Dans une interview exclusive, le président de l’Union des Patriotes pour la République (URP), Modibo Soumaré parle de la vie de son parti ; donne les positions de son parti vis-à-vis du processus électoral et fait une analyse critique de la situation au nord. Lire l’interview.
Le Pouce : Monsieur Soumaré, comment se porte l’URP ?
Dr Modibo Soumaré : Aujourd’hui, on peut dire que l’URP se porte à merveille. Nous avons reçu beaucoup d’adhésions et nous avons des responsables qui travaillent d’arrache-pied pour les futures élections.
Le Pouce : Est-ce à dire que vous ferez partie de la course pour Koulouba ?
Dr Modibo Soumaré : Il est évident que l’objectif premier de la création d’un parti politique, c’est la recherche et l’exercice du pouvoir. Donc, l’URP est, aujourd’hui, dans le positionnement d’une candidature interne.
Le Pouce : Quelle lecture faites-vous du calendrier électoral ?
Dr Modibo Soumaré : Je rappelle que l’URP avait dit, que si tous les éléments étaient prêts pour soumettre un projet de référendum au peuple malien, l’URP propose que ce référendum soit couplé aux élections présidentielles. Et si possible que les législatives et les municipales soient aussi couplées aux élections présidentielles. Cela fera une grosse économie pour l’Etat malien. Nous sommes l’un des pays les plus pauvres du monde. On ne peut pas se permettre de faire une multiplication des élections. Surtout que, nous n’avons même pas les moyens de les organiser, financièrement.
Le Pouce : Le calendrier électoral est connu. Quelle est la position de votre parti ?
Dr Modibo Soumaré : Par rapport à la CENI, nous ne sommes pas d’accord que la loi soit évitée ou contournée pour proposer la CENI. Nous pensons que, l’opposition doit prendre la place qui est la sienne au sein de la CENI. C’est une question de justice et non partisane.
Le Pouce : Mais, le vin est tiré et il faut le boire, non ?
Dr Modibo Soumaré : C’est facile de dire que le vint est tiré. Je crois que le vin du code de la famille était aussi tiré, mais ça n’a pas été bu. Parce qu’on a trouvé que certaines couches importantes de la société n’avaient pas été écoutées. Je pense, encore une fois, que si on peut redresser ce tort, ça ne ferait que grandir la démocratie malienne et le gouvernement malien.
Le Pouce : Cela veut dire que vous êtes d’accord avec le calendrier électoral, qui a été proposé ?
Dr Modibo Soumaré : Ça, c’est la responsabilité du gouvernement. Moi, je suis un chef de parti. Et, dès lors que le gouvernement propose un calendrier électoral, nous, nous faisons des propositions. Et c’est au gouvernement de voir ce qu’il peut faire.
Le Pouce : Quelle perception avez-vous des opérations de révision des listes électorales ? Qu’est- ce que votre parti fait auprès de ses militants pour les inciter à aller s’inscrire ?
Dr Modibo Soumaré : Je regrette que la liste électorale n’ait pas été tirée du RAVEC. Il faut que le gouvernement en tire les conséquences ; Que les responsabilités soient situées et que les responsables sachent que si on les confie des tâches, ce n’est pas pour se partager des perdiems et des émoluments et mettre de côté l’intérêt de l’Etat. Aujourd’hui, on se retrouve à faire RACE amélioré. Maintenant, les doublons, les triplons sans compter les morts votants, quelles dispositions sont prises par l’Etat pour se faire ? La liste actuelle est criblée de morts votants. La liste électorale est la mère de la fraude en matière électorale. Si elle est mal faite, tout est mal fait. Nous, on a aussi proposé que les agents recenseurs aillent remettre les cartes de ceux-là qu’ils ont eu à recenser à leur domicile. On fait des opérations de distribution de cartes, et ça se solde par des détournements de cartes, des trafics de cartes. Lors des élections municipales passées, ma carte avait été dérobée par une autre personne. J’étais obligé d’aller voter avec ma carte d’identité. Et jusqu’à présent, je n’ai pas trouvé ma carte d’électeur. Les élections de 2012 sont une question de sécurité nationale.
Le Pouce : Qu’envisagez-vous pour les élections de 2012 ?
