Dimanche 12 avril, le président du Mouvement Patriotique pour le Renouveau (MPR), Dr Choguel Kokala Maïga était sur le plateau de l’émission ‘’Politik-Invité’’ de la télé Africable Télévision. Face au journaliste Sékou Tangara, le président du MPR a été, à la fois, éloquent et convaincant. Après nos précédentes livraisons (Sursaut N°73 et 74) dans lesquelles nous sommes revenus sur les grands sujets abordés lors de ce débat, nous vous proposons ci-dessous, une autre séquence de cette émission, transcrite par nos soins.
Africable : Si l’on se réfère à l’histoire des alliances politiques au Mali, on vous voit très fréquemment avec Me Mountaga Tall et Ibrahim Boubacar Kéita. Des compagnonnages, des cheminements qui ont commencé depuis 1997 pour venir à 2002. Pourquoi précisément ces deux hommes politiques,
Me Mountaga Tall et IBK ?
Dr Choguel Kokala Maïga : notre relation avec Mountaga, c’est depuis 1996, lorsque l’opposition a commencé à s’organiser face au pouvoir qui était en place. Donc on s’est retrouvé dans des alliances de l’opposition contre le pouvoir en place, lorsque les élections ont été bâclées on s’est retrouvé dans le COPPO (Collectif des Partis Politiques de l’Opposition). Après le COPPO, on a créé l’espoir 2000 et le représentant du RPM c’était feu Pr. Ibrahim Sall. En ce moment IBK était à l’extérieur. Quand il est venu son action était inscrite dans une sorte d’opposition par rapport au pouvoir Adema en place, naturellement, nos intérêts ont convergé. Nous avons convergé, nous sommes donnés la main pour aller aux élections. Notre regroupement avait le plus de voix, mais quand on les éclate nous ne venions pas en première position. Nous sommes donnés la main pour soutenir ATT, lorsqu’on est allé aux législatives nous sommes sortis avec une majorité relative. Le RPM avec 46 députés, le CNID avait 13 et le MPR 4, le tout réuni faisait 63 députés. On était le premier regroupement de l’Assemblée devant l’ADEMA qui avait 53 députés. Donc le fait qu’on soit ensemble faisait une force et le chef naturel de notre groupe qui était IBK par son score et son âge a été soutenu pour être président de l’Assemblée Nationale. Voilà comment les choses se sont passées.
On n’est pas en littérature sinon on aurait parlé d’oxymore, votre alliance avec Me Mountaga Tall , lui un acteur du mouvement démocratique et vous émanant d’un parti qui se réclame de l’UDPM. C’était la convergence des contraires ?
CKM : C’est très simple. Vous savez je pense que Mountaga est sorti très tôt de cette bipolarisation. C’est quelqu’un qui a bien analysé, même si nous sommes pas d’accord sur un certain nombre de choses. Mais avant lui, moi j’avais des relations avec feu Mohamed Lamine Traoré, on a commencé à nous rencontrer et échanger, par ce que en définitive on ne pouvait pas passer le temps à nous regarder dans le rétroviseur. Nous on a dit simplement, on aurait dit que le régime de l’UDPM a changé, telle ou telle choses n’étaient pas bonnes et on continue. Mais, qu’est-ce qu’on nous a dit ? On nous a dit, vous ne pouvez même pas exister, même le sigle de l’UDPM, on dit que c’était interdit. Mais ce n’était pas vrai.
Vous parlez de votre sigle l’Unité pour la Défense de la Patrie Malienne, mais les plaies ne s’étaient pas encore cicatrisées quand même ?
CKM : Quand vous dites que vous vous battez pour la démocratie pluraliste, vous ne pouvez pas interdire à des gens d’être présents. Surtout l’histoire des plaies, je pense j’ai assez donné mon opinion là-dessus. Il y a des acteurs du mouvement démocratique, qui sont venus dire (nous, on a les enregistrements à son procès) que « Moussa voulait leur donner le multipartisme sur un plateau d’argent », eux n’en voulaient pas. Les étudiants, moi j’ai assisté aux négociations, le gouvernement avait accepté toutes les revendications. C’est à la dernière minute, que les étudiants ont dit non et on a commencé à casser. Le syndicat a demandé 200% d’augmentation de salaire en sachant que l’Etat ne peut pas donner cela.
