Après la mise en place du nouveau gouvernement, Woyo Konaté, docteur en philosophie politique et chargé des cours des sciences politiques à l’Université des sciences juridiques et politiques de Bamako donne ses impressions sur la dédicace faite à la jeunesse par le président réélu. Interview.
L’Indicateur du Renouveau : Après sa réélection contestée par une partie de l’opposition, le président IBK et le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga viennent de former un nouveau gouvernement. Quelles sont vos observations sur cette équipe ?
Dr Woyo Konaté : Il n’y a pas eu véritablement un changement par rapport à la configuration. Quand je dis la configuration, je fais référence au nombre de ministres qui composent le gouvernement. Parce que de 36 on se retrouve avec 32. Quand on sait aussi qu’il y a d’autres responsables qui ont rang de ministre à la présidence et à la Primature, on est à peu près 36. Ce nombre de portefeuilles ministériels pour un pays comme le nôtre, c’est trop. Un Etat peut marcher avec 15 ministres en réalité. Il est grand temps que l’on réduise les portefeuilles, qu’on aille à l’essentiel ; qu’on abandonne cette tendance à vouloir récompenser tout le monde.
IR : Est-ce que l’on peut parler de récompense avec des candidats absents surtout ceux qui ont jeté leur dévolu sur le candidat IBK au second tour ?
W.K : On ne sait pas ce qui leur aurait été proposé. Ce gouvernement est un peu un gouvernement de transition. Le président sait déjà que l’Assemblée nationale en place est acquise à sa cause et puis donc du coup il n’a pas besoin de tenir compte de la configuration politique pour former un gouvernement. On a eu à récompenser aussi beaucoup de partis.
IR : Cette équipe est-elle formée pour la durée ?
W.K : Non on attend juste les élections législatives. C’est lorsque les élections législatives auront lieu que le président, pour son mandat à venir, sera obligé de faire un gouvernement en tenant compte de cette nouvelle configuration. Parce qu’il a besoin de l’Assemblée nationale pour faire passer ses politiques. Donc c’est juste un gouvernement en attendant cette donne politique qui change complètement et normalement les choses.
IR : Aujourd’hui, le Mali fait face à plusieurs défis, pensez-vous que le profil des ministres cadre bien avec le contexte actuel ?
W.K : Beaucoup sont déjà bien anciens. Ceux qui sont entrés dans le gouvernement, j’ai lu leurs parcours, s’ils ont la volonté de bien travailler, ils ont tous évidemment le niveau requis pour relever les défis. Vous savez que la gestion de notre pays n’est pas facile, c’est un pays en post-crise. Les réalités sont déterminées par d’autres considérations qui ne sont pas forcément à notre portée. Le portefeuille qui semble être le plus stratégique aujourd’hui est celui des Affaires étrangères et de la Coopération internationale. Le Mali a besoin de donner vraiment une véritable impulsion, une nouvelle orientation à ce ministère pour que nous puissions sortir définitivement de la crise. Celle qui hérite de ce département, j’ai lu son CV qui apparemment semble être bien fourni. Vous savez dans la politique, il y a ce que l’on appelle le charisme. Le charisme est très important surtout pour des ministères comme les Affaires étrangères. Pour moi en tant qu’enseignant, elle peut avoir la compétence, mais elle ne me semble pas avoir la carrure dont on a besoin pour bien secouer dans ce domaine.
IR : Que pensez-vous de la présence des femmes dans le gouvernement à travers le respect de la loi sur le quota ?
W.K : La question du genre relève de la question des droits de l’Homme. Sur ce plan, le gouvernement a fait un grand pas parce qu’à ma connaissance, il a dépassé les 30 % fixés par la loi. D’un autre côté, il aura régressé avec la disparition du ministère des Droits de l’Homme, cela est regrettable dans notre contexte. La création de ce département avait été saluée par les gens et allait dans le sens de la promotion et de la protection des droits de l’Homme.
IR : Le président IBK lors de sa prestation de serment a déclaré que son quinquennat est dédié à la jeunesse, son équipe reflète-elle sa promesse ?
W.K : En termes de comparaison avec le gouvernement sortant il y a eu vraiment la présence plus pointue des jeunes dans le gouvernement. Quand on prend le ministre chargé des Affaires étrangères, le ministre de la Réforme de l’administration et de la Transparence de la vie publique, des jeunes sont aux affaires. Il y a beaucoup des jeunes qui ont fait leur entrée dans le gouvernement, plus les anciens déjà. Donc la jeunesse est représentée.
Je pense aussi quand le président dédie son quinquennat aux jeunes, ce n’est pas seulement au niveau de leur présence dans les instances. Je pense que c’est au niveau des politiques qu’il doit initier, politique en faveur de l’emploi des jeunes, politique au niveau de la formation des jeunes. Un quinquennat dédié à la jeunesse normalement est un quinquennat qui va mettre l’accent sur la formation des jeunes. Sauf que dans ce sens, je ne le vois pas bien comment avoir cette volonté et encore avec la suppression du ministère de l’Enseignement supérieur. Aujourd’hui est-ce l’enseignement supérieur va être avec l’Education nationale ou l’Innovation et la Recherche scientifique.
IR : Selon vous quels sont les défis auxquels le gouvernement doit urgemment s’atteler ?
W.K : Le gouvernement doit essayer surtout de mettre l’accent sur la diplomatie. Tout notre problème se situe au niveau de la diplomatie. Savoir dire les mots justes pour pouvoir avoir des amis véritables. Parler de sorte que les amis puissent se sentir un peu plus en sécurité pour qu’ils roulent dans le sens que l’on souhaite.
Propos recueillis par Yehia Mahmoud