El Hadji Ousmane Chérif Madani Haïdara, en exclusivité

0

”Le politique fait la politique pour avoir de l’argent” – . ”Je ne vais pas échanger mon fauteuil actuel contre celui de Koulouba” – . ”Je suis prêt à voter pour tout Malien qui peut diriger le pays sur le  Chemin de la vérité’’. ”

Ousmane Chérif Madani Haïdara n’est certainement plus à présenter. Pour une raison toute simple : son incroyable popularité, témoignage de la bonne réputation qu’il a su se forger, même au-delà, de nos frontières. Partout où il se trouve à travers le monde, c’est la foule qui acclame, qui fourmille autour du Guide spirituel de l’association Ançardine, qualifié par certains comme un briseur de tabou. Grâce aux efforts de cette association qu’il a créée voilà quelques années et qui, fait rare, est présente dans une vingtaine de pays africains, ainsi qu’en Europe, Amérique et Asie, Haïdara fait des investissements de plus en plus au profit de la population. La preuve, la construction, l’équipement et le fonctionnement  d’un hôpital pour prodiguer des soins de santé aux malades, la construction et la mise en service d’un groupe scolaire pour l’instruction et l’éducation des enfants. S’y ajoutent les multiples actions de bienfaisance, dont la charge, les frais de soins de certains malades à Bamako et dans certaines capitales régionales, que l’association mène chaque année. Autre chose : savez-vous que son antenne de New York envisage de construire bientôt un centre culturel ?  C’est un homme très positif, avec son éternel sourire, qui nous a accueillis cet après midi du 2 juillet à son domicile à Banconi. Manifestement soucieux de nous mettre à l’aise, il a accepté de répondre à toutes nos questions. Entretien. 

 

Le Challenger : Vous êtes prêcheur depuis longtemps. A votre avis, comment l’islam se porte-t-il au Mali ?

Ousmane Chérif Madani Haïdara : Allahamdoulilaye ! Je rends grâce à Dieu et vous remercie d’avoir fait le déplacement. Comme vous avez souligné, je suis prêcheur depuis longtemps. J’ai commencé à prêcher à l’âge de 9 ans. Ainsi, depuis élève, à mon retour au village pendant les vacances, j’expliquais aux personnes âgées comment faire les ablutions et quels sont les piliers de cette religion. Depuis lors, je véhicule le message de Dieu.

 

”Avec la tolérance, l’islam ira toujours de l’avant”

Je trouve que l’islam se porte très bien. La bonne compréhension de l’islam passe par l’acceptation, la tolérance de l’autre avec sa confession religieuse. Dieu merci, ce comportement salutaire est en pratique au Mali. Avec la tolérance, l’islam ira toujours de l’avant. Si chacun pratique sa religion en toute tranquillité, cela augure de la cohésion et de la paix au sein du pays. L’islam au Mali est sur une bonne voie. L’islam, c’est l’amour du prochain, la solidarité, la tolérance, le travail. Ce n’est pas seulement le fait de prier (comme nous avons compris) ou jeûner ou encore de porter de grands boubous, de prendre un chapelet, ni de laisser pousser sa barbe. Ce n’est donc pas une question d’accoutrement, d’apparence ou de paraître. L’islam, c’est la foi (croire en Dieu) et le comportement et le travail qui reflètent cette foi. Ce contenu est de plus en plus compris par nos frères coreligionnaires. Toute chose qui  fonde mon espoir sur une meilleure marche de notre religion.

 

Nous vivons le mois de ”Rajab”, un mois béni parmi les mois indexés comme tel, au cours duquel le Tout puissant et le Miséricordieux est inhabituellement sollicité ; beaucoup de bénédictions, vœux, souhaits, sont formulés avec l’espoir qu’ils soient exaucés.

 

 C’est le mois qui précède le mois sacré du Ramadan, un mois d’abstinence et de prières. A cette occasion, quel message l’homme de Dieu que vous êtes et qui n’a point usurpé sa réputation, même au-delà de nos frontières, avez-vous à adresser à la communauté musulmane de notre pays ? 