Donc, je savais qu’il y avait une manipulation. Il y avait l’aspiration légitime du peuple au changement qui a été instrumentalisée par des hommes politiques pour appréhender le pouvoir. Le reste c’est de la campagne : ‘’Moussa a tué !’’, ‘’Moussa a fait ceci, Moussa a fait cela’’. On l’a jugé, on l’a condamné sur la base des choses qui ne sont même pas justes. Donc qu’on tourne la page.
Je pense que les Mountaga , Ibrahim Boubacar Keïta avaient décidé en son temps de regarder vers l’avenir, pour avancer. Par ce que tout le monde a compris que quand on regarde dans le rétroviseur, non seulement c’est faux, mais ce n’est pas à leur avantage si on continue toujours à creuser dans le passé. Nous aussi on a pensé qu’il faut aller de l’avant. Je pense qu’on a dépassé ce stade là aujourd’hui.
ATT a fait beaucoup pour souder les Maliens, les uns et les autres avant de partir. Je crois que ce processus continue. Aujourd’hui le président Moussa quand il sort, vous le mettez avec tous les anciens présidents, je vous mets au défi, on les met dans la rue, on verra celui que le peuple va applaudir le plus. Malgré tout ce qu’on a dit sur lui.
Est-ce que votre choix en 2013 de soutenir Ibrahim Boubacar Keïta au 2ème tour des élections était celui du cœur, de la raison, où de la poursuite des alliances dont on parlait ?
CKM : Nous avons soutenu Ibrahim Boubacar Keïta pour plusieurs raisons.
La première, c’est quelqu’un avec qui on avait travaillé, on s’est dit qu’on se connait un tout petit peu. Même si notre premier compagnonnage ne s’est pas bien terminé. Mais le plus important, c’est que pendant ces élections, moi, mon slogan c’était « restituer au Mali son honneur et sa dignité » par ce que j’ai été convaincu que le grand problème dont notre pays a, c’est que l’élite politique a trahi notre pays. Notre pays, était déliquescent, il a perdu son indépendance et sa souveraineté. Donc, l’objectif pour nous c’était de restaurer l’honneur et la dignité du Mali.
IBK, avait parallèlement : « l’honneur et le bonheur des maliens ». Donc du point de vue même de la vision de ce qui doit être le Mali, on convergeait. Ensuite, on a regardé les résultats des élections, au 1er tour dans la quasi-totalité des régions, la population a décidé de placer IBK en tête. Nous nous sommes dits le changement que le peuple veut aujourd’hui c’est d’avoir cet homme à la tête du pays. Aller contre ça, c’est comme si on décidait d’aller contre la volonté du peuple. Voilà pourquoi nous avons décidé de soutenir IBK. On a échangé notre soutien à IBK contre rien du tout. J’ai fait une lettre, je l’ai donné à mon directeur de cabinet, on est allé lui remettre. Il n’ ya pas eu de marchandage, il n’y a pas eu de demande de quoi que ce soit. On n’a jamais demandé à le rencontrer pour quoi que ce soit. Donc, c’est un choix de conviction. Maintenant qu’est ce que c’est devenu après, ça c’est autre chose.
Votre entrée dans l’attelage gouvernemental, tant bien même que vous étiez DG de l’AMRTP a suscité beaucoup de vagues, à l’époque on a parlé de cumul de postes ?
CKM : Quand on me nommait à la tête de l’AMRTP, c’était un organisme qui était très peu connu. Après, ma nomination j’ai passé en revue l’ensemble des grands besoins de l’Etat en matière des télécommunications. Au moment où je quittais l’AMRTP en 2015, vous voyez son siège, c’est l’un des plus beaux bâtiments de l’Etat. Quand j’arrivais, elle était logée dans une petite villa qu’on louait à 250 000 FCFA. Mais ce n’est pas ça le plus important. Lorsque je quittais on a doté l’Etat des moyens de contrôle de l’ensemble des fréquences qu’il peut utiliser. Vous savez le rôle des fréquences en matière de sécurité d’un Etat. Lorsque nous quittions nous avons doté l’Etat de l’instrument principal de lutte contre le terrorisme. Tous les terroristes qui ont été appréhendés sur le territoire malien. Ceux qui ont fait l’attentat à la Terrasse en passant par les Wadoussène, ceux qui ont l’attentat en Côte d’Ivoire. C’est les outils que nous avons mis à la disposition de l’Etat, qui ont permis de les appréhender.
