Meiway, de son vrai nom, Frédéric Désiré Ehui, est un chanteur de Côte d’Ivoire, né le 17 mars 1962 à Grand-Bassam et créateur du style musical le Zoblazo, la danse du mouchoir. Meiway connaît son heure de gloire dans toute l’Afrique, en 2005, avec les tubes Miss Lolo et Prudencia qu’il chante avec Koffi Olomidé. Artiste scrupuleux, perfectionniste, Meiway a 21 ans de carrière a son actif et compte sur le marché discographique 10 albums solo et 2 albums de groupe avec son orchestre le Zogan international. Lors de son passage à Bamako, dans le cadre du Tamani où il a été primé, nous avons pu le rencontrer. Il a accepté de répondre aux questions de Bamako Hebdo pour parler de lui, de la promotion de son nouvel album M20, un opus de 17 titres et surtout de la sortie de la crise ivoirienne. Rappelons que Meiway est aussi ambassadeur de la lutte contre le Sida en Côte d’Ivoire.
Bamako Hebdo : Qu’est ce qui fait l’actualité de Meiway ?
Meiway : C’est déjà le Tamani d’or, cet évènement qui est organisé tous les ans. Cette année, j’ai été primé. Voilà ce qui justifie ma présence au Mali. Après suivra la promotion de mon album. Le premier cap c’est en France où je vais me produire, plus précisément à Paris, le weekend prochain. J’ai une tournée dans toute l’Europe, puis aux USA et enfin en Afrique.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours musical et êtes-vous satisfait ?
J’ai connu des débuts difficiles quand je commencais la musique en 1981 car durant 4 ans je n’avais pas de producteur. Ce n’est qu’en 1985 que j’ai décidé de partir en France et c’est dans ce pays que la chance m’a souris. J’avais toujours rêvé d’être un grand chanteur dans mon pays et aujourd’hui je le suis hors de mon pays, c’est un bonus. Mon parcours, pour ma part, je le trouve remarquable et satisfaisant.
De quoi s’inspire Meiway pour écrire ses textes ?
Je m’inspire de tout… Sinon je n’aurai pas chanté «voilà string» par exemple, ou encore Miss lolo. J’essaye de faire passer des messages instructifs et des conseils.
On retrouve souvent une dimension mystique dans tes clips.
Euh…Je n’aime pas trop en parler, mais en réalité, ma musique est tirée du terroir. Elle est typiquement africaine. Il est très important pour moi d’être en harmonie, au niveau visuel, avec la musique que je défends. Il me serait donc difficile pour cette musique-là, d’aller tourner des clips au bas de la Tour Eiffel, de l’Arc de triomphe.. Il faut que j’aille à la source. Mon souhait a toujours été de faire des images dans mon pays, en Afrique, pour montrer mon environnement et la joie de vivre. Ce qui fait que les Africains, amoureux du continent, ne restent pas indifférents.
Pour le côté mystique, Il a trait à toutes les choses de chez nous, mais dont on ne parle pas souvent. Moi j’ai décidé d’en parler. Je suis un initié, je me suis initié à beaucoup de choses. Je me dis que c’est important qu’on mette en avant toutes nos richesses, à partir du moment où elles sont positives. Je n’irai jamais m’inspirer des choses mystiques pour détruire. Je m’inspire du mystique pour construire. Je n’irai jamais voir un sorcier pour tuer ! Mais je pourrais voir un sorcier pour évoluer et faire évoluer les choses. Je suis par exemple de Grand Bassam en Côte d’Ivoire et nous avons une fête annuelle qu’on appelle ” la Bissa ” qui est très mystique. Lors de cette fête, on a à faire avec des génies et consorts. Quand on fait fasse à cette situation et qu’on veut faire la promotion de la musique folklorique, il faut le faire à fond. Et c’est ce que je fais ressortir dans mes clips.
Vous êtes parmi les plus grandes figures de la musique africaine. Que faites-vous pour transmettre votre savoir à la nouvelle génération ?
J’essaye de faire passer des messages rassembleurs et sensibilisateurs et aujourd’hui il y a pas mal de jeunes artistes qui s’inspirent de mes textes…
Que pensez-vous de la musique malienne ? Et à quand un featuring avec un artiste malien ?
Le rythme mandingue est un rythme très prisé dans le monde. C’est un rythme qui a tapé sur l’œil des occidentaux. La forte rythmique qui s’y trouve ne laisse personne indifférent. J’apprécie cette musique et entretiens d’ailleurs de bonnes relations avec la majorité des artistes maliens. Parlant maintenant de featuring, on ne devrait pas en faire un phénomène de mode. Le featuring se fait pour partager une passion avec un artiste et avec lequel on peut être aussi en harmonie.
A la sortie de la crise ivoirienne, quels sont les sentiments qui vous animent actuellement ?
C’est à la fois un soulagement et une petite inquiétude car nous venons de loin. Pour ma part, je ne peux pas jubiler. C’est vrai qu’on est sur le bon chemin. On vient de faire le plus dur du boulot, c’est-à-dire avoir un président au lieu de deux. Mais derrière ça, je dirai que commence un autre boulot. La Côte d’Ivoire est profondément divisée. Elle est dégradée et je reste persuadé que nous avons beaucoup à faire. C’est dans l’unité qu’on pourra y arriver. Ça ne peut se faire sans le pardon, la réconciliation et la tolérance. Nos leaders politiques ont été plus des ennemis que des adversaires. Il faut qu’ils se réconcilient. J’ai foi en l’avenir de la Côte d’Ivoire parce que si Dieu ne voulait pas qu’on ait un avenir meilleur, on y serait encore.
Il y a quelques années tu chantais pour les Bamilékés. Grosse surprise pour les Camerounais. Comment c’est arrivé ?
Je suis arrivé pour la première fois au Cameroun en 1991. Là bas, j’ai rencontré ce peuple que j’ai appris à connaitre au fil des années. Progressivement, j’ai compris qu’on a besoin de ces Africains-là, pour l’avenir de l’Afrique. On a besoin des Africains qui travaillent, qui aiment le travail et qui investissent dans leurs pays. Beaucoup d’Africains quand ils ont un peu d’argent, achètent une villa sur les Champs Elysées, des appartements en Suisse… Les Bamilékés ont investi dans leurs pays et je pense que, si le Cameroun est encore debout aujourd’hui, c’est grâce aux Bamilékés. Le temps est passé et je me suis dit que je devais leur rendre hommage.
Clarisse NJIKAM