 

Allahamdoulilaye ! Rajab est un mois béni, parce que Dieu a créé douze mois formant une année. Parmi ceux-ci, il a privilégié quatre mois, dont le Rajab, indiqués pour les dévotions et les repentances. La grandeur de ces mois est vantée partout. Dieu démultiplie les récompenses de tous ceux qui font de bonnes actions pendant ces mois et pardonne à tous ceux qui auront regretté leurs mauvais comportements antérieurs.

 

Rajaba, que nous traversons actuellement, est chronologiquement le premier des quatre mois bénis et rehaussés par Dieu. Ainsi, ce mois constitue un mois de solidarité, d’entraide. Les musulmans doivent beaucoup s’entraider au cours de ce mois. Il est même recommandé aux croyants de renoncer à leurs dettes ou de s’abstenir de les réclamer pendant ce mois. Il est donc indiqué pour multiplier les actes de bienfaisance, de charité, de philanthropie, d’humanisme envers ceux qui ont eu moins de chance que soi.

 

S’abstenir de mauvais comportement – par exemple l’adultère, le mensonge – et agir solidairement envers ceux qui sont dans le besoin à cause de Dieu réservent des promesses de récompenses d’importance inestimable durant ce mois. C’est pour cela qu’il ne faudra jamais perdre de vue la grandeur et le privilège de ce mois afin d’en tirer le maximum d’avantages possibles. Comme l’a dit le Prophète Mohamed (Psl), celui qui arrive à observer ces comportements sera mieux récompensé le jour du dernier jugement. Aux yeux de la religion, les gestes de solidarité sont plus importants que les prières surérogatoires que nous faisons.

 

Dans vos propos, vous évoquez la solidarité, l’entraide entre musulmans. Or, on constate qu’à l’approche du mois de Ramadan, les prix des produits de première nécessité flambent. Quel appel avez-vous à lancer à l’endroit des autorités maliennes et des commerçants ? 

La cherté de la vie est souvent fonction des ambitions égocentriques et mercantiles de certaines personnes, quand bien même des réductions de prix de leurs produits leur rendraient plus de ”bénéfices” et plus proches de Dieu que l’argent parfois indûment rassemblé grâce à la spéculation et d’autres pratiques. Le milliard mal acquis n’est pas béni. Il faut que les autorités accordent des facilités aux commerçants en jouant positivement les dédouanements, en accordant les exonérations sur le sucre, le riz et même l’huile.

 

Nous ne cessons de le leur rappeler chaque fois que l’occasion se présente. Cela, pour que nos concitoyens, majoritairement pauvres, puissent moins pâtir de ce mois de dévotion. Parfois, le gouvernement fait des efforts louables, mais ce sont les commerçants qui entretiennent la montée en flèche des prix pratiqués sur le marché. Qu’ils comprennent que les sous issus d’une augmentation des prix des denrées de première nécessité sont injustes, indus et non bénis. Pour avoir une fortune bénie, les commerçants doivent avoir pitié des consommateurs.

 

Parlons des mœurs sociétales. Commençons par les bonnes. En cette période de l’année, on assiste comme à une ”épidémie” de mariages, ce qui est en soi une très bonne chose. Mais, là où le bât blesse, plusieurs de ces unions célébrées dans la précipitation sont à l’origine de tous les excès. Quels conseils avez-vous à prodiguer à ceux qui s’engagent dans ces unions ?

Cela fait partie de nos us et coutumes.  Sinon, tout le monde sait que le mois de ramadan est plutôt un mois de dévotion pour les fidèles. Que ça soit le mois de ramadan ou pas, si tu forces le mariage, si Dieu ne nous épargne pas, c’est le regret qui est derrière. Le forcing du mariage avant ou après de ce mois n’augure pas d’union solide et durable alors qu’il est censé être éternel comme le montre bien sa signification en langue nationale bamanan. A Ségou, on appelle le mariage ” fouroutoutou” c’est-à-dire pour toujours, quelque chose qui ne finit jamais jusqu’à la mort.

