est pas sain il n’est pas évident pour des investisseurs de mettre leur argent.

 Qu’est-ce qu’un cadre sain ?

Un cadre sain c’est un cadre où l’on peut escompter travailler sereinement. Si je dis sereinement cela suppose un environnement dans lequel on n’est pas harcelé par les pouvoirs publics, où il y a moins de corruption, où l’administration publique est au service des usagers, un environnement débarrassé des lourdeurs administratives. Par définition, les hommes d’affaires s’attendent à bénéficier de la diligence de la part de l’administration.

Pour une meilleure adéquation entre le marché de l’emploi et la formation professionnelle le patronat ne devra-t-il pas jeter une passerelle entre lui et le monde scolaire et universitaire ?

C’est une préoccupation majeure de notre pays. On parle de problème d’emploi, de chômage, de l’autre côté les entreprises vous diront qu’elles n’ont pas les compétences qu’elles souhaitent. Quand on fait le tour des entreprises, il y a certaines compétences qu’on recherche, c‘est parce qu’on fait la formation sans tenir compte des préoccupations de l’entreprise. Donc, dans un monde concurrentiel il serait bon qu’au niveau des autorités administratives et des autorités scolaires qu’on tienne compte des problèmes et des besoins de l’entreprise et faire les formations en conséquence. Cela est un premier aspect. Deuxième aspect : dans la précédente question on parle de gisements insoupçonnés. Si l’on sait que l’on doit exploiter des mines, du phosphate par exemple, au Nord, dans cinq ou dix ans, on devra anticiper pour former des cadres qui seront là pour gérer ces entreprises de phosphates où les entreprises qu’on envisage de créer  dans cinq ou dix ans. Pour ce faire, il faut qu’au niveau des autorités, sur la base d’une vision, il y ait une formation qui tienne compte des besoins des entreprises et qu’on cesse de former la quantité mais qu’on forme surtout la qualité. Le niveau des sortants de nos écoles laisse vraiment à désirer. Ce sont là des questions à régler au niveau du système scolaire pour qu’on puisse parler de l’adéquation entre l’emploi et le monde des affaires…

  Pour ce faire, ne faudrait-il pas créer une structure permanente de concertation entre  vous et le monde scolaire ?

Effectivement, il est nécessaire qu’au niveau du monde scolaire il y ait une concertation permanente et qu’on identifie les besoins réels du monde des affaires, des entreprises pour les prendre en charge. C’est un cadre indispensable. Mais on ne doit pas se limiter à la création de cadres comme on en voit souvent au Mali. Il faut que les cadres soient opérationnels et qu’ils aient des objectifs bien précis et que tout le monde y mette du sien.

 Ce n’est pas encore le cas ?

Il y a des cadres, on nous consulte ponctuellement mais ce n’est pas permanent. Généralement, ce n’est pas sur le long terme.

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