Pendant l’occupation, quand l’opération SERVAL a commencé, je travaillais avec des officiers jusqu’à 2h00 du matin. J’avais décidé de mettre mes connaissances au service du pays pour sa libération.
Après, on a réorganisé l’AMRTP. Les opérateurs, je suis venu trouver, qu’il y a des redevances de 1milliard à 6 milliards aux opérateurs qui n’étaient pas payées. Soit disant que l’Etat avait oublié
Quand j’arrivais à l’AMRTP, il n’y avait rien, peut-être 500 millions à 1milliard. Quant, je quittais, il y avait plus de 20 milliards d’investissement et on a laissé 60 milliards dans les caisses de l’Etat. On a investie des moyens colossaux au profit de la sécurité de l’Etat. Ça, c’est le bilan quand je quittais l’AMRTP.
Quand on m’a amené au niveau du gouvernement, les premières semaines, j’ai dit au Premier ministre que le directeur de l’AMRTP n’est pas n’importe qui. Je ne peux pas le nommer, ni un intérimaire. Je lui ai dit : « voyez avec le président et décidez souverainement de transférer les pouvoirs de gestion à quelqu’un en attendant qu’on fasse la procédure de nomination ». Si, cela à pris du temps, ce n’est plus ma faute.
Puisque vous étiez le ministre de tutelle, l’AMRTP relevait également du ministère de l’Economie Numérique et de la Communication. Le citoyen lambda n’aurait pas compris, il va penser au cumul de fonctions ?
CKM : Mais il y’a ceux qui sont responsables de l’Etat. Moi, j’ai proposé des textes, proposé des démarches pour faire des nominations. De toutes les façons lorsque le Président et le Premier ministre avaient décidé de faire le contraire, ils l’ont dit on l’a fait, à savoir nommer un intérimaire. Mais cet intérimaire, je ne pouvais pas le nommer. D’ailleurs pour la petite histoire, celui que j’avais souhaité à la tête de l’AMRTP, quand je suis parti il y’a eu un appel à candidature, à la suite duquel il a été désigné. Donc il n’ya pas de problème.
Il est vrai qu’on a monté toute une cabale autour de moi. Il y’a eu de l’intoxication.
J’ai été victime d’un véritable harcèlement administratif, sinon de terrorisme administratif. Par ce qu’on a voulue me salir.
On a envoyé quatre missions du contrôle d’Etat pendant que j’étais dans le gouvernement, par ce que on voulait coûte que coûte trouver des fautes de gestion, des preuves de détournement massif d’argent. On a envoyé le trésor pour demander de fouiller dans toutes les banques pour voir tout ce que j’aurais signé depuis sous ATT.
Mais, la réalité, c’est que, ce que nous avions fait à l’AMRTP pour mettre l’Etat à l’abri d’un certain nombre de question de problèmes de sécurité a été mis de côté. Mais toute cette campagne, elle s’est terminée par quoi ?
Les rapports sont là-bas, vous n’avez jamais vu un gouvernement où un ministre qui siège, tous les mois on lui envoi une mission de contrôle. Tous les mois, de mon entrée à ma sortie du gouvernement, j’avais une mission de contrôle.
Mais, il y avait des soupçons de malversation, notamment l’affaire de colonie de vacances…
CKM : Les soupçons étaient orchestrés, la preuve c’est que chaque fois qu’une mission de contrôle fini son travail, le rapport était destiné au Premier ministre, mais deux jours après on trouve tout le rapport dans la presse.
Les colonies de vacances c’est pour les travailleurs. J’avais décidé de mettre les travailleurs de l’AMRTP dans des conditions similaires à celles des opérateurs économiques, qu’ils régulent. Ça c’est des dispositions de la Banque mondiale. Quand vous êtes une autorité de régulation, vous créez les mêmes conditions de vie et de salaire pour les travailleurs que les secteurs qu’ils régulent. D’ailleurs, quand j’ai quitté, on a augmenté le salaire des directeurs ce qu’on n’a pas fait à mon temps.