 

C’est pour cela qu’il sied bien pour les futurs conjoints de s’étudier, se comprendre afin de savoir s’ils peuvent s’accepter et vivre ensemble toute leur vie. Quoique recommandé par la religion, le mariage ne doit pas s’improviser, encore moins se faire dans l’impréparation et la précipitation. Dans ce cas, sauf la bénédiction du Bon Dieu, il y a de fortes chances que vous soyiez séparés après. Il y a beaucoup de choses dans nos mariages. On ne cherche pas là où on doit chercher. Et on ne cherche pas à comprendre. La religion recommande le mariage une fois l’âge requis, si vous avez les moyens.  Le mariage épargne les conjoints de certains mauvais comportements.

 

Sur l’autre registre, les mauvaises mœurs. Jamais le goût de la perversion ou l’insensibilité psychique (katiguèlin y a)caractère propre au délinquant n’ont atteint un cime aussi élevé. Quelles solutions préconisez-vous ?

La solution réside dans le fait que les parents se rappellent hier car la perversion comportementale est une conséquence et non une cause en soi. L’éducation est une obligation dans la famille pour le père et la mère. Comme, elle est pour le maître à l’école. Les voisins, amis et autres doivent tous avoir la même ambition de former de futurs hommes à travers la socialisation des enfants. La ville a corrompu, perverti beaucoup de ruraux qui sont venus s’y installer. Ils ont vite oublié ceux qu’ils avaient au village. Ainsi, ils ont perdu leur identité et courent aujourd’hui derrière une autre identité qu’ils n’atteindront jamais.

 

Naguère, en brousse d’où nous venons, aucun jeune garçon à notre âge ne prenait le risque de se faire surprendre en tête à tête avec une fille dans la rue. Tu n’osais pas. Car dès que tu voyais venir quelqu’un ayant l’âge de ton père ou un aîné, vite tu courais te cacher. Et voir qu’aujourd’hui, les parents acceptent de recevoir tranquillement, sans option de mariage, le petit ami de leur fille !

Le port de tenues indécentes, notamment à l’école, y est pour quelque chose quand bien même les enseignants, en tant qu’éducateurs, ne devraient cautionner point cette forme d’exhibitionnisme encore moins l’autoriser à l’école. Même si nous sommes dans un pays laïc, la bonne éducation des enfants est une affaire pour tout le monde. Si elle réussit, c’est pour la prospérité du pays. Je veux tout simplement dire que ceux qui doivent éduquer les enfants, les mettre sur le droit chemin, ont échoué. On dirait que les enfants n’ont ni père, ni mère, que ceux qui doivent les guider ont démissionné. Si rien n’est fait, le pire est à craindre si nous pensons que la civilisation signifie perversion. Nous faisons des bénédictions pour que Dieu nous sauve des conséquences insoupçonnées de ces catastrophes.

 

Certains pensent que ce sont ces excès de toutes sortes qui sont à l’origine de la rareté des pluies car nous sommes censés être en plein hivernage ?

La religion musulmane comprend les choses comme ça. Lorsque vous lisez le Coran, c’est ce que Dieu dit. Si les hommes prenaient le droit chemin en suivant la parole de Dieu en cessant des péchés, inégalités, injustices, méchancetés et autres mauvais comportements, il les gratifierait d’une bonne pluviométrie, leur donner des enfants bénis, des fortunes. Comme ils refusent, il les récompense par la rareté des pluies, la faim. C’est déjà dans le Coran. Tous les musulmans sont convaincus que Dieu n’aime pas les injustices, les mauvais comportements, notamment le fait de porter atteinte aux droits des pauvres. La sécheresse, les maladies, les problèmes de façon générale sont souvent le résultat de nos péchés commis à travers les inégalités, injustices, méchancetés et autres comportements jurant avec les normes. Tant que les principes édictés par le coran et le prophète (PSL) ne sont pas respectés, ces punitions divines seront toujours au rendez-vous. Nous prions et implorons Dieu pour un hivernage fructueux et radieux.

