Dr. Mohamed Amara, sociologue a propos des 49 militaires ivoiriens : « Un appel d’air »

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Une semaine après la grâce présidentielle pour les 49 militaires ivoiriens, Mohamed Amara, sociologue à l’Université des Lettres et des Sciences Humaines de Bamako et auteur de plusieurs livres dont : Marchands d’angoisses, le Mali tel qu’il est, tel qu’il pourrait être, éditions Grandvaux, nous livre son analyse sur cette grâce présidentielle. Entretien.

 Mali Tribune : les 49 militaires ivoiriens ont été jugés et condamnés par la justice malienne à 20 ans de prison. D’abord quel commentaire faites-vous de ce jugement ?

Dr. Mohamed Amara : la condamnation des 49 soldats ivoiriens, c’est l’aboutissement d’un parcours juridique. Une sorte de tambouille politico-judiciaire pour garder la face. C’est le sens premier de ce jugement. Ensuite, au regard de la médiation togolaise et de la signature d’un mémorandum entre les deux parties, il était aussi prévisible que les soldats ivoiriens soient libérés d’une façon ou d’une autre en dépit des lourdes peines prononcées à leur encontre. Mais, au fait la libération des soldats ivoiriens répond aussi à une espèce de « ligne de conduite », qui consiste à s’adapter aux attentes de l’opinion nationale, donner le sentiment de préserver la souveraineté du Mali.

Mali Tribune : En tant que sociologue, comment vous interprétez cette grâce présidentielle ?

Dr. M. A. : La grâce des 49 soldats par le Président de la transition est une espèce de régulation des rapports diplomatiques entre le Mali et la Côte d’Ivoire, et entre le Mali et la Cédéao. C’est un pas important pour affirmer le retour progressif du Mali dans le giron de la communauté ouest-africaine. La grâce marque une volonté de la transition à s’inscrire dans une nouvelle ère, celle de l’apaisement des tensions entre le Mali et la Cedeao. Tant mieux. Une autre lecture de cette grâce, c’est qu’au fond, les liens de solidarité, les liens culturels, les brassages entre les peuples ivoiriens et maliens ont primé sur les tensions entre les exécutifs des deux pays. Par exemple, lorsqu’on remonte l’histoire, on se rendra vite compte que certains d’entre nous sont d’origine ivoirienne, malienne, ghanéenne, nigérienne, burkinabé, sénégalais, etc. Ces liens-là ont pris le dessus sur les tensions géopolitiques actuelles dans le Sahel, cette tempête dans un verre d’eau. Donc, inutile de se crêper le chignon alors nous sommes de la famille. Ça n’a pas de sens. Enfin, cette grâce permet de normaliser les rapports entre les deux Etats, les possibilités de travailler sereinement ensemble, sans voir le complot partout. Cette grâce du Président de la Transition est un appel d’air pour que le Mali retrouve sa place dans le concert des nations.

Mali Tribune : Que faut-il retenir de cette affaire politico-judiciaire ?

Dr. M. A. : c’était une perte de temps. Parce qu’on aboutit toujours à la même conclusion : la paix. Or, c’est cette paix qu’il fallait rechercher aux premières heures de l’arrestation des soldats ivoiriens par la capacité des États à se parler et à se comprendre pour cheminer vers un dénouement de la crise, donc la libération des Ivoiriens. Aujourd’hui, on pourrait retenir que la détention des soldats ivoiriens durant six mois, laisse une plaie béante dans les relations les deux Etats. Lesquelles plaies prendront du temps pour se cicatriser.  D’où la question, comment éviter dans l’avenir une telle crise ? Il me semble la capacité des Etats à dialoguer et à mieux analyser les situations pour éviter les conflits inutiles avant de s’engager dans une espèce de judiciarisation du problème. Parfois, les bons conseillers, c’est ceux-là qui vous disent, sans arrière-pensée, le contraire de ce que vous voulez entendre.

Mali Tribune : Comment éviter ce genre d’incident dans notre sous-région ?

Dr. M. A. : évidemment, il faut reconnaitre qu’il est difficile de gouverner un pays sur fond de guerre contre le terrorisme. L’irritation et la colère peuvent l’emporter sur la raison. Ceci étant, il est important pour l’exécutif d’avoir du sang-froid de prendre le temps pour mieux diagnostiquer les problèmes avant de prendre une décision. La plus-value politique et sociale d’une décision murie, c’est d’éviter les impasses et les décisions absurdes. Or, nous étions bien dans une impasse avec la judiciarisation des 49 soldats. Donc, dans l’avenir, le temps de la diplomatie sera important à considérer. Les connexions diplomatiques auraient permis de décider autrement, si elles avaient été mises à profit pour trouver une solution à ce problème de soldats ivoiriens. Par ailleurs, cela signifie qu’il faudra éviter politisation de la diplomatie, instrument par excellence pour peser dans les relations internationales, même si la diplomatie reste un outil du pouvoir politique. Un équilibre entre porter la voie de son pays et éviter des tensions diplomatiques doit être trouvé.

 

Propos recueillis par

Ousmane Mahamane

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