Donc, quand j’organise des colonies de vacances pour les enfants des travailleurs, qu’on sorte ça pour essayer de me retourner, ils ont fouillé dans tout on a voulue trouver des malversations mais ils n’en ont pas trouvé. Les rapports sont là, je les ai.
Un moment lors des mouvements sur la révision constitutionnelle, les réseaux sociaux étaient coupés, c’était sous la responsabilité de l’AMRTP ?
CKM : moi, je n’étais pas là, donc je ne peux pas répondre de ce qui s’est fait à mon absence. Quand, j’étais là on n’a jamais coupé les réseaux sociaux.
Qu’est ce qu’on peut retenir de votre passage au ministère de l’Economie Numérique et de la Communication ?
CKM : vous savez, quand je suis venu à la tête du ministère de l’Economie Numérique et de la Communication, la première des choses que j’ai fait est de réunir d’abord les cadres pour leur dire que je suis de passage. Un ministre est toujours de passage. La permanence de l’Etat est assurée par le Secrétariat général du ministère. J’ai appliqué les mêmes principes que quand j’étais ministre de l’Industrie et du Commerce. Je n’ai changé aucun cadre du secrétaire général jusqu’au dernier conseiller technique. Ce que, j’ai changé, c’est mon cabinet politique. J’ai dit de me passer les principaux dossiers par ordre de priorité, notamment ceux qui assurent la continuité de l’Etat. Les dossiers qui étaient bloqués avant que je n’arrive. Deuxième priorité, on prend les projets du président de la République. Par ce que nous on est dans le Gouvernement pour l’aider à exécuter son projet politique. Ceux qui sont ses projets phares qui relèvent de notre département. Et enfin, les initiatives du ministre. On les a recensé et je me suis attaqué à cela.
Premier dossier, celui de la HAC. Depuis 1991 ce dossier ne sortait pas. Le projet de loi était bloqué à l’Assemblée Nationale. Je suis entré en contact avec l’Assemblée Nationale. Après deux semaines de discussions, il y avait une ordonnance qui n’arrivait pas à être ratifiée, cela a été rendue possible. On a travaillé sur les émoluments des membres de la HAC.
On a attaqué directement l’AMAP. L’AMAP avait une imprimerie qui date de 1983. Il fallait la changer. On l’a changé. Après cela, on a attaqué la réforme de l’ORTM. La transition numérique, l’Etat s’était engagé à l’UIT depuis 2006. En 2015 encore, il n’y avait pas de solution. Le Premier ministre m’a dit de trouver une solution avec le ministre des Finances. Trois semaines après on a déposé sur sa table une proposition.
Quand on a fait voter les lois, il fallait nommer les directeurs pour faire avancer le processus. Les propositions que j’ai faites ont été rejetées. Quand je suis sorti du gouvernement celui qui m’a succédé on lui a dit de nommer qui il souhaite. J’ai perdu un an.
Ensuite on a regardé, les engagements du président de la République, notamment le projet un étudiant un ordinateur. J’ai monté le projet et j’ai abordé le ministre de l’Enseignement Supérieur qui était Mountaga Tall. Je lui ai demandé combien il aura d’étudiants à l’horizon 2018 pour que le président puisse présenter ce projet à la fin de son mandat. Il m’a dit qu’il y aura environ 180 000 étudiants. Je dis bon qu’on l’arrondit à 200 000. Donc dans l’élaboration de ce projet de 200 000 ordinateurs, on a associé, l’Enseignement Supérieur, l’AMRTP, l’AGETIC, tous les services. On a travaillé pendant trois mois. On a identifié les sources de financement, l’appel d’offre a été lancé et à une semaine j’ai eu une instruction du Premier ministre pour dire d’arrêter. Je l’ai arrêté.
En réalité c’est une décision politique, ça ne m’engage plus.
Il y a eu, les villages qui n’ont pas accès aux téléphones. On a, à peu près trois mille villages dont la grande partie c’est dans le cercle de Bandiagara, Nara… J’ai identifié tous les villages dans ce besoin On a décidé, qu’en 2015, qu’il faut que le téléphone arrive dans tous ces villages et qu’on présente le bilan au Président de la République. Ça aussi, nos initiatives ont été bloquées, jusqu’à ce que je sois parti. Donc, je n’ai aucun doute que ce qui devrait être fait a été fait.