 

Vous avez tantôt évoqué un mot, à savoir le mot laïc. Tout le monde parle de laïcité. Qu’entendez-vous par laïcité ?

Je ne connais pas le sens que les gens en donnent en français. J’analyse le mot comme un commun accord qui permet à chacun de pratiquer la religion qu’il veut sans une violation de ses droits. Si vous êtes musulman qu’on vous laisse faire vos prières. Si vous êtes chrétien, qu’on vous laisse avec votre foi. Si vous êtes féticheur, qu’on vous laisse adorer vos fétiches. Personne ne doit empêcher personne. Je comprends le terme comme la possibilité, voire la liberté pour chacun d’exister et d’exercer librement ce qu’il veut sur le plan religieux et la façon de vivre sans nuire aux autres personnes.

 

Monsieur Haïdara, au-delà des conseils et bénédictions que vous, leader religieux, vous prodiguez, vous êtes en train d’investir de manière plus concrète pour vos prochains. La preuve, la construction, l’équipement et le fonctionnement d’un hôpital pour prodiguer des soins de santé aux malades, la construction et la mise en service d’un groupe scolaire pour l’instruction et l’éducation des enfants. Il y a d’autres actions que nous ignorons. Alors quel sentiment vous anime en vous voyant  au centre de ça ? 

Comme je l’ai dit au début de mes propos, l’islam est une religion de partage, de solidarité et d’entraide. Dieu nous appelle à la compassion, au partage, à la solidarité. Vous savez, les gens n’ont pas les mêmes chances dans la vie. Nous avons compris que chaque fois que les hommes se regroupent autour de Dieu, ils peuvent faire quelque chose de concret qui puisse apporter du bonheur dans le pays. C’est pourquoi, j’ai fait appel aux Ançares du Mali et d’ailleurs de cotiser pour construire le centre de santé et l’école pour venir en aide à nos parents musulmans qui traversent des moments difficiles. C’est ainsi qu’en une année, ils ont pu réunir plus d’1,3 milliard de nos francs pour réaliser ce projet.

 

La pénurie d’eau dans certaines localités nous a conduits à faire des études de faisabilité pour la réalisation de forages. Nous avons dépensé  plus de 24 millions. Malheureusement, les recherches ont été infructueuses. Il n’y a d’eau dans aucun des puits explorés. Notre souci est de soulager les populations. Une autre préoccupation reste la route que vous avez empruntée pour venir. Chaque année, nous faisons tout pour la rendre praticable. Nous avons investi environs 19 millions dans la réparation de la route de Banconi. Cette année, le Président de la République, Amadou Toumani Touré  m’a promis de bitumer cette route pour rendre l’accès au centre de santé plus facile pour les populations. Les travaux devraient commencer cette semaine.

 

Nous avons un champ de 50 hectares, dont les productions servent à nourrir   des milliers de nécessiteux. Que chacun travaille et accepte de partager sinon les valeurs que prône l’islam resteront des vœux pieux !

 

Nous voulons que vous parliez un peu des Ançares ?

Les Ançares ne sont pas des gens cachés. Ce sont des groupes d’individus qui croient à l’authenticité du message véhiculé par Haïdara et ont promis de l’aider à réaliser ou traduire en faits ce qu’il prêche comme attitudes et comportements du musulman dans la société.  Ils ont donné leur parole et ont fait ”la baya”, prêté le serment de respecter l’unicité de Dieu, ne pas commettre l’adultère, ne pas voler, ne pas pratiquer de l’infanticide, ne pas tricher de près comme de loin, faire tout ce que le prophète Mohamed (PSL) leur demande. Ce sont donc ces personnes-là qui portent le nom d’Ançares dine Al islamia. Tout ce qu’on désire entreprendre leur est d’abord soumis avant réalisation.

