Entretien avec Chérif Ousmane Madani Haidara : Je propose la mise en place d'un Comité sous-régional pour l'observation de la lune

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Dans une de nos récentes parutions, nous avions titré " Faut-il brûler la Commission nationale d’observation de la lune "?. Cela faisait suite aux divergences qui sont apparues au tout  début et à la fin du mois de ramadan. En effet, les Maliens n’ont pas débuté le jeûne du mois de ramadan en même temps et n’ont pas célébré l’Aïd el fitr ensemble. Après l’interview que  nous  avait accordée Mahmoud Dicko, président du Haut Conseil Islamique, nous  vous livrons la teneur de l’entretien que nous avons eu avec Chérif Ousmane Madani Haidara, grand prêcheur et érudit. Le guide spirituel de l’association ançardine plaide pour la création d’un Comité sous-régional pour l’observation de la lune. Il part du constat que l’observation de la lune  suscite de vives polémiques dans divers pays de la sous région. Pourtant ces pays ont le même fuseau horaire. Ils doivent alors, selon Chérif Madani Haïdara, se mettre ensemble pour unir leurs forces, notamment dans le cadre de l’observation de la lune.

L’Indépendant : Le mois béni du ramadan a été célébré au Mali cette année sur fond de polémique. Il se raconte partout que si la fête a été observée le jeudi 12 septembre 2010, c’était parce que vous étiez monté au créneau pour informer les fidèles à travers l’antenne d’une radio. Que s’est-il réellement passé ?

Chérif Ousmane Madani Haidara : Merci pour cette opportunité que vous m’accordez. Je rends d’abord grâce à Allah le miséricordieux, maître des cieux et de la terre. Comme vous le savez, chaque année à l’approche du ramadan, le ministère de  l’Administration territoriale et des collectivités locales convoque la Commission nationale d’observation de la lune. Cette année aussi, elle n’a pas dérogé à la règle. Les membres de ladite commission ont été conviés le mardi 10 août au département pour prendre des dispositions, en vue de l’observation du croissant lunaire. Ils sont restés assez longtemps sans avoir une information annonçant l’apparition de la lune.

Finalement, ils sont rentrés à la maison tout en prenant soin, comme l’exige la charia, d’informer les fidèles que faute d’apparition de la lune, le mercredi 11 août, le ramadan allait commencer, au Mali, le jeudi 12 août. Les fidèles ont d’ores et déjà pris leur disposition. Et dans la matinée de mercredi, beaucoup ont été surpris d’apprendre que la lune a été aperçue dans la nuit de mardi au mercredi. Certains ont jeûné même s’il reste entendu que la majorité a débuté le jeûne le jeudi 12 août 2010, qui d’ailleurs a été retenu comme début du ramadan au Mali.  Par rapport à la fête de ramadan, l’Aïd el fitr, les membres de la Commission ont été une fois de plus convoqués.  En ce qui me concerne, je n’ y ai pas pris part. Parce que, d’habitude, je ne fête pas à Bamako. J’ai pris toutes mes dispositions, après la tombée de la nuit, pour mon voyage sur Tamani. C’est pendant ce temps, au tout début de la soirée, que j’ai été informé d’abord par le président du Haut conseil islamique  de Mopti, l’imam de la grande mosquée de Mopti, Alfa Naciré, et certains proches que la lune a été aperçue dans la région de Mopti. Ils m’ont à l’occasion certifié que de nombreux fidèles l’ont également vue dans la localité.  Le président du Haut conseil islamique de Mopti m’a indiqué qu’il a tenté de joindre Mahmoud Dicko, il ne l’a pas eu. Je lui ai aussitôt dit qu’il a fait ce qu’il pouvait et qu’il a agi comme le voudrait la charia musulmane. Que dit la charia en la matière ? Il est dit que lorsqu’un fidèle, un seul dit avoir aperçu la lune, les cooréligionnaires n’ont pas le droit de douter de sa parole. A titre d’exemple, du temps du prophète Mahomet (psl), un fidèle quittant un village lointain est venu à Médine où résidait le prophète. A sa grande surprise, il a trouvé que les fidèles de Médine observaient le jeûne. Alors que, dans sa localité, la lune a été aperçue et on célébrait la fête du ramadan le même jour. La personne en question est allée voir le prophète pour lui dire que dans son village, le croissant lunaire est apparu. Mahomet (psl) n’a point hésité. Il a demandé aux musulmans de rompre le jeûne pour fêter. Donc quand j’ai eu l’information venant de Mopti, j’ai cherché d’abord à rentrer en contact avec les membres de la Commission nationale d’observation de la lune. Mais sans succès. J’ai essayé d’entrer en contact avec Mahmoud Dicko, lui aussi était introuvable. J’ai essayé de lui envoyer un message, sa messagerie était pleine. Je n’avais pas d’autre choix que d’informer les fidèles musulmans. J’ai saisi certaines stations radios de la place. C’est à bord de mon véhicule et sur le trajet de mon voyage que j’ai fait passer le message par téléphone parce que c’est ce que me recommande la religion. C’est une question de religion et les musulmans n’ont qu’à se plier à la volonté de Dieu.

