Très consciente, qu’il est possible d’en finir avec le sida au Mali, la Directrice Exécutive de l’Association de Recherche de Communication et d’Accompagnement à Domicile de personnes Vivant avec le VIH-SIDA (ARCAD-SIDA), Dr.Dembélé Bintou Keïta, nous a accordé une interview, le samedi 08 février 2014 au Cicb. Dans les lignes qui suivent, elle dresse le bilan des activités entreprises en 2013, présente les perspectives de 2014, et conteste avec véhémence le rapport du Vérificateur Général.
Le Pays : Qu’est-ce que ARCAD-SIDA et quel objectif vise-t-elle ?
Dr. Dembélé Bintou Keïta, Directrice Exécutive d’ARCAD-SIDA :
L’Association de Recherche de Communication et d’Accompagnement à Domicile de personnes Vivant avec le VIH (ARCAD-SIDA) a été mis sur les fonts baptismaux en 1994 et aura 20 ans d’existence cette année. Elle est apolitique, à but non lucratif et œuvre avec les personnes touchées par le VIH et leurs proches à améliorer les conditions de prise en charge sociale, médicale, économique et psychologique. C’est l’une des premières associations de lutte contre le VIH au Mali. L’objectif d’ARCAD-SIDA est de développer la prise en charge globale de l’infection par le VIH à travers l’accès aux soins et aux traitements, la recherche et la communication. ARCAD-SIDA est membre fondateur du Réseau Afrique 2000 et la Coalition Internationale Plus regroupant AIDES(France), Association de Lutte contre le Sida(Maroc) et la Coalition des Organisations Communautaires Québécoises de lutte contre le Sida(Canada).
Quelles sont les activités entreprises par l’ACAD-SIDA en 2013. Et quels sont les axes sur lesquels comptez-vous intervenir cette année?
Chaque année, nous présentons à nos partenaires techniques et financiers ainsi qu’à la Presse, nos rapports d’activités. Tous les ans nous le faisons, n’eut été la crise qui a fait que nous avons suspendu. Donc aujourd’hui, l’objectif est dire à nos partenaires et à la presse qu’ARCAD-Sida continue à vivre malgré la crise et que nous menons nos activités. Plus de 2 milliards de FCFA, c’est le montant qu’Arcad-Sida a injecté, en 2013, dans la lutte contre le Sida et la prise en charge des personnes vivant avec le Sida dans notre pays. Nous avions dépisté 5000 personnes dont 3000 se sont révélées positives et dont 70% sont des femmes. La tranche d’âge la plus touchée reste encore de 25 à 35 ans. Cette tranche qui est justement positive, reste encore la plus touchée. ARCAD-Sida a 15.000 personnes vivant avec le VIH-Sida, sous ARV. Nous avons soigné la majorité des personnes vivant avec le VIH-Sida. Sur les 2 milliards de bilan d’activités, environ 900 millions sont des médicaments que nous recevons en nature. Ça aussi, c’est quelque chose qui est extrêmement importante. Nous soignons 50% des Maliens. Donc nous avons un budget élevé qui se justifie par le nombre de médicaments que nous donnons aux personnes infectées par le Sida.
L’essentiel des activités de 2014 sera axé, entre autres, sur la création de 2 sites dans les zones minières, la poursuite de l’élimination de la transmission mère-enfant et le développement des interventions spécifiques au Nord en rapport avec la crise….
Quelles sont les difficultés auxquelles, ARCAD-SIDA est confrontée ?
Nous avons d’énormes difficultés, surtout d’ordre financier. Aujourd’hui, il n’y a pas beaucoup de financement. Du coup, nous sommes confrontés à la rareté des financements. Aussi, les partenaires qui nous financent, multiplient la façon de gérer leur fonds. Chose qui nous fatigue. La dernière difficulté, c’est que nous avons la majorité de nos fonds avec le Fonds Mondial. Et le Fonds Mondial, aujourd’hui, est dans un modèle de gestion que ‘’le zéro cache policier’’, c’est à dire le paiement direct des activités que nous faisons. L’application de ce modèle sur le terrain est très difficile. Et comme nous évoluons sur le terrain, la majorité de nos activités ne sera pas réalisée.
Actuellement, avec la rareté des partenaires financiers, comment vous arrivez à vous en sortir ?
Aujourd’hui, malgré la rareté des partenaires, nous continuons à avoir l’argent du Fonds Mondial, mais comme je vous ai dit, c’est ‘’le zero cache policier’’ (c’est-à-dire, on a difficilement les fonds, mais les fonds existent. Nous avons aussi, le Ministère de la Santé, qui est notre partenaire principal, qui nous soutient. Sans oublier le CDC, USAID, AIDES, PSI… qui nous donnent de l’argent. Nous arrivons à vivre grâce à ces aides.
Le rapport du Bureau du Vérificateur Général reproche à ARCAD-SIDA et à ses sous-récipiendaires d’avoir détourner la bagatelle de 107 millions de FCFA. Est-ce que c’est vrai ? Si non, Comment justifiez-vous cela ?
Et sur ces 107 millions FCFA, on reproche à ARCAD-SIDA 3,05. Donc, les 104 millions ce sont nos récipiendaires. Nous n’avons jamais géré l’argent de nos récipiendaires. Tous les récipiendaires ont reçu directement leur fonds dans leur compte bancaire. Et le vérificateur est parti voir tous ces récipiendaires. Donc, nous sommes vraiment désolés de constater que notre nom a été associé à des détournements, alors que nous n’avons pas fait de détournement.