Il est vrai que, comme vous l’avez si bien dit, l’islam est une religion d’entraide, de solidarité. Cependant, il a été constaté dans ce pays qu’il y a en général une ambition politique derrière les actions apparemment philanthropiques. Est-ce le cas pour vous ?

Si vous parlez de politique, je dirai que le concept est vaste et renferme plusieurs réalités. Même le fait que nous soyions assis pour échanger est politique. Je pense que tous les Maliens doivent avoir besoin de la politique qui consiste à prendre dans ta poche pour partager avec les autres. Chez nous, le politique fait la politique pour avoir de l’argent. Or nous, nous prenons dans nos poches pour donner. Il y a donc un grand pas entre les deux. Celui qui construit un centre de santé n’a pas une ambition politique. Sinon il aurait fait la politique en cherchant à s’enrichir au détriment du pays pour construire un centre de santé. (Rires) Nous allons collecter nos fonds petit à petit pour construire à cause de Dieu. Cela n’a rien à voir avec la politique.

 

Les mauvaises langues vous prêtent pourtant l’ambition de devenir, maire, député, ministre ou même président de la République

 

Peut-être, ces gens ne connaissent pas suffisamment Haïdara, parce que même le président de la République ne peut pas occuper le fauteuil sur lequel je suis assis. Tout simplement parce qu’il devrait bientôt, pour des raisons connues de tous, quitter sa chaise. Or, moi je garde la mienne jusqu’à la mort. Mieux, mes enfants  me succéderont au même fauteuil. Le président vient et part. Nous avons vu passer le président Modibo Kéïta. Moussa Traoré a fait son tour avant Alpha Oumar Konaré. Et Amadou Toumani Touré va partir dans deux ans. Et, moi je garde toujours mon fauteuil. Pourquoi vais-je l’échanger contre celui de Koulouba. Ah ! Non, je vais rester ici. (Rires). C’est mal connaître Haïdara. Je garde mon fauteuil. C’est un fauteuil prêté par Dieu et non les hommes. Le fauteuil des hommes est éjectable et éphémère.

 

Comme vous le savez donc, c’est dans deux ans que notre pays va organiser des élections, notamment présidentielles.

Quels conseils avez-vous à prodiguer quant au meilleur choix de candidat possible pour conduire notre destin?

Dans ce cadre, j’invite les musulmans à se réveiller. Ouvrons les yeux en implorant Dieu. Peu importe ! Pour moi, Haïdara, il s’agit de désigner  le président du Mali, notre grand imam ou le chef des chrétiens ou encore un féticheur d’un quelconque village. Je suis prêt à voter pour tout Malien qui peut diriger le pays sur le chemin de la vérité. Qu’il soit chrétien, féticheur, ou musulman, je m’en fous. Moi, Haïdara, je prie Dieu pour qu’on puisse voter pour un homme bâtisseur, juste et véridique qui a pitié du peuple malien.

 

Comme vous le savez déjà, il y a certains textes qui font l’objet de fortes divergences au sein de l’opinion publique. Parmi eux, figure la loi sur l’abolition de la peine de mort. On a entendu beaucoup de choses, là- dessus. Qu’en pensez-vous?

 J’ai une seule chose à dire : je n’évoque pas le problème sous l’angle de la charia pour la simple raison que la loi musulmane n’est pas appliquée au Mali. Mais, je parle de la loi qui est actuellement en vigueur dans notre pays. Je leur dis de ne pas abolir la peine de mort. C’est très affligé que j’aborde ce sujet. Je connais quelqu’un qui a volontairement tué trois personnes. Il a été arrêté. Pouvez-vous imaginer qu’aujourd’hui, on est venu me remettre une carte pour le baptême de son deuxième enfant !!! Dans quel pays sommes-nous alors ? Quelqu’un tue les piliers d’autres familles et que la loi dit de ne pas tuer ce dernier. Ici, je ne parle pas de Coran. J’ai peur qu’un jour, les gens ne soient pas tentés de faire recours à la justice privée. Des assassins se promèneront librement et sans crainte devant les parents de leurs victimes. Et la situation risque de s’enliser quand la réparation doit susciter d’autres actes criminels.