Maintenant, il y a eu des initiatives personnelles du ministre, l’ensemble des textes de loi qui permettent de booster le secteur des télécommunications.
Vous avez vu l’identification des abonnés avec des questions de sécurité. Moi je l’ai imposé aux opérateurs, maintenant ça ne se fait plus, on a laissé tomber.
Il ya eu une série d’initiatives que j’ai eu à prendre. Ces initiatives, souvent été accompagnées, d’autres n’ont pas été accompagnées.
Il faut que les gens comprennent qu’un ministre dans le gouvernement est extrêmement dépendant de la volonté du Premier ministre et du Président. Vous avez beau avoir des initiatives, si on ne vous laisse pas travailler, vous n’allez pas avoir de résultat. Moi, j’ai donné le meilleur de moi-même.
Certains journalistes de l’ORTM, disaient qu’il ne reste plus que ce soit le ministre qui valide leur reportage, est ce que vous pensez qu’ils exagèrent ?
CKM : je pense qu’ils exagèrent pour deux raisons. D’abord, je suis l’un des rares ministres qui ne fuient jamais les débats. Je suis allé à l’ORTM dans la salle pour me réunir avec les journalistes afin qu’on échange. Il n’y a pas beaucoup de ministres qui le font.
Ensuite j’ai expliqué aux uns et autres qu’on est dans une situation très sensible, de guerre et que l’ORTM est un media d’Etat. Il faut souvent comprendre que le pendant de la liberté, c’est la responsabilité. Je vais vous donner un exemple. A l’occasion de l’anniversaire de la proclamation de la république fantomatique de l’Azawad, je vois à la télévision des centaines de 4×4 alignés avec des drapeaux de l’Azawad. Le journaliste commente.
Je rappelle le directeur de l’ORTM. Je dis « mais faites attention c’est les images de propagande de l’Azawad qu’on passe sur notre télévision » ?
On me dit que c’est les journalistes qui l’ont voulu, mais je dis, ce n’est pas normal.
Vous avez le président de la République d’un pays qui arrive au Mali, le président du Niger, c’est l’un des pays les plus engagés avec notre pays. Il descend à l’aéroport, le même jour, il y a eu un attentat à Ansongo, des nigériens sont morts, le journaliste le tend le micro et lui dit : « Mais M. le Président, mais on dirait que vous êtes entrain de tourner le dos au Mali ? Par ce que le Niger venait de s’engager dans la lutte contre le Boko Haram ».
Le président de la République sursaute, car il était complètement perdu. Il dit au journaliste : « faites attention ».
J’ai appelé amicalement le journaliste, pour lui dire de tenir compte des aspects politiques dans son travail. Le Niger est l’allié le plus sûr du Mali dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. « Cette question, vous cherchez peut être à être impertinent avec lui. C’est bon dans la presse souvent. Mais ce n’est pas toujours une bonne chose ».
Quand un opposant est allé saboter la visite du président de la République à Paris, à son retour, sous le coup de l’énervement lui a traité de ‘’petit monsieur’’. J’ai pris mon courage à deux mains, j’ai appelé le Président et le Premier ministre. Je dis au président qu’on va le censurer aujourd’hui à l’ORTM il dit mais pourquoi ? je dis « ça ce n’est pas bon comme message de la part d’un président de la République. Il m’a dit, faites comme vous voulez ». Comme pour vous dire quand vous avez le courage de parler au président il vous écoute Je me suis assumé. Cette partie a été censurée. Il y a des journalistes qui voulaient que ça passent coûte que coûte. Or c’est un média d’Etat. Par ce que tout ce qui se passe à l’ORTM, les gens comprennent que c’est la position du Gouvernement. Il faut qu’on intègre ça. Donc, il faut trouver le juste équilibre entre la liberté qu’on a et le fait que c’est un média d’Etat.