Dr Modibo Soumaré : Le parti a décidé de la présentation d’une candidature interne, parce qu’il y a des valeurs que nous défendons. Des valeurs de travail, de justice, d’un Etat fort et d’éducation qui sont en rupture aujourd’hui. Nous avons l’impression qu’il y a un laxisme par rapport à certaines choses. L’exemple du port de casque est édifiant. L’Etat, aujourd’hui, doit être juste pour être fort. Le clanisme, la corruption, sont des phénomènes contre lesquels il faut lutter efficacement. Il faut, aussi, augmenter les salaires. La lourdeur de l’administration tue, également, l’économie malienne.
Le Pouce : A l’URP, comment voyez-vous ce couplage des présidentielles et du référendum ?
Dr Modibo Soumaré : Je vais d’abord parler des amendements que l’URP a proposés par rapport au projet des réformes constitutionnelles. Nous avons vu qu’il y a un problème dans le préambule, notamment sa référence à la charte de Kurukanfuga. Alors que dans cette charte, il y a nombres d’articles qui nous pose des problèmes. Exemple, quand on nous dit dans cette charte de tuer notre ennemi, ne l’humilier pas, est- ce que c’est en phase avec un Etat démocratique ? Quand on nous dit dans cette même charte qu’après cinquante ans, un mensonge devient vérité, nous, à l’URP, disons qu’un mensonge, même après mille ans, reste un mensonge. Dans le projet de référendum, il est fait référence aussi à une discrimination positive envers les femmes. Cela est en porte à faux avec le premier article de notre constitution qui dit : qu’aucune personne ne doit être traitée selon sa couleur, son sexe, sa confession. Cela relève d’une véritable contradiction. Nous ne sommes pas contre l’aide qui doit être faite aux femmes. Au contraire, nous disons que cela doit faire partie d’un programme politique ou de société mais pas contenu dans la loi fondamentale. Ce projet mérite encore une grande amélioration comme ça été fait avec le code de la famille.
Le Pouce : Comment avez-vous accueilli le retour des ex combattants de la Libye ?
Dr Modibo Soumare : Je ne sais pas si le Mali et la Libye font une même République. Je trouve anormale que des Maliens prennent des armes ou se font armer dans d’autres pays pour accompagner un régime contre son peuple. S’il s’avère que c’est des Maliens, parce qu’en Libye, il y avait des mercenaires centrafricains, tchadiens, soudanais, nigériens et maliens. S’ils veulent faire une base dans le maillon faible du Mali, c’est-à-dire, au Nord et rentrer avec des armes sans qu’on ne les désarme, c’est inquiétant. Au même moment, c’est la moitié du gouvernement qui se déplace pour aller leur donner de l’argent. Je dis que c’est un laxisme inacceptable. Le paradoxe, c’est qu’au niveau de Tombouctou, il y a plus de 250 000 combattants qui se positionnent et envahissent la ville. Et on entend aujourd’hui, qu’il y a des marches dans certaines villes de notre pays demandant l’indépendance. Alors qu’on retrouve à l’aéroport des Maliens qui ont été refoulés par Kadhafi soit parce qu’ils sont noirs et n’ayant pas d’arme. Ces gens-là ne reçoivent même pas la visite d’un Chargé de mission. Cela est inacceptable et désespérant. Nous, on n’est pas d’accord avec un tel traitement des Maliens, selon la tête. Il faut que l’Etat prenne ses responsabilités.
Le Pouce : On est à la veille de la fête, quel appel lancez-vous à l’endroit de vos militants et des Maliens ?
Dr Modibo Soumaré : Je dis au Malien, que nous souhaitons le meilleur à la veille de cette fête de Tabaski. Cela dit, j’invite les militants de l’URP sur l’ensemble du territoire, à se mobiliser. Surtout ceux de Kidal et de Tombouctou, à donner toutes les informations sur l’évolution de la situation au Nord. Aussi, un appel au président de la République : soit nous avons un ministère de la Défense, soit nous en avons pas. Il faut que le ministère de la Défense et le gouvernement, prennent toutes leurs responsabilités. Le peuple sera avec eux s’ils agissent juste. Mais dans le laxisme, personne ne sera avec eux.
Propos recueillis
par Tiémoko TRAORE