 

 Si le gouvernement échoue, les gens vont se faire justice. Je suis d’accord que l’on peut se tromper pour tuer. Ce sont ces thèses que j’ai soutenues devant les députés qui m’ont fait savoir que l’application de la peine de mort équivaudrait à un second meurtre. C’est-à-dire tuer un chef de famille parce qu’il a tué un autre chef de famille, ça fera deux morts.  Ceux qui craignaient ou avaient encore quelque peu peur des sanctions devant suivre les actes criminels qu’ils projetaient d’accomplir seront d’autant plus tentés que leur punition sera favorablement disproportionnelle au crime commis. Pour moi, le fait de tuer publiquement celui qui a ôté la vie à un chef de famille préserve les autres chefs de famille.

 

On m’a fait savoir que l’on peut être arrêté pour un crime qu’on n’a pas commis. Pour moi, c’est autre chose. Cela relève de la justice et des services chargés de l’enquête. Il n’y a pas de doute sur le cas de celui qui a son couteau pour braquer et tuer un motocycliste. Pour les cas flagrants, les auteurs doivent être exécutés de façon publique. Ce qui va décourager, voire dissuader ceux qui veulent franchir le pas.   

 

La peine de mort est abolie depuis longtemps. on veut seulement que le peuple soit formellement mis au courant. A ma connaissance, les exécutions sont rares. Seul le Général Moussa Traoré en son temps a fait appliquer la peine de mort aux coupeurs de tête après leur jugement. Depuis, personne n’a eu échos de décapitation au Mali. Et depuis lors, personne n’a été exécuté. On t’envoie en prison où tu prends tranquillement ton thé, ta viande. Ta femme vient te rendre visite. En un mot, tu dors tranquillement. Cela donne l’impression aux parents, amis et proches des victimes qu’ils ont juste perdu un chat ou au moins une personne non importante. C’est pour vous dire que je suis contre l’abolition de la peine de mort. S’ils le font, ils font détruire le pays.

 

Vous venez  de dire que la loi islamique ne s’applique pas au Mali. Est-ce qu’un jour, vous allez  militer pour l’application de la charia au Mali ?

Même si Dieu me donnait ce pouvoir aujourd’hui, je ne le ferais pas.

 

Pourquoi ?

Nulle part au monde, vous ne verrez notre religion chercher à tuer des hommes. La loi islamique n’a pas seulement vocation à tuer parce que vous avez commis l’adultère. Non ! La loi islamique veut que vous refusiez de commettre l’adultère alors que vous avez la possibilité de le faire. On ne peut pas tuer quelqu’un parce qu’il a commis l’adultère. Pour appliquer la charia, il faut voir de tes propres yeux les deux personnes nues (excusez- moi). En plus, il faut appeler trois autres témoins pour voir l’acte. Est-ce que la charia veut tuer quelqu’un parce qu’il a commis l’adultère ? Non ! Seulement, elle veut montrer à tel point  que Dieu n’aime pas l’adultère. La loi islamique a plus vocation à soigner les comportements qu’à brandir la lapidation à mort. La charia n’est pas obligation pour couper la main du voleur. Elle est venue pour les dissuader à commettre le vol. Nous sommes déjà sur ce chemin qui consiste à aider les gens à adopter de bons comportements sans prendre la loi de la charia, même si nous en avons la possibilité. Nous travaillons à l’exercice de cette pédagogie de l’islam.

 

Toujours par rapport aux textes, il y a beaucoup de bruits autour du code des personnes et de la famille qui est toujours sur la table de l’Assemblée nationale. Vous êtes une personnalité très écoutée. Qu’est ce que  vous avez dit lorsque vous avez été consulté ?