L’Indépt. : Quand avez-vous rendu publique la nouvelle et que s’est-il passé après ?

C.O.H : Aux environs de deux heures du matin, sur la route de Fana, j’ai reçu l’appel de Mahmoud Dicko et celui du ministre Kafougouné Koné qui m’ont appelé pour avoir la confirmation. Je leur ai donc dit ce que mes interlocuteurs  de la région de Mopti m’ont apporté. Le ministre m’a demandé, en la matière, ce qu’il y a lieu de faire. Je lui ai dit de me passer Mahmoud Dicko qui était à ses côtés. A ce dernier, j’ai dit  de procéder comme le voudrait la religion en telles circonstances.  C’est ainsi que le président Mahmoud Dicko, faute d’avoir les membres de la Commission, est passé sur les ondes de l’ORTM pour faire passer le message que le jeudi 12 septembre serait retenu comme jour de l’Aïd el fitr.

L’Indépt : Chaque mois, à l’approche du ramadan, nous sommes confrontés à la même polémique s’agissant de la lune. Où se situe le problème ?

COH : A chaque mois de ramadan les musulmans sont mis à contribution pour prendre des dispositions en vue de l’observation de la lune. L’Etat, faut -il le reconnaître, prend également, à son niveau, toutes les dispositions pour nous faciliter le travail. Mais le problème est qu’on peut passer toute la soirée sans avoir la moindre information sur la lune. Une fois que les gens sont rentrés chez eux, c’est quand les gens rentrent chez eux, qu’on les appelle, à des heures tardives, pour nous dire que la lune a été aperçue. Cela trouve, le plus souvent, que la radio et la télé sont déjà fermées et qu’aucune disposition n’a finalement été prise. Pourquoi donc ce retard à relayer l’information au plus haut niveau ? Ce n’est pas du tout normal. Tenez-vous bien, l’apparition d’un croissant lunaire ne dépasse pas trente minutes, une heure en tout et pour tout. Dans ce laps de temps, on doit être en mesure, quel que soit l’endroit où on peut se trouver au Mali, de pouvoir porter la nouvelle à qui de droit. Mais tel n’est malheureusement pas le cas chez nous. C’est déplorable, on doit rompre avec de telles attitudes.

L’Indépt : Au Nigéria, un érudit du nom de Shabu Aboubacar avait fait distribuer des jumelles aux fidèles pour chercher la lune. Pourquoi ne pas faire la même chose chez nous?

COH : C’est une bonne décision en soi. Certains pays sont sur cette voie. Peut être que l’Arabie Saoudite ne tardera à adopter le même procédé technique en raison des problèmes qu’il a connus cette année. En Libye, par exemple, c’est sur la base d’un calendrier établi que les fidèles procèdent à ces rites. Mais ce calendrier établi à la demande de Mouammar Kadhafi est  rarement pris à défaut. Mais pour ce qui nous concerne, je propose une solution beaucoup plus globale, à savoir la mise en place d’un Comité sous-régional impliquant l’ensemble des Etats de la sous-région, pour l’observation de la lune. C’est-à-dire que quand la lune est aperçue au Burkina, au Niger ou au Sénégal, on doit informer les fidèles des autres pays. Je pars du constat que l’ensemble des Etats ont en commun le même fuseau horaire. Nous partageons aussi le même espace géographique. Chez Dieu, il n’y a pas le Mali, ni la Côte d’Ivoire encore moins le Togo. Il n’ y a que des humains de surcroît des musulmans vivant dans la même sphère géographique. Il faut que tous les fidèles fassent de la question religieuse une priorité, évitant ainsi de créer de faux problèmes. J’en appelle tous à l’unité et à la cohésion. Je profite de l’occasion pour préciser que Mahmoud Dicko a fait de son mieux car dès qu’il a eu l’information, il a pris le soin de la diffuser. Qu’on arrête de le vouer aux gémonies.

Propos recueillis par Abdoulaye Diarra

 

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