Dr Anasser Ag Rhissa personne-ressources auprès des rapporteurs de la CEN : « Il y a eu des soirs où l’on a travaillé jusqu’à 2 heures voire 3 heures du matin »

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Dr Anasser Ag Rhissa, expert malien en TIC, gouvernance et sécurité vivant en France, a travaillé aux côtés de l’équipe de rédaction des rapports de la Conférence d’Entente Nationale. Il explique ici comment les équipes qu’il a appuyées ont dû ardûment œuvrer pour parvenir à un rapport global accepté par l’essentiel des participants. Un travail qui a souvent nécessité que les rapporteurs des différents panels sacrifient leur nuit puisqu’ils ont parfois travaillé très tard dans la nuit.

 L’Enquêteur : Veuillez pour présenter aux lecteurs du journal L’Enquêteur :

Anasser Ag Rhissa :  Je suis Dr Anasser Ag Rhissa. Je suis expert dans le domaine des Technologies de l’Information et de la Communication, la gouvernance et la sécurité et président de l’ONG Tilwat International.

J’agis auprès de la Commission d’organisation de la Conférence d’Entente Nationale d’abord en tant que consultant sur la méthodologie, ensuite, depuis que la CEN a commencé, comme participant et personne-ressources et actuellement, j’aide à la rédaction du rapport de la commission paix.

Rédiger un rapport de synthèse d’une Conférence d’Entente Nationale (CEN) n’est pas chose aisée. Comment allez-vous vous y prendre ?

Ce n’est pas du tout aisé parce qu’il y a effectivement eu des débats où l’on est parti d’une méthodologie dans un premier temps. On est parti des éléments sur lesquels on s’est entendu dans un premier point. Dans un deuxième point, il faut recueillir tous les avis des participants qui sont là, leurs propositions, et ensuite compiler tout ça, établir une sorte de corrélations entre les différentes propositions et arriver à des recommandations pertinentes et tous les éléments dont par exemple les causes profondes du conflit, les avis, les recommandations et tous ces éléments qui ont été compilés dans un rapport intermédiaire soumis par exemple à l’appréciation de l’assistance. Les gens y ont travaillé souvent très tard. Vous aurez compris que ce n’est pas du tout facile car il faut déjà avoir les débats dans la journée, puis continuer à travailler dans la soirée. Il y a eu des soirs où l’on a travaillé jusqu’à 2 heures voire 3 heures du matin pour finaliser des rapports et les présenter en plénière. Des gens ont trouvé que le travail est excellent. Et en même temps, il y a toujours de petites retouches par-ci, par-là. Nous sommes en train d’effectuer justement les dernières retouches à faire valider encore en plénière pour enfin arriver à un document pour validation définitive.

Les rapports étant rédigés en français, langue officielle certes, mais compris de peu de Maliens, il doit avoir été prévu des restitutions en langues nationales. Comment vous y attelez-vous ?

Tout à fait. Par rapport aux différentes recommandations, certains participants ont souhaité justement qu’il y ait ces restitutions dans le Mali profond. Donc, à tous les niveaux, villages, arrondissements, cercles, communes, régions, dans les fractions et un peu partout, qu’on restitue pour que les gens soient au même niveau d’information. Que les gens sachent ce qui s’est réellement passé. Ce sera effectivement à la discrétion du Gouvernement et surtout du Président de la Commission préparatoire de la Conférence d’Entente Nationale quand il aura les recommandations. Si tout cela est retenu par les uns et les autres, probablement, il y aura ce type de restitutions un peu partout pour que les gens soient au courant de ce qui s’est passé. Parce que je répète encore, cette Conférence d’Entente Nationale avait pour objectif quand même d’avoir un espace de dialogue inter-Maliens. Un espace qui va permettre justement de débattre de tout ce qu’on a eu comme problèmes et qui sont relatifs aux différentes crises qui nous ont secoués et arriver à faire des recommandations, des propositions de sortie définitive de crise et des propositions dans trois segments. Un segment orienté ‘Paix’ pour avoir une paix durable. Dans un segment « Unité Nationale » mais aussi dans le segment « Réconciliation Nationale », d’où l’intérêt de ce qu’on est en train de faire afin d’essayer d’avoir un inventaire des recommandations dans les trois segments afin plus tard d’arriver à élaborer une vraie charte nationale pour la paix, pour l’unité et pour la réconciliation nationale. Et ça, ça serait un autre cadre que définira le président de la République.

Qui trop embrasse mal étreint dit Nicolas Boileau. Est-ce qu’on peut tout retenir de tout ce qui se dit ici ? C’est en effet devenu un défouloir…

Ce qui est très important, si vous voulez, c’est que les différentes commissions ont été créées pour promouvoir la bonne parole. C’est-à-dire qu’il faut que les gens soient courtois les uns envers et les autres. Chacun peut exprimer ce qu’il veut mais dans le respect mutuel et arriver à des consensus. Tout le monde s’est déjà plié à ce genre de règles. Du coup justement, on arrive à recueillir les avis des uns et des autres et ensuite à en débattre et arriver à des consensus aussi en termes de recommandations. Ce qui est extrêmement important ce sont des consensus en termes de recommandations. Il y a beaucoup de gens qui font beaucoup de propositions, beaucoup de recommandations. Mais les groupes chargés de la rédaction des rapports de synthèse, que j’ai appuyés justement en tant que personne-ressources, ont analysé en profondeur le contenu de chaque recommandation, de toutes les recommandations, ils ont fait des entrecoupements et ainsi plusieurs recommandations ont pu constituer une seule recommandation.  Plusieurs petits bouts de plusieurs recommandations ont pu être distribués dans plusieurs autres recommandations. Donc, c’est un travail de fourmi, qui n’a pas été facile. Heureusement, il y a quelque chose d’extraordinaire en plénière : les gens se sont déjà accordés sur le fait qu’il y a un excellent document même s’il y a quelques retouches proposées.

La communauté internationale sera-t-elle au courant des résultats issus de cette rencontre ?

La Conférence d’Entente Nationale, c’est la voix des Maliens. C’est une rencontre ouverte à tous et la communauté internationale était même présente. Il y a les membres de la MINUSMA qui étaient là. Des ambassadeurs, des représentants de l’Union Africaine étaient là, etc. On a ouvert cette Conférence d’Entente Nationale à d’autres pour que des observateurs viennent voir ce que l’on y fait. Mais, quand même, c’est la voie malienne qui va se dessiner avec ces recommandations et la charte nationale plus tard. Quand tout le travail va être fait, les personnes concernées vont sûrement indiquer, communiquer les résultats de cette Conférence d’Entente Nationale à nos partenaires, qui certains, ont même suivi tous les jours et au fur et à mesure ce que l’on a fait.

Propos recueillis par Aly Enéba Guindo

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