Une session extraordinaire du Conseil national de transition (CNT) est en cours depuis le 16 février 2023. Durant cette session, les membres du CNT examineront des projets de loi, dont le projet de loi portant modification de la Loi n°2022-019 du 24 juin 2022 portant loi électorale. Dans le cadre de l’examen de ce projet de loi, la Commission des Lois du CNT a adressé des questions à la Mission d’Observation Des Élections au Mali – MODELE Mali pilotée par Dr. Ibrahima SANGHO. Dans ses éléments de réponse, Dr. Ibrahima SANGHO a fait savoir que « Le vote par anticipation quel qu’il soit est un élément majeur de la fraude électorale. Le vote par anticipation risque de provoquer une fraude massive et ternir l’image d’élections libres, transparentes, équitables et crédibles ». En outre, Dr. Sangho recommande à la Commission des Lois du CNT d’insérer dans la loi les débats entre les candidats avant le premier et le deuxième tours de l’élection présidentielle. Lisez ci-dessous l’intégralité des propositions, des éléments de réponse de Dr. Sangho du MODELE-Mali aux questions du CNT !
Quelle appréciation faites-vous de ce projet de modification de la loi électorale ?
Nous n’avons constaté aucune modification au niveau de l’article 4 dit nouveau et l’article 4 de la Loi n°2022-019 du 24 juin 2022 portant loi électorale. L’introduction de la carte d’identité biométrique est une avancée si tous les maliens en âge de voter parviennent à rentrer en possession de leurs cartes avant les élections. Par contre, le vote par anticipation quel qu’il soit est un élément majeur de la fraude électorale.
Que pensez-vous de la réduction du délai de mise en place des Coordinations de l’Autorité Indépendante de Gestion des Élections ?
C’est une bonne chose car permettant d’avoir des élections dans un délai court. Toutefois des dispositions doivent être prises par l’AIGE pour l’effectivité de la mise en place sur l’ensemble du territoire.
Selon vous, l’institution de la carte nationale d’identité biométrique sécurisée comme carte d’électeur va-t-elle contribuer à rendre plus transparentes les élections au Mali ?
Nous pensons oui à condition que tous les maliens en âge de voter puissent en disposer avant les élections. A l’heure actuelle, les équipes de travail sur le terrain sont en nombre insuffisant face à la demande à traiter. Ce qui nécessite en conséquence de multiplier les lieux de délivrance ainsi que les équipes de travail. Par ailleurs, un mécanisme de facilitation doit être accordé aux personnes vivant avec handicap pour l’obtention de leurs cartes.
Que pensez-vous du vote par anticipation des membres des Forces Armées et de sécurité?
Nous ne sommes pas d’avis pour plusieurs raisons : C’est un élément majeur de fraude électorale, parce qu’aucune garantie n’existe pour la transparence et la sincérité de ce vote particulier encore moins son observation. Le Mali ne dispose pas de fichier électoral pour les membres des Forces Armées et de Sécurité différent du fichier électoral des civils. C’est un seul fichier qui contient les militaires, les gendarmes, les policiers et les civils. La loi électorale 2016-048 du 17 octobre 2016 avait introduit en son article 87 : « Le scrutin a lieu un dimanche. Toutefois, en cas de nécessité et hormis le cas de l’élection du Président de la République, le scrutin peut se tenir tout autre jour de la semaine. Dans tous les cas, le scrutin est ouvert le dimanche précédent pour les membres des Forces Armées et de Sécurité. » Ce dispositif n’a pu être satisfait lors des élections communales de 2016 et a été simplement biffé dans la Loi 2016-048 du 17 octobre 2016 modifiée par la Loi 2018-014 du 23 avril 2018 portant loi électorale. Enfin, c’est un risque de mettre à la disposition de tous le nombre réel des membres des Forces Armées et de Sécurité.
Selon vous, le présent projet de loi permet-il de renforcer la sécurité des élections et d’assurer la crédibilité des scrutins dans notre pays ?
Pas tout à fait. Le vote par anticipation risque de provoquer une fraude massive et ternir l’image d’élections libres, transparentes, équitables et crédibles.
Ce présent projet de loi prend-il en compte vos préoccupations ?
Notre première préoccupation est de définir les contours de « la gestion des observateurs nationaux et internationaux » par l’AIGE prévue à l’article 4 de la Loi et les attributions de l’observation électorale en permettant aux observateurs d’être présents à toutes les étapes du processus électoral ; y compris les différents niveaux de centralisation des résultats provisoires et définitifs. Notre seconde préoccupation est de prendre en compte la publication en ligne des résultats des scrutins par centres et bureaux de vote, au fur et à mesure de la proclamation des résultats provisoires et non après les 5 jours contenus dans les articles 155, 169 et 177. Elle permet d’éviter les conflits et d’éventuels tripatouillages des résultats pendant la remontée et la centralisation des résultats ; contribuant ainsi à la transparence et à la crédibilité des élections. Elle permet également d’obtenir les résultats par bureaux de vote avant le début légal du contentieux.
Avez-vous des recommandations à adresser à la commission ?
Relire la Loi n°02-010/ du 05 mars 2002 portant Loi organique fixant le nombre, les conditions d’éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités, les conditions de remplacement des membres de l’Assemblée Nationale en cas de vacance de siège, leurs indemnités et déterminant les conditions de la délégation de vote ; Insérer dans la Loi les débats entre les candidats avant le premier et le deuxième tour de l’élection présidentielle ; Prendre en compte le vote des personnes vivant avec d’autres handicaps que physique ; Insérer dans la loi électorale le vote des personnes détenues non déchues de leurs droits civiques.
Bamako, le 23 février 2023
La Mission d’Observation Des Élections au Mali – MODELE Mali est le dispositif d’observation électorale mis en place par la Synergie 22, comprenant 43 organisations de la société civile malienne, composée de : l’Observatoire pour les élections et la bonne gouvernance au Mali – OBSERVATOIRE, l’Association des Jeunes pour la Citoyenneté Active et la Démocratie (AJCAD), DONIBLOG (la communauté des Bloggeurs du Mali), Droits de l’Homme au Quotidien (DHQ) et Tuwindi.