Qu’avez-vous alors fait de ces 3 millions que le Vgal vous reproche ?
Sur les 3 millions qu’on nous reproche. La somme a été investie dans trois(3) volets : Premier volet, nous avons fait des vidanges d’une fosse septique, lorsque les enfants (malades du Sida) sont partis en colonie de vacance à Ségou. Pour nous, c’était une question de sécurité. Mais, le Vérificateur Général a pensé que cette dépense n’était pas éligible. C’est vrai, mais c’était en divers imprévus. Le Vérificateur général nous reproche également une facture jugée pas crédible et qualifiée de fonds dilapidés. En effet, nous avons demandé à un transitaire de faire une visite technique et de préparer les papiers d’un véhicule, il parait, selon les reproches du Vgal, qu’une de ces factures n’était pas correcte. Nous avons demandé au transitaire qui a remboursé l’argent et le dossier de remboursement figure, même, dans le Rapport du Vérificateur Général. Troisième reproche du Vgal, c’est que nous sommes partis dans une conférence internationale et malheureusement avant notre arrivée, nous avons fait des réservations dans un hôtel. Et nous avons fait en sorte que l’hôtel soit payé par ordre de virement. Malheureusement, quand nous sommes arrivés à Casa, nous étions une dizaine de personnes. Et l’hôtelier n’avait pas encore reçu l’argent dans son compte, nous l’avions montré la facture du paiement. C’est comme ça qu’il nous a laissé partir. Mais, il a refusé de nous remettre la facture de paiement parce que l’argent n’était pas encore arrivé dans son compte. L’ordre de virement peut prendre souvent dix jours. Nous pensons donc que nous n’avons pas fait de détournement
Donc, c’est dire que vous contestez les faits de détournement ?
Oui ! Nous contestons le fait de détournement. Nous pensons qu’il y a eu des difficultés dans l’application des procédures de gestion. Ça, nous l’admettons. Mais, nous contestons le fait de détournement. Et la somme de 104 millions de FCFA qui est reprochée aux associations, la majorité des 2/3 est constituée aux frais pour réaliser les ateliers culinaires. Personne n’a pu obtenir une facture au marché. Dans notre contexte, aller acheter des condiments au marché et revenir avec une facture est très difficile. Dans la conclusion de son rapport, le vérificateur, lui-même, a reconnu cela. Donc, nous ne comprenons pas pourquoi la somme des 107 millions est reprochée à ARCAD-SIDA, alors que, pour ARCAD-SIDA, c’est 3 millions. Et les 104 millions ont servi aux repas communautaires que les associations ont réalisés pendant sept(7) ans. Et le rapport du Vgal dit que les factures ne sont pas correctes. Moi, je ne peux pas dire que ça doit être assimilé à des faits de détournement. Ce que nous contestons.
Avant l’établissement d’un rapport définitif, le Vérificateur donne, généralement, à la structure contrôlée, le rapport provisoire pour des observations. Est-ce-que tel fut votre cas ?
Pour nous, ça été une autre surprise. Parce que, effectivement, ça été fait. En ce qui concerne les 3 millions d’ARCAD-SIDA, le rapport du Vgal dit que le montant que nous avons donné au transitaire, a été payé et ce montant ne fait que 161.000 FCFA. On lui a dit que la somme des vidanges a été prise sur les frais de gestion (même si ce n’est pas inscrit dans le budget), les divers imprévus sont faits pour ça. Et c’est par souci de préserver la santé des enfants que ces travaux d’assainissement ont été réalisés sur les frais divers et imprévus. Lors de la contradictoire, nous avons remis au Vérificateur la facture de l’hôtel. On a fait le maximum pour démontrer la façon transparente dont les fonds ont été gérés. Mais, le vérificateur n’a pas tenu compte. En tout cas, si ARCAD-Sida tient depuis bientôt 20 ans, c’est parce que, d’une part, nos comptes sont certifiés chaque année. Raison pour laquelle, nos partenaires nous font confiance.
Quels messages lancez-vous à vos partenaires et à la population ?
Aujourd’hui, il est possible d’en finir avec le Sida. D’arrêter complément cette maladie au Mali. Il faut que, nous continuions à préserver les acquis que nous avons dans la lutte contre le Sida. La population doit continuer à se protéger avec les préservatifs et accepter de faire le dépistage. Nos partenaires devront davantage nous aider à faire en sorte que, les personnes infectées par le VIH-SIDA soient rétablies dans leurs droits fondamentaux (parce qu’ils sont aussi actrices et bénéficiaires) et ils vont nous aider dans la lutte. Faisons, en sorte que, qu’on puisse accéder aux groupes vulnérables infectés par le VIH-SIDA et les soigner. Parce qu’ils sont parmi nous, dans nos foyers et dans nos familles. Nous demandons à nos partenaires internationaux qu’ils continuent à nous aider en mobilisant des fonds, puis qu’il est possible d’éradiquer le Sida au Mali. Le chemin parcouru est plus long, par rapport à ce qui reste à faire. Ensemble nous vaincrons le sida.
Réalisée par Aliou Agmour Touré