J’ai été très clair. Quelles que soient les lois à prendre au Mali, nous ne broncherons pas tant qu’on laissera une porte de sortie aux musulmans. Par exemple, si le droit positif juge bon d’attribuer tout l’héritage à un seul enfant. Nous serons d’accord. Sauf que le législateur devrait alors préciser que la disposition ne s’applique pas aux musulmans. C’est tout. C’est notre façon d’adorer Dieu qui a dit de partager comme ça. Celui qui veut y porter atteinte veut s’opposer à la laïcité que je comprends comme la liberté pour moi de pratiquer ma religion sans nuire à autrui. Par conséquent, les musulmans ne pourraient tolérer une loi qui enfreindrait le droit musulman et les dérangerait dans la pratique normale de leur religion.

 

M. Haïdara, en plus de l’héritage que vous venez d’évoquer, il y a d’autres dispositions du texte qui sont contestées. On peut citer la légalisation du mariage religieux, l’âge du mariage, la question de l’enfant né hors du mariage….. Nous voudrions savoir si le texte à l’état actuel des choses va à l’encontre de nos valeurs religieuses ?

S’agissant du projet de code, il y a mille et quelques articles. Mais il y a dix ou onze articles que les musulmans ont appelés à examiner. Sinon, il n’y a pas de problème majeur. Une équipe de 15 personnes, mandatées par la communauté musulmane, travaille actuellement avec les députés pour mieux comprendre les contours et contenus des articles incriminés afin de lever toute équivoque et de dissiper toutes les zones d’ombres sujettes à discussion. Pour eux, le code ne contient pas d’article qui porte atteinte à la religion musulmane, parce que les gens ne savent pas le sens et que ceux qui ont expliqué aux musulmans ont mal expliqué.

 

Tant mieux si les explications montrent qu’ils ne heurtent pas les principes musulmans. Mais les articles qui nuiront à l’islam et, par ricochet, aux musulmans, seront réétudiés et reformulés pour éviter tout problème. En guise d’exemple, ôter les parents de la liste des héritiers de leurs enfants si ces derniers venaient à mourir avant, nous parait injuste. Nous concédons que les enfants du défunt doivent en hériter largement, mais leurs grands parents, grâce auxquels le défunt a réussi, ne doivent pas être ignorés lors du partage de l’héritage tant qu’ils sont encore en vie.

 

On nous fait savoir que les musulmans qui veulent que le partage de l’héritage soit fait selon leurs règles peuvent le faire en établissant un testament. Dans le cas contraire, l’héritage sera géré conformément aux dispositions du code. Je dis que cela est normal. Il faut reconnaître que certains de nos frères coreligionnaires ont des problèmes de compréhension par rapport à certaines questions. Ils disent ce que Dieu a dit. Et le pays prend une autre chose. Est-ce que cette loi est appliquée au Mali ? Si vous voulez divorcer avec votre femme. Au tribunal, on juge selon la loi islamique. On tranche selon la loi applicable au Mali. Tout le monde est d’accord.

 

En cas de désaccord sur le partage de l’héritage, si vous arrivez au tribunal, ce n’est pas le Coran qui est  appliqué. Vous serez jugé selon la loi en vigueur dans le pays. Pour moi, ce point est loin d’être un  point de discussion, encore moins un point d’achoppement. Sur certaines questions, nous n’étions pas d’accord. Les gens ont la compréhension difficile. Par rapport à l’enfant né hors mariage, certains disent que ce n’est pas son enfant. Mais Dieu n’a pas dit que ce n’est pas son enfant. Car on ne parle de ça nulle part dans le Coran. Mais certains hadiths apportent que le prophète Mohamed (PSL) a dit que l’enfant naturel n’appartient pas à son père. Je pense qu’il faut analyser le contexte dans lequel le prophète a affirmé ces propos. Il s’agissait de mettre fin aux mauvaises mœurs et pratiques qui consistaient à faire le maximum d’enfants çà et là et à les récupérer ensuite pour qu’ils puissent travailler. Pour éviter cela, le prophète a dite que l’enfant n’est pas pour toi. Pour moi, cela ne signifie pas que l’enfant naturel n’est pas le fils de son géniteur. Il ne s’agit pas d’adopter un enfant. Ton enfant, c’est ton enfant s’il est né hors du mariage.  Si quelqu’un doit être puni, c’est toi qui dois l’être. On ne peut pas te laisser pour aller s’en prendre à l’enfant pour le laisser sans père. Mais je crois qu’on s’est déjà compris. (Rires). Les gens n’ont pas le même degré de compréhension. Sur cette question de l’enfant naturel, on a tenu deux réunions sans arriver à un point commun.