Les langues nationales, moi je suis parti d’un exemple qu’un ancien officier supérieur m’a raconté. Le Colonel Ousmane Coulibaly, l’ancien Chef d’Etat major des Armées m’a dit qu’après la rébellion de 1990, le président Moussa a demandé de faire venir la plupart des chefs rebelles à Bamako. On les a fait visité toutes les grandes infrastructures du pays pour qu’ils puissent dire ce qu’ils veulent comme activité pour leur 200 combattants. Un des chefs rebelles n’a pas manqué de dire ceci : « j’ai fait deux semaines ici. J’ai eu le sentiment que je n’étais pas dans mon pays ; J’ai regardé la télévision je n’ai pas vu ma culture, ni ma langue ». Cela m’est resté dans la tête, quand je suis devenu ministre de la Communication j’ai demandé au DG de l’ORTM, que toutes les informations importantes soient passées dans au moins une dizaine de langues. Est-ce que vous savez que moi j’ai reçu des lettres envoyées par des vieux Sénoufo de Sikasso, qui disent qu’ils n’attendent que ces minutes, tellement cela leur procure la sensation de se savoir chez eux.
J’ai expliqué aux journalistes de l’ORTM de faire en sorte que durant cette période sensible, tous les petits fils qu’on peut lier, qu’on les lie pour que les gens sachent qu’ils sont dans le pays. Mais quand j’ai quitté, on a éliminé tout cela.
Ces choses là ne plaisent pas aux uns et autres, donc les gens critiquent et ça aussi c’était normal. Un ministre quand tu prends des initiatives il t’attendre à être critiqué, moi je les assume. Sinon je n’ai pas eu de problèmes avec les journalistes en dehors de ça. D’ailleurs j’ai gardé les meilleurs rapports avec eux quand j’ai quitté.
Comment se peut-il qu’après tant d’efforts que le bail n’ait pas été reconduit ?
CKM : vous savez un ministre c’est comme un pion sur un échiquier. Le président de la République à chaque étape a des objectifs. Un ministre peut sortir du gouvernement pas par ce qu’il a démérité. Le président peut estimer simplement qu’à cette période donnée, son tempérament, sa façon de faire peut être, il a besoin de passer à une autre étape de mise en œuvre de sa stratégie.
Moi, je n’ai pas été sorti du gouvernement sans être informé. Sous ATT, oui, c’est à l’atelier que j’ai appris que je suis sorti du gouvernement. Malgré, la tentative d’humiliation, dont j’ai été victime pendant 6 mois, le jour où je sortais, le Premier ministre Modibo Kéita m’a informé dans son bureau de ma sortie du gouvernement.
Je lui ai dit deux choses en quittant. Je lui ai dit, « M. le Premier ministre, je vous remercie d’abord de m’avoir fait confiance, transmettez au président de la République mes remerciements. Par ce qu’on est 16 millions de Maliens. Quand vous m’appelez pour exercer la fonction de ministre, c’est une marque de confiance ».
Deuxièmement, je suis un responsable politique, ma présence dans le Gouvernement m’a permis davantage de connaître les dossiers de l’Etat. Il m’a accompagné à la porte courtoisement.
Maintenant, naturellement au niveau de mon parti la question se pose. Moi-même j’ai posé beaucoup de questions. J’ai dit, je veux comprendre, à supposer que ça soit les malentendus qu’il y’a eu. Et il y en a eu, notamment par rapport aux installations des autorités intérimaires, tout le Gouvernement savait que je n’étais pas d’accord avec la façon dont ça été fait. Non seulement la façon de faire, mais le résultat. J’ai même dit à un ministre que c’est de la supercherie, qu’ils ont trompé le Chef de l’Etat et les Maliens.
Mais au niveau de mon parti beaucoup n’ont pas compris. Ils disent « qu’on te sortes,
si nous sommes dans la majorité présidentielle, pourquoi on n’en fait pas appel au MPR ? »
J’ai dit aux uns et autres attention, on n’est pas venu avec IBK pour des postes de ministres. S’il, estime qu’il ne nous veut plus dans son gouvernement « gardons notre dignité, restons dans la majorité jusqu’à la fin de son mandat et on prendra notre autonomie ».
Il faut aussi dire que le Président ainsi que le Premier ministre ne sont obligés de s’expliquer à un ministre. Ils ne sont pas du tout obligés. Moi, j’ai même voulu rencontrer le Président de la République comme je l’ai fait avec le Premier ministre mais ça n’a pas été possible.
A suivre, la 3ème et dernière partie dans notre prochaine édition