 

Que Dieu nous préserve ! Quelqu’un enceinte ma sœur et refuse de reconnaître l’enfant parce qu’il est musulman. Selon la loi, il doit être lapidé conformément à la charia. S’il refuse son enfant parce qu’il est né hors mariage, ce dernier vaut mieux que lui qui l’a mis au monde.

 

Les articles liés à l’adoption de l’enfant traitent de phénomènes presque  méconnus chez nous. Je veux qu’on s’intéresse seulement à ceux qui nous touchent directement. On ne peut pas les regarder tous parce que le Mali est un pays  laïc. Les malentendus sont près que transcendés, il y aura très prochainement un accord. Car l’assurance nous a été donnée par les spécialistes, de surcroît musulmans, de réétudier tous les points qui nuisent à l’islam parce qu’ils sont des musulmans et fils de musulmans. J’espère que le texte sera voté dans un futur proche. Si Dieu le veut.

 

Certains groupes ou personnes utilisent l’islam pour poser des actes attentatoires à la vie d’autrui, je veux parler des terroristes. Quelle est votre position par rapport à ce phénomène de terrorisme ?

Il n’est pas facile de juger ces comportements et leurs auteurs. Mais ce qu’il faut retenir tout de suite, c’est que l’islam n’est pas une religion de terrorisme ou de tuerie. C’est plutôt une religion de solidarité, d’entraide, de compassion et de pitié.

 

Mais, vous voulez attaquer quelqu’un dans son honneur et sa dignité, il a le droit de préserver cela. Il agit alors par légitime défense. Moi je veux prier chez moi. Si on m’empêche de prier, il y a problème. Ainsi, des attitudes de provocation et d’injustice extrêmes poussent certaines victimes à riposter malheureusement de façon irréparable et criminelle. Vous savez qu’en Suisse, on a dit de chasser les minarets. L’islam n’est pas venu avec les minarets qu’il a empruntés chez les chrétiens.

 Un jour, nous étions dans un train pour aller dans une ville d’Allemagne. Arrivés dans une ville, nous nous sommes dits qu’ils sont des musulmans, parce qu’ils ont construits une belle mosquée. Le bâtiment avait l’allure d’une mosquée avec des longs minarets. Or c’était une église.  Voilà des actes qui suscitent l’indignation.

 

Le terrorisme ne peut se justifier au sein de l’islam. En effet, cette religion interdit les actes terroristes du moment qu’elle demande au fidèle de rester à cheval sur les principes édictés par le coran et le prophète (PSL) en laissant tranquilles ceux-là qui ont eu d’autres options confessionnelles ou religieuses.

 

Souvent, c’est la politique qui est à la base de ces genres de comportement sinon l’islam ne saurait cautionner le terrorisme. Le cas de nos voisins auquel vous faites allusion est plus politique que religieuse. Nous avons tous été témoins lorsque la victoire du F.i.s a été volée. Je pense que cela n’a rien à voir avec Dieu.

 

Votre dernier mot ?

Je vous remercie. Vous devrez redoubler d’efforts parce que tout le monde a besoin de vos informations. J’invite les médias à préserver et privilégier la vérité. J’ajoute que Moi, Ousmane Chérif Madani, je suis à la disposition de tous les journalistes. Ma porte est largement ouverte pour les recevoir pour échanger sur tous les sujets possibles.

Que Dieu vous bénisse ! 

Entretien réalisé par B. BENGALY, O. Coulibaly et C. DOUMBIA 

 

Commentaires via Facebook :